Warner, la nouvelle ère [2/3]

©Montage Boxoffice Pro

C’est une histoire digne d’Hollywood et de ses plus grands classiques. Un scénario jalonné d’échecs et de succès, marqué par des coups de génie, des fusions et une immense trahison. Cette histoire, c’est celle d’un des plus grands studios de cinéma de tous les temps, fondé en avril 1923 : Warner Bros. Deuxième partie : la fin de l’âge d’or, la télévision et la traîtrise.

La Seconde Guerre mondiale impacte fortement les trésoreries, les marchés européens puis orientaux ne rapportant plus de profits. Comme les autres studios, Warner doit réduire ses effectifs et les salaires de ses talents, tout en poursuivant un vaste programme de films en faveur du gouvernement. En 1941, le succès de Sergent York avec Gary Cooper relance l’engagement des jeunes Américains dans l’armée. Début 1943, la conférence des alliés à Casablanca donne un sérieux coup de projecteur au film de Michael Curtiz, Casablanca, porté par le duo Ingrid Bergman-Humphrey Bogart, et qui est un immense succès public et critique avec notamment trois Oscars dont celui du meilleur film. Paradoxalement, c’est l’année de ce chef-d’œuvre emblématique que Warner produit aussi son film le plus controversé à ce jour : Mission à Moscou, également réalisé par Michael Curtiz. Commandé par le président Roosevelt et censé montrer la Russie alliée sous son meilleur jour aux Américains, le film va se retourner contre le studio pendant la Guerre froide. Accusés d’être communistes, les frères Warner sont contraints de dénoncer des employés pour éviter d’être eux-mêmes inquiétés par la chasse aux sorcières lancée par le sénateur Joseph McCarthy. Un climat délicat qui s’ajoute à d’autres changements majeurs, augurant d’une nouvelle ère imminente pour l’industrie cinématographique.

Casablanca de Michael Curtiz ©Warner Bros.

En 1949, l’application de l’arrêt “United States v. Paramount Pictures” –  le fameux “décret Paramount” – qui souhaite mettre un terme à leur hégémonie, oblige les studios à ne conserver que deux de leurs trois activités cinéma (production, distribution et exploitation) ; comme bon nombre de ses pairs, Warner décide de vendre ses salles de cinéma. Parallèlement, plusieurs talents, comme Bette Davis ou Olivia de Havilland, attaquent en justice la major pour obtenir la rupture de leur contrat longue durée, système plébiscité par les studios depuis des décennies. L’âge d’or d’Hollywood touche à sa fin. La domination des magnats du cinéma va également être mise à mal par l’avènement de la télévision qui conquiert rapidement les foyers. Toutefois, malgré la chute de la fréquentation et des recettes, les studios restent persuadés que le public peut se déplacer pour des films de qualité, et travaillent sur des innovations technologiques. Alors que la 3D peine à emballer, le CinémaScope s’impose rapidement comme le format “grand spectacle”, d’abord grâce au péplum La Tunique de la 20th Century Fox. Warner l’utilise une première fois avec La Poursuite dura sept jours (1953) puis Écrit dans le ciel de William A. Wellman avec John Wayne, “film catastrophe” précurseur pour avoir démontré l’utilité du CinémaScope aussi bien pour les décors intérieurs que pour les grands espaces.

Les studios Warner en 1949 © Courtoisie de Warner Bros.

En 1954, le studio produit Une étoile est née avec Judy Garland et cette même année, après un essai infructueux, les frères Warner passent le cap de la télévision via un accord avec ABC pour la production de séries hebdomadaires baptisées Warner Bros. Presents : Casablanca, Crimes sans châtiment et Cheyenne, suivies de Maverick, Colt 45, Sugarfoot et Lawman. Le média qu’il avait tant redouté est en passe de devenir l’une des plus grandes forces du studio. Mais les trésoreries demeurent fluctuantes et, début 1956, Warner cède pour 21 millions de dollars à Associated Artists Productions 784 longs et 1 800 courts réalisés avant 1948.

Trahison et nouvelle ère

En mai 1956, alors que les bénéfices du studio sont à la peine, la relation fraternelle vacille. Jack convainc Harry et Albert de vendre leur affaire à un groupe d’investisseurs de Boston, mené par le banquier Serge Semenenko, contre quelque 20 millions de dollars. Cette opération entérine l’une des plus grandes trahisons de l’histoire d’Hollywood. Car en parallèle, Jack a négocié sous la table avec Semenenko pour racheter ses parts dans la foulée de l’accord. Il se retrouve ainsi principal actionnaire individuel et à un poste qu’il avait envié à Harry pendant tant d’années : président de Warner Bros. Une traîtrise non sans conséquence puisque quelques mois plus tard, son frère aîné meurt d’un arrêt cardiaque ; absent des funérailles car en vacances à Cannes, Jack y est victime d’un accident de voiture quelques jours plus tard. Après plusieurs mois de convalescence, il reprend finalement son poste fin 1958. 

Désormais seul aux commandes, il investit massivement dans l’adaptation de pièces de Broadway : My Fair Lady de George Cukor avec Audrey Hepburn (1962), qui rapporte un troisième Oscar du meilleur film à Warner, et Qui a tué Virginia Woolf ? de Mike Nichols (1966). Ce dernier va sonner le glas du Code Hays. En place depuis le milieu des années 1930, cette autocensure de l’industrie américaine du cinéma n’aura cessé de perdre de sa vigueur au cours des années 1950. Il est supprimé par Jack Valenti, nouvellement nommé à la tête de la Motion Pictures Association of America en 1966, qui instaure la codification encore en vigueur aujourd’hui – G (tout public), X (film adultes), M (devenu PG) et R – réautorisant la représentation du sexe et de la violence au cinéma.

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My Fair Lady de George Cukor © Warner Bros.
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