Le succès du polar de Cédric Jimenez figure parmi les nombreux temps forts qu’a connu la filiale du groupe Canal+ cette année. Bilan anticipé d’un exercice qu’elle devrait terminer avec le statut de premier distributeur français au box-office.
Réaliser une performance dans un marché affaibli par le Covid n’était déjà pas chose facile. La rééditer – et la battre – semblait relever de l’utopie. C’est pourtant ce qu’a accompli Studiocanal en l’espace d’une dizaine de mois, avec Bac Nord en août 2021 et Novembre en octobre dernier, qui cumulent respectivement 2,22 millions et 2,24 millions d’entrées. « Nous savions que les qualités de Novembre lui permettaient d’exister dans ce marché automnal et d’être un succès, mais, objectivement, nous n’aurions jamais pu imaginer atteindre le niveau de Bac Nord », avoue Thierry Lacaze, directeur de la distribution de Studiocanal.
Comment, dans ce cas, expliquer que le film ait dépassé les attentes ? Petit retour en arrière. Alors que le film centré sur la Bac marseillaise n’est pas encore sorti, le distributeur renouvelle sa confiance à Cédric Jimenez et son producteur, Hugo Sélignac (Chi-Fou-Mi Productions), pour leur projet autour de l’antiterrorisme français lors des attentats de novembre 2015. « Malgré quelques craintes quant à son côté anxiogène, le sujet nous a plu, d’autant que le traitement scénaristique proposé par Olivier Demangel et Cédric, et mis en route par Mathias Rubin de Récifilms, était suffisamment fort et attirant pour qu’on puisse vendre le film comme une chasse à l’homme. » Avec son casting prestigieux (Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain, Anaïs Demoustier, Jérémie Renier, Lyna Khoudri, entre autres), Novembre est projeté en grande pompe hors compétition à Cannes, point de départ de la campagne promotionnelle.
« Bac Nord était sorti comme un film à l’américaine dans une période où il manquait justement les productions US. Tout le contraire du contexte de Novembre, avec des blockbusters hollywoodiens qui trustaient les premières places. Il fallait donc opter pour la mise en avant d’une histoire plus française, bien qu’elle conserve les codes du divertissement à l’américaine », poursuit Thierry Lacaze. Le public visé est, pour le coup, plus mixte, en raison de trois rôles féminins majeurs. Autre élément important : le fait de pouvoir capitaliser sur du concret. « Le succès de Bac Nord en salles, mais aussi en DVD, VOD et à la télévision, a permis de toucher un large public qui a pu identifier Cédric Jimenez. Le réalisateur et le film sont devenus en quelque sorte des marques, sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour promouvoir Novembre. »
Lancé le 5 octobre via un plan de sortie similaire à Bac Nord (environ 15 000 séances en première semaine), le nouveau polar de Cédric Jimenez réussit son démarrage avec plus de 600 000 entrées totalisées en une semaine, avant-premières comprises. Bien au-dessus des 483 000 billets de son prédécesseur, et par ailleurs le troisième meilleur départ pour un film français en 2022. « Nous avons été surpris par la façon dont le public s’est emparé du sujet, qui lui a sans doute fait moins peur que ce que l’on pensait, et qui a permis au film de s’installer sur la durée, dans un marché beaucoup plus concurrentiel que celui de Bac Nord. » Novembre a surfé sur une excellente dynamique sur ses premières semaines (seulement -22 % et -13 % de baisse de fréquentation au cours des trois premières), profitant même des vacances scolaires pour rebondir (+4 %). « On ne maîtrise jamais le bouche-à-oreille. Mais il y a tout un accompagnement marketing de relance sur ces entrées, en digital et en affichage. Nous avions déjà prévu, avant même la sortie, de soutenir le film pendant la Toussaint, avec des moyens renforcés au regard des excellents résultats. »
Si la possibilité de challenger Qu’est-ce qu’on a tous fait au Bon Dieu ? (2,42 millions d’entrées) pour devenir le plus gros succès français de 2022 serait la cerise sur le gâteau, la performance de Novembre vient déjà confirmer la très belle année de Studiocanal, démarrée crescendo avec En attendant Bojangles (560 000 tickets), « un bon résultat même si, sans la période trouble du Covid, il avait le potentiel pour aller plus loin ». S’en est suivi Goliath (800 000 billets) et Super-héros malgré lui (1,84 million) de la Bande à Fifi, que le distributeur va retrouver début 2023 avec Alibi.com 2, puis, dans une autre mesure, La Dégustation (quelque 300 000 tickets).
Mais la vraie surprise de ce premier semestre chez Studiocanal reste celle de En corps de Cédric Klapisch : 1,4 million de spectateurs réunis, ce qui en fait encore aujourd’hui le plus gros succès art et essai de 2022 et le sixième plus gros tout film français confondu. « Lors des premières projections, nous avons senti un emballement et une émotion que nous n’avions pas vus depuis longtemps. Le film a eu ce côté fédérateur qui a fait beaucoup de bien au public après la période traversée et, dans la foulée d’un très bon démarrage, il s’est lui aussi imposé sur la durée », indique Thierry Lacaze. « L’idée était de réitérer le score de Deux moi [plus de 650 000 entrées en 2019, ndlr.], c’était impensable qu’il frise celui de Casse-tête chinois [1,5 million en 2013] »… dont il pourrait pourtant se rapprocher grâce à sa récente sélection au Festival Télérama/Afcae de janvier prochain.
Avant la sortie de l’animation Ernest et Célestine – Voyage en Charabie le 14 décembre, Studiocanal se concentre sur Reste un peu, le film intimiste de Gad Elmaleh qui a surpris le marché. « Personne n’attendait Gad dans un tel film d’auteur, drôle et sérieux, très personnel mais pouvant résonner chez beaucoup de gens. Il a fallu expliquer aux multiplexes que ce n’était pas dans la lignée de Coco ou Chouchou. En même temps, Gad n’est pas identifié auteur par les salles art et essai. Nous avons donc eu une sortie tenue sur 250 copies, mais le bon démarrage [150 000 cinéphiles en première semaine, ndlr.] a fait exploser les demandes des salles », se réjouit Thierry Lacaze. Avec déjà 8 millions d’entrées enregistrées par les neuf films sortis cette année, Studiocanal devrait terminer 2022 comme premier distributeur français. Une performance que son directeur de la distribution met notamment au crédit de la complémentarité des équipes marketing d’Anne Gagnot et de programmation de Jean-Baptiste Davi. « Le box-office français va vraisemblablement se situer autour des 150 millions d’entrées cette année, résultat d’un travail colossal des exploitants et des distributeurs. Tant que nous nous relèverons les manches ensemble, les spectateurs continueront d’aller au cinéma. »
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