Inclusiv Cinéma, partager la communication et l’information

"Sound of Metal" ©Tandem

Cet outil numérique collaboratif, actuellement en développement, vise à centraliser toutes les informations concernant l’accessibilité des films en salles, et à créer du lien entre tous les publics.

Lancé dans le cadre du premier challenge Futur@Cinéma, qui pour rappel vise la reconquête des public, Inclusiv est un site et une application, nourris par une communauté engagée de personnes, qui rassemblent toutes les informations sur l’accessibilité des salles de cinéma, des films, des séances, et favorisent l’échange entre les publics. « Nous travaillons à une accessibilité sur tout le parcours du spectateur : à partir du moment où il veut aller voir un film et cherche l’information, quand il passe la porte du cinéma, pendant la projection, mais aussi après, pour en débattre avec d’autres personnes », explique Mélissa Charles, présidente de l’association En pente douce qui porte le projet, avec Lena Nilly de Dulac Cinémas, Victor Courgeon du Méliès de Montreuil et Manon Kerjean de La Vingt-Cinquième Heure. « Depuis le passage par Futur@Cinéma, où nous étions aussi accompagnés par Marie Diagne (Le cinéma parle), nous avons créé l’association et sommes actuellement en recherche de subventions pour développer l’outil », précise Lena Nilly. « Mais nous travaillons déjà à sensibiliser les institutions et le public et préparons des formations en partenariat avec la CST, pour travailler sur toutes les couches, distributeurs, exploitants et équipementiers. » L’application et le site seront d’abord lancés sur une version test, « avec un panel de salles aux typologies très différentes et les distributeurs qui seront partants, en espérant être opérationnels pour 2024 ». Pour l’heure, Inclusiv est déjà sur les réseaux sociaux, pour contribuer à créer une communauté basée sur l’entraide et l’échange. 

À lire aussi | Leslie Thomas (CNC) évoque l’observatoire de l’accessibilité

Des situations qui créent le handicap

Le projet est d’abord parti du constat que l’information est difficilement… accessible. Mélissa Charles souligne ainsi que « le spectateur doit d’abord chercher si le film qu’il veut voir est sous-titré ou audiodécrit, puis si son cinéma le passe et à quelle heure. Et bien souvent, des cinéphiles vont voir le film qu’ils peuvent voir, et non pas celui qu’ils veulent voir ». Par ailleurs, les personnes en situation de handicap sont bien plus nombreuses que ce que l’on croit. On sait qu’en France, 12 millions de personnes, soit une personne sur six, est porteuse d’un handicap, tel qu’une déficience motrice, sensorielle ou cognitive. « Mais nous avons réalisé, grâce à Ciné Sens notamment, que pour beaucoup de gens, c’est une situation qui va créer le handicap », relate Mélissa Charles. « À notre échelle, cela signifie qu’il y a des obstacles pour accéder à la salle de cinéma, qui peuvent concerner une personne âgée, quelqu’un qui parle mal le français, ou ponctuellement une personne qui s’est cassée une jambe ou une femme enceinte. » En levant les obstacles, on va vers plus d’équité. « Et quand on sait que plus d’une personne sur six est en situation de handicap, travailler à l’accessibilité, c’est non seulement défendre la culture pour tous, mais c’est aussi un intérêt économique pour les salles. »

À lire aussi | Ciné Sens en éveil

Au-delà des chiffres dont dispose la FNCF, l’équipe d’Inclusiv a diffusé un questionnaire par le biais d’associations (Ciné Sens, Retour d’image, Ciné-ma différence…). Sur une centaine de répondants, certes un petit panel et des personnes déjà sensibilisées, 14 % disent ne jamais aller au cinéma, 18 % une fois par semaine, 29 % une fois par an, 39 % une fois par mois et 84 % se disent sensibles aux dispositifs mis en place comme comme l’audiodescription, la STME ou les boucles magnétiques. 

À lire aussi | Ciné-ma différence… Relax !

Des solutions faciles à mettre en place

« Mais il est apparu que l’un des plus gros problèmes concerne l’accessibilité aux supports qui traitent eux-mêmes de l’accessibilité. Par exemple, certains sites référencent les séances accessibles, mais ne le sont pas eux-mêmes. » Et si, depuis 2019, les développeurs de sites internet doivent répondre au cahier des charges du Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA), « les salles peuvent aussi privilégier les réseaux sociaux qui, souvent, intègrent du sous-titrage, ou parfois des salons vocaux, comme sur Discord, qui permettent aussi d’échanger entre spectateurs », indique la présidente de En pente douce. Les programmes, qui sont souvent illisibles, doivent être exportables en PDF pour permettre la lecture vocale. « Il est important aussi d’écrire des synopsis faciles à lire et à comprendre, et bien sûr de signaler par des icônes les séances en audiodescription ou en STME sur les grilles horaires. »

À lire aussi | Retour d’image, de la programmation à la formation

Dans l’enceinte d’un cinéma, l’idée est d’améliorer la signalétique. On peut ainsi compléter les annonces sonores dans le hall par des panneaux visuels. « Pour la sécurité, une sirène incendie pourra être accompagnée par des lumières rouges qui clignotent dans tout le cinéma. » Pour les malvoyants, on peut imaginer un audio-guidage dès l’entrée dans le cinéma, comme il en existe dans les musées. Dans la salle, en plus des casques pour l’audiodescription ou les dispositifs wi-fi via le smartphone ou la tablette personnelle du spectateur, « il faut savoir que 80 % des appareils auditifs peuvent aujourd’hui être connectés à la boucle magnétique, ce que beaucoup de gens ignorent ». Ainsi, sans se lancer dans de gros travaux d’aménagement, beaucoup de petites solutions existent, avec des aides mobilisables ou des coûts partagés. 

Enfin, il reste un gros travail à mener sur le matériel promotionnel des films (FA, DP ou affiches), qui souvent n’est pas accessible, même quand il concerne des œuvres qui le sont. « Certains distributeurs en ont pris conscience, comme Tandem pour la sortie de Sound of Metal, avec des outils marketing adaptés, mais il faudrait que ça devienne automatique. C’est aussi aux exploitants de faire remonter les demandes de leurs spectateurs. »

À lire aussi | Une charte pour l’emploi des travailleurs handicapés

Formations pour les professionnels à la CST

En étroite collaboration avec l’équipe du projet Inclusiv, la Commission supérieure technique prépare une formation pour exploitants et diffuseurs. « L’objectif est d’abord de former l’ensemble des salles prototypes du projet Inclusiv, tout en construisant un programme qui pourra être proposé plus largement », explique Mathieu Guetta, référent exploitation à la CST. La formation sera construite autour de cinq modules d’une journée chacun, mais pourra être suivie intégralement ou partiellement, chaque module touchant des domaines différents.

Une formation en 5 modules
1- L’accueil. Travailler les gestes, la façon de s’exprimer, notamment grâce à la mallette “Keski handicap”, qui permet de se mettre dans la peau d’une personne en situation de handicap pour mieux l’accueillir. Ce module traitera aussi de la prévention des risques et des premiers secours. 
2 – La programmation et la distribution. À partir d’une étude de cas, celui de Sound of Metal, « dont la sortie a été préparée au mieux pour rendre le film accessible au plus grand nombre », et d’exercices ludiques par groupe, cette partie abordera le marketing, de la création du film annonce au travail avec les associations.
3 – La médiation. Comment chercher des relais locaux et nationaux, et comment, au sein de la salle, présenter et lancer une séance, y compris quand elle n’est pas dédiée à un public particulier, « pour veiller notamment, lors d’un débat avec un réalisateur, à inclure tout le monde ». 
4 – La projection. Le maniement depuis la cabine pour rendre la projection accessible, l’entretien et la vérification du matériel. « Les appareils ne servent pas très souvent et quand un spectateur le demande, il arrive qu’il ne fonctionne plus ou que les batteries soient en panne. Leur maintenance est donc importante. » 
5 – La communication. Pour que tout support et matériel promotionnel (FA, site internet, affichage, signalétique…), soit accessible à tous. Initiation au “Facile à lire et à comprendre” (Falc).

Les premières sessions devraient être lancées début 2023, avec les interventions et le partenariat d’associations telles que Ciné Sens, Ciné-ma différence-Ciné Relax, l’Association pour la protection et l’accompagnement de la personne (AFPAP), Les Doigts dans la prise… la CST se chargeant de tout le déploiement technique et de la coordination, en tant qu’organisme de formation agréé.

"Sound of Metal" ©Tandem

Les News