Une charte pour l’emploi des travailleurs handicapés

"Elle s'appelle Sabine" de Sandrine Bonnaire ©Les films du Paradoxe

Depuis 2019, les partenaires sociaux de la branche de l’exploitation cinématographique ont entamé des discussions autour de l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés. Il en ressort aujourd’hui une charte de bonnes pratiques et d’accompagnement.

Peu d’éléments concrets existaient dans la filière jusque récemment. Les discussions sont entamées en 2019 au sein de la Commission mixte paritaire de la branche. Afin d’alimenter la réflexion et connaître l’avis des exploitants, une grande enquête a été menée en janvier 2021. 247 établissements de la branche (dont 54 avec un effectif égal ou supérieur à 20  salariés), représentant 2 979 salariés en équivalent temps plein, ont répondu. 

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« Les résultats de l’étude ont été présentés lors de la commission mixte paritaire du 20 mai 2021. Il en est ressorti quatre principales difficultés rencontrées dans l’embauche des travailleurs en situation de handicap », commente Agathe de Foucher, secrétaire générale administrative de la FNCF et responsable des questions sociales. Le premier constat est le manque de candidatures de personnes en situation de handicap (50 %) ; ensuite les difficultés d’adaptation des postes de travail (18 %) ; le manque de postes vacants au sein des petites structures de l’exploitation (17 %) et enfin la méconnaissance des dispositifs d’accompagnement (8 %).

« Les représentants des salariés et des entreprises ont entamé des négociations pour mettre le sujet au cœur des enjeux du secteur. En avril 2022, il en a résulté, non pas un accord, mais une charte. L’adhésion de l’entreprise doit relever d’une démarche politique et non un dispositif ajoutant de la contrainte à la contrainte », explique Agathe de Foucher.

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Quatre grands objectifs ont été déterminés. Le premier porte sur l’information et la sensibilisation et la communication autour du handicap, avec le développement d’outils de communication spécifiques aux salles et pour leurs salariés. « Il faut que nous fassions remonter des expériences positives des exploitants afin de communiquer sur le fait que c’est possible. Qu’ils puissent aussi rassurer les collaborateurs sur l’accueil de ce nouveau collègue, montrer que l’on peut aborder le travail et la vie d’une équipe différemment », abonde la responsable des questions sociales. Une campagne de communication sera mise en place d’ici la fin de l’année.

Le deuxième axe est de favoriser l’intégration du handicap au sein des entreprises. Ce travail consistera à favoriser le recrutement, notamment en répertoriant les plateformes de recrutement dédiées, à identifier les différents types de handicaps, créer des descriptifs de postes compatibles, préparer les entretiens d’embauche… « En somme, obtenir des réflexes et les bons modus operandi dans le recrutement. »

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Le troisième point concerne le maintien dans l’emploi des salariés confrontés à des problématiques de santé ou en situation de handicap. « Il s’agit d’accompagner les entreprises qui n’ont pas forcément pensé qu’un salarié pouvait être éligible à la reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH). Et puis, il y a la question du maintien et de l’aménagement du poste, de l’adaptation du salarié et de son évolution dans l’entreprise. Il peut aussi y avoir des médiations, si le sujet est sensible entre l’équipe et l’employé. »

Quatrièmement et dernièrement, un suivi régulier au niveau de la branche devra être assuré. « Cette question sera au cœur de toutes les discussions de la Commission mixte paritaire de la branche. Enfin, nous engagerons, dès 2023, une enquête sur l’écho qu’aura eu cette charte. Nous sommes accompagnés par la Mission Handicap d’Audiens qui s’engage à développer les outils nécessaires à cette mise en œuvre », conclut Agathe de Foucher (voir ci-dessous). 

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La Mission Handicap du spectacle vivant et enregistré à pied d’œuvre

Portée par Audiens, en partenariat avec l’Agefiph*, cette mission a d’abord été initiée en 2017 pour le secteur de la production audiovisuelle avant que son périmètre ne soit élargi à l’ensemble de l’audiovisuel, au cinéma ou encore au spectacle vivant en septembre 2020. L’objectif est d’accompagner les entreprises dans leur obligation d’emploi de travailleurs en situation de handicap, à savoir 6 % des effectifs pour des sociétés de plus de 20 salariés. Mais aussi d’épauler des professionnels avec des soucis de santé ou en situation de handicap dans leur (ré)insertion.

« La fermeture des salles ayant compliqué le lancement de la Mission Handicap, nous avons dans un premier temps concentré nos efforts sur la communication autour de nos actions », explique Sarah Minski, responsable de domaine Accompagnement des parcours professionnels. « Puis, la réouverture nous a permis de mener des sessions de sensibilisation en entreprises, d’échanger avec les exploitants notamment, autour de la démarche pour recruter, de la manière d’identifier les candidats en situation de handicap, et des aides financières mobilisables. » CVthèque, charte, formation pour l’accueil de public handicapé figurent également parmi les outils proposés par cette mission, qui envisage également de mettre en place des job datings, après des tests concluants pour le secteur des festivals. 

« Le plus dur est de dépoussiérer les clichés sur le handicap, en passant au-delà de la lourdeur du mot », indique Carla Ballivian, responsable du service des professionnels en activité – accompagnement solidaire et social Audiens. « Dans notre entourage, il existe des personnes touchées par le handicap, mais sous des formes parfois plus discrètes, comme le diabète. Il est important pour ces personnes de se faire connaître de leur employeur et nos actions de sensibilisation servent en partie à cela. »

L’équipe de la Mission Handicap salue la volonté affichée par le milieu culturel d’être moteur sur la question, « en lien avec les valeurs de diversité prônées. C’est une thématique qui fédère puisque, de plus en plus, les entreprises du cinéma viennent nous solliciter ». Ces dernières sont incitées à poursuivre leurs efforts, notamment sur leurs aménagements pour accueillir ces personnes. Et dans un contexte où la crise a tendu le marché avec de réelles difficultés à recruter, voilà peut-être l’occasion parfaite de passer un vrai cap sur le sujet. Plus que jamais, la balle semble dans le camp des entreprises.

*Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées

"Elle s'appelle Sabine" de Sandrine Bonnaire ©Les films du Paradoxe

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