Afcae, les années Aymé

François Aymé lors des Journées Afcae à Cannes, en mai 2022. ©Tanguy Colon

Au cours d’un mandat de sept ans, le président de l’Afcae a su rajeunir et faire grandir l’association, comme force de proposition sur de nombreux sujets, du renouvellement des publics à la conception des cinémas art et essai.

En 2015 à Cannes, le renouvellement du conseil d’administration de l’Afcae marque la fin d’une époque. L’équipe menée par Patrick Brouiller et Alain Bouffartigues, restés président et vice-président pendant 21 ans, aux côtés de Xavier Blom, Micheline Gardez ou encore Alain Nouaille, laisse place à un CA rajeuni et un bureau presque entièrement renouvelé.

L’Afcae a alors 60 ans, et s’est construite autour de principes que le nouveau président, l’exploitant du Jean Eustache à Pessac, entend poursuivre : « l’exception culturelle, la régulation comme clé de voûte du système français, l’aménagement culturel du territoire, l’éducation au cinéma, le dialogue permanent avec les pouvoirs publics », énonce alors François Aymé. Une ligne qu’il n’aura cessé de défendre, mais en dépoussiérant l’image de l’association et en l’ouvrant davantage sur de nouveaux partenariats, avec le monde médiatique, éducatif, associatif.

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Dès le début de son mandat il y a sept ans, François Aymé pointe « les comportements générationnels vis-à-vis des films et des images qui changent radicalement et nous obligent à réfléchir sur nos façons de programmer, de communiquer et d’animer nos salles ». Le renouvellement du public est une priorité pour les cinémas art et essai, et cela passe d’abord par le rajeunissement de leur image et celle de l’association, qui revoit toute sa communication, notamment numérique. L’équipe de permanents est renforcée, et contribuera à lancer des actions comme la création d’un lieu de rencontres à Cannes, le Festival Télérama Enfants, le prix Jean Lescure, la Journée Européenne du cinéma art et essai avec la Cicae, mais aussi le Prix des cinémas art et essai à Cannes, les avant-premières coup de cœur surprise…

Il s’agit aussi de sensibiliser une nouvelle génération d’élus locaux et nationaux. L’Afcae va notamment militer pour que des postes de médiateurs culturels soient financés dans le cadre des conventions État-Région, une façon de renforcer le travail d’éducation à l’image, prioritaire pour l’Afcae, et plus largement auprès des publics jeunes. Dans le contexte de la crise sanitaire, l’association se mobilise pour la création d’un fonds Jeunes cinéphiles, et agrandit son équipe pour travailler en direction des 15-25 ans et des étudiants.

Car la pandémie a accentué un phénomène à l’œuvre bien avant, que le président François Aymé n’aura cessé de dénoncer : l’essor des plateformes, dont « l’enjeu est industriel, quand le nôtre est artistique ». En mai 2019, c’est sur la baisse de fréquentation des 25/49 ans que le président alertait. « La concurrence des plateformes, de Netflix en particulier, a des conséquences sur un public adulte qui continue à aller au cinéma, mais de façon plus sélective », relevait-il alors, en insistant sur la nécessité de « penser nos cinémas comme de véritables lieux de vie et de sortie ».

Une réflexion qui depuis interroge toute la profession et sur laquelle François Aymé garde sa ligne : « Les cinémas du monde d’après devront être de taille moyenne : ni trop petits, avec la capacité d’offrir du choix et d’avoir un modèle économique viable, ni trop grands, pour que le quantitatif ne prenne pas le pas sur le qualitatif ; sans chercher de gros cadencements de séances, mais avec plus de séances événementialisées. » Le travail d’animation, indispensable, a un coût, et, au-delà de la subvention art et essai dont l’enveloppe doit augmenter, « une des solutions est que le CNC, les communes et Régions nous aident davantage, mais de manière concertée et planifiée sur plusieurs années », estimait François Aymé en mai dernier

Une façon de réguler, ce qu’a toujours défendu l’Afcae, y compris sur la programmation. Et qui reste essentielle pour préserver la chronologie des médias : « Il ne faut pas avoir l’obsession de tout voir et de tout montrer tout de suite : les différentes fenêtres donnent aux films une vie et un amortissement sur la durée. Ce n’est pas une idée “vieux jeu”, c’est la garantie de la diversité et du renouvellement des talents, qui permet de maintenir en France des financements variés pour une production variée », nous expliquait François Aymé. Son mandat de président de l’Afcae, commencé au moment de la réforme de l’art et essai, s’achève alors que la nouvelle chronologie des médias est déjà en re-négociation. 

François Aymé lors des Journées Afcae à Cannes, en mai 2022. ©Tanguy Colon