« Nous, cinéastes, ne signerons pas un accord qui risquerait d’anéantir le financement des films »

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Une centaine de réalisateurs critiquent, dans une tribune parue dans Le Monde, un texte trop favorable aux nouvelles plateformes de SVOD.

Le 31 mars, les professionnels du cinéma doivent s’accorder sur la nouvelle chronologie des médias faute de quoi, le gouvernement pourra décider, via décret provisoire, des différentes fenêtres. Alors que se profile l’échéance des voix s’élèvent pour contester la tournure que prend cette négociation. Dans une tribune publiée dans Le Monde, une centaine de cinéaste se disent « inquiets pour l’avenir du cinéma », face à la perspective de voir le gouvernement entériner « un décret particulièrement favorable aux plateformes de streaming en leur offrant une place avantageuse dans la chronologie des médias, en contrepartie d’investissements dérisoires dans le cinéma ».

Les cinéastes évoquent ainsi des préachats à hauteur de 18 millions d’euros quand Canal+ en débourse 104, garantissant une centaine de films annuelle et une diversité. Les signataires redoutent, de fait, que le possible passage en force du gouvernement, sans prise en compte des accords interprofessionnels, pourrait grandement « fragiliser les partenaires historiques, et pousserait certains à s’aligner sur le modèle » de ces nouveaux entrants. « Que se passerait-il si, en toute logique et pour se protéger face à cette concurrence, Canal+ devenait à son tour une plateforme soumise à des obligations bien moindres dans le cinéma ? »

« Nous sommes disposés à accueillir les plateformes, mais ce seront à elles de s’adapter à la chronologie des médias et non l’inverse. »

Les signataires craignent donc que ce décret SMAD vienne fragiliser un écosystème « sur lequel repose pourtant notre souveraineté culturelle ». Ils militent pour une politique forte de soutien à la création, « pour que perdurent les rencontres humaines dans nos salles de cinéma, et que l’audace cinématographique soit visible jusque sur les écrans individuels de nos foyers ». Ils estiment la défense de cette liberté et de cette exception culturelle comme une ambition résolument moderne. « Il ne s’agit donc pas de défendre notre “pré carré”… mais de transmettre une terre aux générations suivantes. Nous ne résistons pas pour les privilèges de notre petit terrain – nous nous battons pour que survive à l’échelle du pays un terreau fertile pour la création. »

« Nous sommes cinéastes, et nous nous étonnons de lire une tribune médiatique de deux personnalités – Pascal Rogard et Jérôme Seydoux – qui, malgré l’estime que nous leur portons, mélangent “chronologie des médias” (concernant le cinéma) et “fonds de soutien audiovisuel” (concernant les téléfilms). Cet esprit de confusion nous pousse à réaffirmer notre position très clairement : nous sommes disposés à accueillir les plateformes, mais ce seront à elles de s’adapter à la chronologie des médias et non l’inverse. Ce seront à elles de respecter notre droit d’auteur français et sa juste rémunération liée à la diffusion des œuvres ces plateformes auront à s’y engager à travers une clause auteur. » Rappelant que leurs films existent grâce à cet écosystème précieux, les cinéastes expliquent qu’ils « ne [signeront] pas un accord qui risquerait de l’anéantir. Nous sommes persuadés qu’une coexistence est possible, et qu’elle peut être vertueuse ».

Un volte-face clair des réalisateurs qui, en décembre, par la voix de la SRF et des Cinéastes de l’ARP, avaient pourtant affiché leur satisfaction face à « une décision majeure du gouvernement en faveur de la création et de l’exception culturelle ».

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