Warner : grands auteurs, superproductions et multiples fusions [3/3]

© Montage Boxoffice Pro

C’est une histoire digne d’Hollywood et de ses plus grands classiques. Un scénario jalonné d’échecs et de succès, marqué par des coups de génie, des fusions et une immense trahison. Cette histoire, c’est celle d’un des plus grands studios de cinéma de tous les temps, fondé en avril 1923 : Warner Bros. Troisième et dernière partie : les collaborations avec Kubrick et Eastwood, le développement des blockbusters et les différentes fusions administratives.

En novembre 1966, Jack Warner revend pour une trentaine de millions de dollars ses parts à Seven Arts Productions, mais reste président jusqu’aux sorties de Bonnie & Clyde d’Arthur Penn et Camelot de Joshua Logan, dont la première en novembre 1967 coïncide avec la mort d’Albert Warner. Sous bannière Warner Bros.-Seven Arts, la société distribue également Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967), Bullitt de Peter Yates avec Steve McQueen (1968) ou encore La Horde sauvage d’Howard Hawks (1969). Quelques semaines après la sortie de ce western, la compagnie change encore de main et entre dans le giron de Kinney National – qui possède notamment National Periodical Publications, l’ancêtre de DC Comics – et redevient Warner Bros., avec Ted Ashley comme président. 

Pour le studio, les années 1970 démarrent avec les succès de Woodstock de Michael Wadleigh et Chisum d’Andrew V. McLaglen mais sont surtout marquées par deux collaborations qui vont marquer les 30 années qui viennent. D’une part Stanley Kubrick, qui vient de réaliser le révolutionnaire 2001, L’Odyssée de l’espace (1968) chez MGM, signe avec Warner pour son nouveau film, Orange Mécanique (1971), et va rester fidèle au studio jusqu’à la fin de sa vie, avec Barry Lyndon (1975), Shining (1980), Full Metal Jacket (1987) et Eyes Wide Shut (1999). D’autre part, les cinq polars L’Inspecteur Harry (1971 à 1988) marquent le début d’une relation exclusive avec l’acteur/réalisateur Clint Eastwood, qui culminera avec Impitoyable (1992) et Million Dollar Baby (2004), respectivement 4e et 5e Oscars du meilleur film pour Warner, mais aussi Sur la route de Madison (1995), Invictus (2008), Gran Torino (2009) ou encore Cry Macho (2021).

Impitoyable de Clint Eastwood, auteur fidèle à Warner depuis plus de 50 ans. ©Warner Bros.

Superproductions et méga fusion

En 1973, L’Exorciste de William Friedkin devient un énorme succès avec 82 millions de dollars de recettes et marque un tournant pour le genre horreur. La même année, L’Épouvantail de Jerry Schatzberg décroche la Palme d’or au Festival de Cannes, un prix qu’obtiendra Warner une deuxième fois en 1986 avec Mission de Roland Joffé. À l’international justement, les activités du studio évoluent via l’association avec Columbia Pictures pour la distribution en dehors des États-Unis, qui prendra fin en 1988 et sera suivie d’un partenariat avec Disney jusqu’en 1993. Parmi les autres grandes sorties de la Warner dans les seventies, figurent Un après-midi de chien de Sidney Lumet (1975) ou encore Les Hommes du président d’Alan J. Paluka (1976). 

En septembre 1978, Jack Warner meurt à l’âge de 86 ans. La même année, le succès de Superman avec Christopher Reeve (1978), première adaptation du personnage dans un long métrage, ouvre la voie aux franchises de super-héros au cinéma. Le studio met ainsi sa filiale DC Comics à contribution, en produisant entre 1989 et 1997 quatre films Batman, puis relance, au milieu des années 2000, ses licences, avec notamment Batman Begins (2005), The Dark Knight : Le Chevalier noir (2008) et The Dark Knight Rises (2012) de Christopher Nolan – la trilogie dédiée à un super-héros la plus lucrative de l’histoire avec 2,5 milliards de dollars de recettes mondiales – et l’univers DC (Batman vs Superman, Suicide Squad, Wonder Woman, Aquaman, Joker et leurs suites actuelles). 

Le Superman de Richard Donner, point de départ des adaptations live des super-héros. ©Warner Bros.

Au niveau administratif, Warner Communications connaît plusieurs mouvements entre la fin des années 1980 et le nouveau millénaire. En 1989, le groupe Time, qui détient notamment le magazine éponyme et la chaîne de télévision payante HBO, rachète le studio pour 14 milliards de dollars et se renomme Time Warner. En 1996, le conglomérat renforce sa présence audiovisuelle avec l’acquisition de Turner Broadcasting et l’intégration des chaînes CNN, TBS ou encore Cartoon Network, où vont notamment être diffusées les séries animées des Looney Tunes.

En janvier 2000, le groupe se retrouve impliqué dans “le mariage du siècle” – et pour certains l’une des pires opérations financières de l’Histoire – lorsqu’il est officiellement absorbé par AOL, fournisseur d’internet à la croissance fulgurante et à la capitalisation boursière deux fois supérieure à celle de Time Warner. Le néo géant est brièvement rebaptisé AOL Time Warner, lorsque la valeur d’AOL s’effondre suite à l’éclatement de la bulle internet. Les pertes historiques, d’environ 100 milliards de dollars, qui s’ensuivent poussent le groupe à recouvrer le nom Time Warner en 2003. En 2009, la séparation avec AOL est actée. 

Durant cette période, le studio doit son salut à d’autres superproductions qui galvanisent le box-office. L’acquisition des droits de la série littéraire Harry Potter donne naissance à huit adaptations (2001 à 2012), suivies de la trilogie des Animaux fantastiques, dont l’ensemble forme la quatrième franchise la plus rentable de tous les temps avec plus de 9,6 milliards de dollars de recettes en salles. Autres sagas marquantes pour le studio : les quatre Matrix (en 1999, deux en 2003 et en 2021) et l’adaptation de Tolkien avec les trilogies du Seigneur des anneaux (2001 à 2003) puis du Hobbit (2012 à 2014). En parallèle, sur un registre plus auteur, outre Inception ou encore Interstellar de Christopher Nolan, Warner rafle trois Oscars du meilleur film avec Les Infiltrés de Martin Scorsese (2007), Argo de Ben Affleck (2013) et Spotlight de Thomas McCarthy (2016).

Warner a distribué les 8 adaptations de la saga Harry Potter. ©Warner Bros.

Le studio change une nouvelle fois de main avec l’approbation, en juin 2018, après plusieurs mois de tractations juridiques, de son rachat par le géant des télécommunications AT&T, et devient WarnerMedia. Dans la foulée, le groupe met un pied dans le streaming avec le lancement, courant 2020, du service HBO Max, qui va cristalliser les tensions lorsqu’en pleine crise du Covid, Warner annonce que tout son line-up 2021 sortira simultanément en salles et sur la plateforme (dont Godzilla vs Kong et Dune). Un an plus tard et après des résultats plus que mitigés, le studio revient sur cette décision, tandis qu’en parallèle, le développement du volet streaming est mis en suspens avec l’annonce d’une nouvelle fusion entre WarnerMedia et Discovery Inc. Entérinée en avril 2022, l’entreprise prend le nom de Warner Bros. Discovery, avec David Zaslav à sa tête. 

Alors que le groupe conjugue désormais cinéma, télévision et streaming, il est remarquable de voir à quel point le nom Warner a su résister au temps et aux fusions pour continuer à incarner, 100 ans après ses débuts, l’ambition d’un studio qui compte bien marquer de son empreinte le siècle à venir.

< Partie 2 | L’histoire française de Warner Bros. >

L’évolution du logo Warner.
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