Le groupe Ethève réagit au plafonnement légal du taux de location en Outre-mer

Le Ciné Grand Sud de Pierrefonds, à Saint-Pierre de La Réunion

La proposition de loi, qui vient d’être votée par le Sénat ce jeudi 15 juin, risque d’avoir des « conséquences catastrophiques » selon l’exploitant réunionnais, qui redoute de ne plus avoir accès aux films.

Le groupe Ethève, qui gère notamment deux multiplexes et une salle classée art et essai à La Réunion*, est aussi sous-distributeur pour sa région. Pourtant, il n’est pas de l’avis du Secom, le syndicat des exploitants ultramarins présidé par Alexandra Elizé – dont il n’est pas adhérent – et rejoint plutôt la position des distributeurs au sujet d’un taux de location des films qui serait fixé à 35 % par la loi. 

Alors que la PPL vient d’être adoptée par les sénateurs aujourd’hui, l’exploitant a réagi à chaud par voie de communiqué, que nous reproduisons dans son intégralité.

« Le groupe Ethève exploite des cinémas depuis plus de 50 ans à la Réunion et ne cesse d’investir dans l’ouverture de nouveaux établissements performants à l’image du tout nouveau Multiplexe Ciné Grand Sud de Pierrefonds à Saint-Pierre, qui a enfin pu ouvrir ses portes le 14 avril dernier et s’est hissé en moins d’un mois à la place du 2ème meilleur cinéma français en mai 2023. 

Le Groupe Ethève souhaite aujourd’hui exprimer sa vive et ferme opposition à la proposition de loi No 506 (2022/2023) visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer, déposée par Mme la sénatrice Catherine Conconne (Martinique) qui vient d’être votée ce jeudi 15 juin en séance publique devant le Sénat et qui a été traitée en procédure accélérée sans aucune consultation de notre groupe réunionnais (ni des exploitants de l’ALPAJOE à Mayotte ou du MK2 Dumbea de Nouvelle-Calédonie), alors que ce texte vise à plafonner à uniquement 35% le taux de répartition proportionnelle que nos salles réunionnaises doivent reverser aux distributeurs nationaux.

Cette proposition de loi, contrairement à ce que son intitulé laisse penser, est une fausse bonne idée : en effet, même si elle permettrait à nos salles réunionnaises et ultra-marines de conserver 65% des recettes sur chaque ticket de cinéma (hors taxes), ce texte aura en réalité sur notre activité d’exploitation de salles de cinéma des conséquences catastrophiques qui ont été clairement sous-estimées lors des débats et discussions devant le Sénat. 

En effet, si cette proposition de loi venait à être également votée par l’Assemblée nationale et ce plafond à 35% ainsi imposé, de façon stricte et non négociable, les distributeurs et ayant-droits, évidemment opposés à une telle limitation de leurs revenus, ont déjà annoncé soit le retrait pur et simple de nos territoires ultra-marins de leur plan de sortiesoit des sorties uniquement en décalé de 4 ou 5 semaines par rapport à la date de sortie nationale. Le spectateur et citoyen ultra-marin aurait donc, après le vote de cette loi, un droit à la culture limité ou terriblement dégradé, le reléguant au statut de spectateur de « seconde zone », et cela uniquement parce que le législateur aurait validé un texte sans prendre en compte les conséquences et contextes économiques concernés. 
  
Comment pourrions-nous accepter, après avoir investi autant dans l’ouverture de nouveaux établissements, que nos salles de la Réunion et celles de Mayotte soient ainsi privées d’un accès égalitaire aux films en date de sortie nationale ? 

Aucune étude d’impact n’a été réalisée et le passage, pourtant réussi, à une distribution « en direct »  pour la programmation des films dans nos cinémas réunionnais du groupe Ethève n’a absolument pas été pris en compte, ce alors que nos cinémas appliquent pourtant des taux plus élevés que 35% depuis plus de 15 ans, sans avoir été obligés de fermer nos établissements ni augmenté nos tarifs à 14 euros contrairement à ce qui a été indiqué lors des débats devant le Sénat. 

Cette proposition de loi n’a en réalité pour but que de permettre aux membres du SECOM, syndicat ne représentant qu’une partie des salles des DROM-COM, de conserver ou rétablir leur monopole sur l’activité de distribution de films dans nos territoires ultra-marins, en complexifiant, voire en rendant impossible le passage à une distribution « en direct » pour tenter de maintenir « de force » nos territoires dans un schéma de sous-distribution totalement opaque et inadapté, obligeant nos salles à payer systématiquement des Minima garantis pour avoir accès à un film. 

Le groupe Ethève est vraiment scandalisé par cette proposition de loi ainsi que par l’inaction du gouvernement face à cette demande de plafonnement alors que le Code du cinéma et de l’image animée permet déjà pourtant, dans sa rédaction actuelle, de préserver non seulement une vraie négociation contractuelle, mais aussi la diversité culturelle ainsi qu’un accès libre et équitable à tous les films pour les salles et spectateurs réunionnais. Malgré ce vote au Sénat, le groupe Ethève continuera de lutter pour la préservation d’un accès équitable et égalitaire pour les salles et le public réunionnais aux oeuvres cinématographiques. Car la culture dans nos îles ultra-marines, ce n’est pas protéger des monopoles qui n’ont pas su adapter leur rente de situation aux nouveaux besoins des spectateurs et au contexte économique localc’est plutôt garantir l’accès à nos spectateurs à des oeuvres diverses et variées dans les meilleures conditions matérielles et techniques possibles. »

*le Multiplexe Ciné Grand Sud de Pierrefonds-Saint-Pierre, le Ciné Cambaie à Saint-Paul et le Ciné Lacaze, 1ère salle labellisée Art et Essai dans l’Océan Indien.

Le Ciné Grand Sud de Pierrefonds, à Saint-Pierre de La Réunion

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