Congrès FNCF :  L’éducation et les visas exceptionnels au cœur du débat avec le CNC

Olivier Henrard, président par intérim du CNC, au Congrès de la FNCF le 25 septembre 2024

Lors de la rencontre avec les pouvoirs publics à Deauville, le président par intérim du CNC a répondu aux questions des exploitants, notamment sur l’éducation à l’image. Les débats sont aussi longuement revenus sur le visa exceptionnel et ses débordements récents.   

En introduction de cette rencontre, le président de la FNCF a réaffirmé l’importance d’avoir un CNC fort et indépendant, et « dont le financement n’est pas obéré ». Or à l’heure où le pays doit faire des choix sur ses finances publiques, « certains auront de très bonnes idées pour faire des économies sur le dos de la culture ». C’est pourquoi Richard Patry  a mis en garde contre la tentation d’une « sectorisation des revendications. L’ennemi, ce n’est pas la salle concurrente, ni le distributeur qui ne vous donne pas les films que vous espériez avoir, ni le CNC, ni les pouvoirs publics, ni les autres diffuseurs. L’ennemi, c’est le chacun pour soi, l’individualisme, la vision à court terme, la division. »

Un plan diffusion prolongé par la modernisation du fonds de soutien automatique

Si Rachida Dati, reconduite il y a quelques jours au ministère de la Culture, n’était pas à Deauville aujourd’hui, elle a rappelé, dans un message vidéo aux exploitants, son attachement à la diffusion des œuvres sur tout le territoire, en direction de tous les publics. Un « grand combat » que la ministre a concrétisé avec des mesures annoncées en mai dernier au festival de Cannes, à hauteur de 5 millions d’euros au total, notamment à destination des circuits itinérants, des festivals locaux qui travaillent à l’année en lien avec les salles et les actions de médiation dans les cinémas, en particulier en direction des jeunes les plus éloignés de la culture. Après cette première étape, mise en œuvre « dans un délai record », la ministre a promis de présenter rapidement d’autres mesures, « pour améliorer le soutien direct aux salles ». De son côté, Olivier Henrard a confirmé que cette seconde étape est centrée sur la modernisation du soutien automatique, en tenant compte d’un retour du public « qui ne s’est pas fait dans les mêmes conditions, de façon homogène sur tout le territoire ». Cette révision des barèmes, réclamée en particulier par la grande exploitation, devrait déboucher rapidement, avant la fin de l’année pour être soumis au premier conseil d’administration du Centre début 2025, « sous réserve évidemment, de la préservation des ressources du CNC », a noté son président par intérim .

Pas d’exception pour le visa exceptionnel

Concernant la chronologie des médias qui doit être révisée d’ici le 1er janvier prochain, le responsable du CNC n’attend que des évolutions à la marge, avec des « progrès encore possibles sur des points très ciblés, comme par exemple l’exploitation en téléchargement définitif à l’acte ». Finalement, sur le terrain de la chronologie des médias, ce sont surtout les visas exceptionnels qui se sont invités dans le débat. Le débordement de l’événement de Kaizen les 13 et 14 septembre – avec 1 000 séances organisées au lieu des 500 que leur permettait son visa exceptionnel – laisse chez beaucoup de distributeurs « un sentiment de frustration », exprimé en premier lieu par Olivier Snanoudj. Le senior vice-président de la distribution chez Warner Bros., et président adjoint de la FNEF, a ainsi appelé les exploitants à ne pas « compromettre leurs principes, notamment autour de l’exclusivité salles » et les autorités publiques à mener une action « claire et ferme ». Olivier Henrard, qui promet une concertation rapide – et qui a d’ailleurs déjà débuté – pour adapter la réglementation, indique déjà qu’il n’est « pas question de revenir sur l’existence ou de restreindre de façon substantielle » le régime des visas exceptionnels tel qu’il existe aujourd’hui, « et qui est d’une souplesse totalement évidente. Il faut agir sur les sanctions ; il nous en faut des suffisamment dissuasives pour éviter la réédition d’un comportement de violation programmé, délibéré… ».  

Une éducation aux images nationale remise en cause

Du côté des salles, on sait combien l’avenir des dispositifs nationaux d’éducation au cinéma inquiète, en particulier les branches de la petite et moyenne exploitation, qui l’ont à nouveau exprimé lors des débats à Deauville. Si le CNC est « pleinement mobilisé » sur le sujet, la réponse d’Olivier Henrard n’a pas été vraiment rassurante. Au-delà du désengagement de certaines collectivités locales pour raisons budgétaires, le ministère de l’Éducation nationale se désengage à sa façon.  « Je suis allé rencontrer les responsables au plus haut niveau : très franchement, il me semble exclu que le ministère de l’Éducation revienne sur le RCD [remplacement de courte durée] », a ainsi prévenu le président par intérim du CNC. En clair, cela signifie que les enseignants ne seront plus formés dans le cadre de ces dispositifs, et risquent donc de s’en désinscrire. Le responsable du CNC a avancé que cela pouvait être « une opportunité pour recentrer les besoins fondamentaux des élèves et enseignants », en s’appuyant sur d’autres outils, tels qu’un guide publié par le CNC et une formation en ligne que l’Éducation nationale devrait mettre en place sur une plateforme. « Nous devons aussi avoir une réflexion commune pour que chaque enseignant puisse puiser dans le catalogue gigantesque de ces dispositifs », a ajouté Olivier Henrard, saluant aussi la proposition de la FNCF d’encourager les enseignants par une offre tarifaire dans leurs cinémas.
Mais le président du CNC a bien reconnu la fin de la dimension nationale de ces dispositifs : « Les jardins à la française, déployés sur l’ensemble du territoire, il faut en faire le deuil ».  Et si de belles initiatives peuvent se déployer au niveau local, « le risque,  c’est d’avoir des territoires moins motivés ». 

Sur les autres travaux en cours pour le CNC, Olivier Henrard a salué l’engagement des cinémas en matière de responsabilité sociale et environnementale, notamment celui de la commission écologie de la FNCF, qui a présenté ses travaux à Deauville quelques heures plus tôt. Le CNC accompagnera les salles à travers son plan de formation annoncé aujourd’hui, mais ne créera pas de fonds spécifique pour accompagner le passage à la projection laser. Le président a toutefois précisé que tous les soutiens habituels du CNC seront disponibles, y compris l’aide automatique, pour ces investissements. Son étude sur la consommation énergétique du laser vs xénon apporte un élément important, « notamment pour crédibiliser les projets au moment de réunir les financements des nouveaux projecteurs ». 

Les évolutions découlant des rapports Lasserre et Bacchi se poursuivent aussi : le CNC prévoit de monter un comité de suivi pour évaluer tous les effets de la réforme art et essai.  Sur les engagements de programmation et la question de la multidiffusion, qui divise toujours les professionnels, les discussions doivent continuer et le centre proposera « des critères d’encadrement simples, et des lignes directrices suffisamment souples », pour qu’un cadre adapté soit proposé à chaque circuit.  
Enfin, l’accessibilité sensorielle est un sujet qui mobilise tous les maillons de la filière, et le CNC poursuit ses travaux, notamment à travers son l’observatoire de l’accessibilité et l’appel à projet “les uns et les autres”.

Olivier Henrard, président par intérim du CNC, au Congrès de la FNCF le 25 septembre 2024

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