Rencontre avec Jean-François Camilleri

À l’occasion du Festival International du film de Marrakech et des Ateliers de l’Atlas, Jean-François Camilleri, fondateur de Pathé BC Afrique et d’Echo Studio, détaille les défis et enjeux du secteur cinématographique des zones Afrique et Maghreb.

Vous êtes à Marrakech pour le Festival du film et plus particulièrement les ateliers de l’Atlas, pouvez-vous nous en dire plus sur ce rendez-vous ?

Je suis très heureux de faire ce premier entretien pour Boxoffice Pro Maghreb depuis le Festival de Marrakech qui s’est ouvert  vendredi. Aujourd’hui commencent les Ateliers de l’Atlas, rencontres professionnelles qui ne concernent pas uniquement le cinéma du Maroc ou du Maghreb, mais tout le cinéma africain. C’est l’occasion pour des scénaristes et réalisateurs d’échanger avec des professionnels. Ainsi 24 projets, sur 240 reçus, vont être présentés à des producteurs  qui pourront conseiller  les auteurs. En parallèle, il y aura des séances plénières sur la distribution et la coproduction, et des temps conviviaux favorisant les rencontres. Ces Ateliers ont l’avantage de mixer les cultures, les idées et les thèmes, entre professionnels venus de toute l’Afrique et du monde entier. Cela permet de contribuer à l’élan de la production cinématographique de cette région, ce qui est très important :  le public marocain, algérien ou tunisien, va bien évidemment voir les films qui sont consommés dans le monde entier, mais aussi et surtout, des films locaux. Des ateliers comme ceux de l’Atlas, qui s’appuient sur ,une consultation du  public, contribuent à faire des films de qualité. 

Dans le contexte global de l’industrie du cinéma, comment voyez-vous les enjeux et les opportunités en Algérie, au Maroc et en Tunisie pour les années qui viennent ?

On sait que le public, dans ces trois pays particulièrement, aime le cinéma. Il y a toujours eu de grands réalisateurs algériens, tunisiens et marocains, dont les films ont été primés dans les festivals internationaux, à commencer par Cannes. Ce sont des pays où la culture cinématographique est très ancrée. Mais pour que les gens aillent au cinéma, il faut qu’il y ait des cinémas ! Avec la construction qui a repris depuis quatre ou cinq ans, que ce soit de salles uniques, de petits complexes ou de multiplexes, on voit que la fréquentation est repartie à la hausse. Par exemple, les trois multiplexes tunisiens ouverts ces trois dernières années, notamment par Pathé, représentent déjà près d’un million d’entrées. Ce qui est absolument énorme sur un marché qui n’était  que de 500 ou 600 000 entrées, et a donc été multiplié par trois. Au fur et à mesure que les cinémas rouvriront au Maroc, en Algérie et encore en Tunisie, le public reviendra. Il y a un véritable élan, mais c’est aussi un véritable enjeu.

Deux ans après le lancement, quel premier bilan tirez-vous de Pathé BC Afrique, et particulièrement dans la zone Maghreb?

Un bilan très positif. L’idée derrière Pathé BC Afrique est simple : pour accompagner l’ouverture de ces cinémas et la volonté du public de retourner en salles, il faut une distribution précise, du marketing, des relations presse, des partenariats ainsi qu’une présence sur les réseaux sociaux. Cela demande beaucoup de travail. Alors que 150 ou 200 films sortent par an dans la région, il y a peu de structures de distribution. Pathé BC Afrique distribue les films Universal, Pathé et nous collaborons aussi avec Warner, Gaumont, Wild Bunch. L’idée étant de travailler à la fois sur la transparence des résultats et des campagnes pour les producteurs et les distributeurs qui nous confient leurs films, mais aussi de développer des outils,  peu présents ici, pour que le public ait la connaissance des films qui sortent et ait envie d’aller les voir. Depuis que nous avons lancé Pathé BC Afrique il y a deux ans nos résultats sont très bons : la fréquentation en Tunisie et au Maroc représente une entrée sur deux réalisée sur le continent. C’est absolument énorme. En Algérie, c’est un peu différent puisque le nombre de cinémas est moins important. Un nouveau multiplexe a ouvert à Oran et un autre bientôt à Alger, mais nous sommes encore loin des résultats du Maroc et de la Tunisie, même si on constate une progression. 

Nous avons un bureau à Paris et un à Tunis, avec trois collaborateurs dans chacun, sous la direction de Benjamin Reyntjes. Nous menons la réflexion pour ouvrir progressivement des bureaux dans les différents pays qui comptent au Maghreb… puis, évidemment, en Afrique subsaharienne.