Le plafonnement légal du taux de location en Outre-mer est approuvé au Sénat, mais divise toujours la profession

Ciné-Cambaie à Saint-Paul, La Réunion

La proposition de loi visant à fixer un taux de location des films maximum de 35 % pour les cinémas d’Outre-mer a été votée par le Sénat. Une mesure qui était réclamée par le Syndicat d’exploitants ultramarins (Secom), contestée par les distributeurs… mais aussi par un opérateur majeur de La Réunion, qui n’est pas membre du syndicat. 

Le texte, déposé par la sénatrice de la Martinique Catherine Conconne, vise à « assurer la pérennité des établissements cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer  », en plafonnant le taux de location des films à 35 %. La proposition de loi a été votée à l’unanimité par le Sénat ce jeudi 15 juin et doit maintenant passer à l’Assemblée nationale.

Un résultat qui doit satisfaire la présidente du Secom Alexandra Elizé, dont le groupe familial règne sur la zone Antilles-Guyane depuis près d’un siècle. Comme elle l’expliquait ce même jour dans l’Émission Boxoffice Pro, « ce taux à 35 % est vital pour les salles, comme l’a reconnu un rapport de l’inspection des finances missionnée en 2018 par le CNC ».  Selon le Secom, un taux réduit, calculé sur les recettes hors taxes – sachant que les taxes sont inférieures en Outre-mer –, ne lèse en rien les distributeurs.

Or pour les ayant-droits, qui l’avaient exprimé aux sénateurs par la voix de 12 organisations professionnelles, « restreindre les possibilités de rentabilité de la distribution ne peut pas être la réponse aux difficultés rencontrées par l’exploitation en Outre-mer ».

Historiquement, il faut rappeler que le taux de location pratiqué en Outre-mer est en moyenne de 35 %. Cela en raison des contraintes économiques pesant sur ces territoires éloignés, mais aussi en lien avec le mécanisme de sous-distribution qui y prévalait jusqu’à présent (certains exploitants ultramarins sont aussi sous-traitants sur leurs territoires et se chargeant de la promotion locale des films). Une pratique en voie d’extinction, le CNC ayant fixé des règles plus transparentes et les exploitants d’Outre-mer ayant accepté, l’an dernier, de traiter en direct avec les distributeurs de Métropole. Ces derniers souhaitent donc que la législation nationale s’applique, à savoir un taux de location des films entre 25 % et 50 %, à négocier au cas par cas. Selon eux, cet alignement favorisera la diversité de l’offre dans les Drom.

Une position défendue par le groupe Ethève, qui exploite notamment deux multiplexes et la première salle classée art et essai de La Réunion*, tout en étant l’un des sous-distributeurs pour sa région. « Nous avons toujours été favorables à l’application des mêmes règles qu’en Métropole et en toute transparence », explique Evelyne Ethève, responsable juridique du groupe. Soulignant que les situations sont très disparates entre les territoires ultramarins, elle précise qu’à « La Réunion, même en sous-distribution, nous avions des taux à 45 % et cela ne nous a jamais fragilisé économiquement. Nous avons anticipé le passage en direct avec les distributeurs nationaux, en pratiquant des taux dégressifs, et avons des relations apaisées qui ont notamment permis de développer l’offre art et essai ». Or le groupe redoute qu’avec un taux fixé à 35 %, les distributeurs ne veuillent plus servir les salles d’Outre-mer. Et pour Evelyne Ethève, « l’intervention du législateur n’était pas nécessaire pour ce qui doit relever de la négociation entre exploitants et distributeurs ». 

Ciné-Cambaie à Saint-Paul, La Réunion