Rencontre avec Cyril Audineau, de Megarama Maroc

Cyril Audineau © Megarama

Circuit leader de l’exploitation dans le Royaume, le français Megarama entreprend une vaste rénovation de ses principaux sites, à l’aube de nouvelles ouvertures. Un point sur l’exercice 2022 et les perspectives 2023 avec le directeur des opérations marocaines du circuit.

Il est, de loin, le moteur de la fréquentation cinématographique marocaine, générant à lui seul 35 % des entrées annuelles du pays : le Megarama de Casablanca, 14 écrans et quelque 3 600 fauteuils sur le boulevard de la Corniche, ferme temporairement ses salles une à une pour les rénover. « Nous sommes déjà passés intégralement au laser il y a quelques années et, depuis, nous changeons tout – les fauteuils, les écrans… Nous sommes maintenant sur le point d’achever la rénovation du hall d’accueil », explique Cyril Audineau, qui s’impatiente par ailleurs de l’ouverture de la nouvelle salle 4D e-motion. Il s’agira de la troisième du circuit français, après Annecy et Bordeaux, avec comme objectif « de l’ouvrir à temps pour Indiana Jones et le Cadran de la destinée [28 juin]. À ce stade, tout l’équipement est arrivé au Maroc et devrait être installé dans les prochaines semaines. »

L’exploitant espère « revenir au million d’entrées annuelles dans ce cinéma », un cap « qu’il avait l’habitude d’atteindre il y a quelques années, avant la propagation du piratage ». Avec 546 000 entrées en 2022, le Megarama de Casablanca n’a pas encore retrouvé sa fréquentation de 2019 (680 000), des chiffres naturellement supérieurs à ceux de 2021 (240 000) mais aussi 2018 (524 000), quoique inférieurs à 2017 (709 000).

Megarama Casablanca

Deuxième cinéma du circuit marocain et en fréquentation et en nombre de salles, le multiplexe de Rabat, ouvert en 2019, s’apprête quant à lui à accueillir une salle Imax dès début 2024. « Avec 11 salles, c’est l’un de nos cinémas les plus dynamiques, en particulier grâce au centre commercial auquel il est adossé » : comme à Casablanca, les 367 000 entrées comptabilisées en 2022 proviennent majoritairement de familles issues de la classe moyenne.

À l’inverse, à Marrakech, les 135 000 billets vendus sont pour beaucoup le fruit de la population touristique de la ville. Le site de neuf écrans, qui comporte par ailleurs une salle Horizon – le label premium du groupe – de 1 300 places, a connu une baisse de 29 % de sa fréquentation par rapport à 2019, et se prépare également à des travaux de modernisation prévus pour cette année.

L’offre cinématographique de la ville impériale, peuplée d’un million d’habitants, s’apprête par ailleurs à être complétée par la réouverture, sous enseigne Megarama, du cinéma Rif. « C’est un établissement de trois salles historique à Marrakech, implanté dans les quartiers populaires de la ville et fermé depuis de nombreuses années. Nous en avons fait l’acquisition à mon arrivée l’année dernière », explique Cyril Audineau, « et bien qu’il soit entièrement à réhabiliter, nous envisageons de le rouvrir dès 2024. »

Avec ce nouveau cinéma, le circuit compte reproduire à Marrakech son implantation à Tanger, où cohabitent un multiplexe de 8 écrans (qui a également enregistré quelque 91 000 tickets l’année dernière), et un complexe de trois écrans de centre-ville, le Goya (20 000 entrées). « Nous essayons de travailler une programmation plus axée auteur, avec beaucoup de VO et de films espagnols », Tanger abritant entre 10 et 20 000 expatriés ibériques.

Le sixième cinéma du groupe, trois écrans à Fès, a quant à lui généré près de 63 000 entrées en 2022. De fait, il représente la seule offre cinématographique de la ville de 1,5 million d’habitants, tout comme ce sera le cas à Agadir, aujourd’hui dépourvue de cinéma et où le circuit de Jean-Pierre Lemoine en construit un de 1 000 fauteuils et cinq salles (dont l’une d’au moins 400 places). « Nous avons accumulé du retard sur ce chantier en raison du Covid, d’autant plus qu’il sera également implanté dans un centre commercial, lui aussi en construction. Nous attendons la livraison du gros œuvre d’ici la fin d’année, pour une ouverture en 2024 aussi. »

Au total, ce sont quelque 1,2 million d’entrées qui ont été enregistrées en 2022 dans les six établissements marocains de Megarama, qui visent désormais 1,4 million en 2023. « En cinq mois, nous en sommes déjà à 500 000 », se réjouit le country manager, notamment grâce à des films marocains, distribués dans le pays par Megarama lui-même – une particularité par rapport aux activités françaises et espagnoles du groupe, exercée depuis une vingtaine d’années. « Notre line-up est autant composé de films hollywoodiens et français que de productions locales, essentiellement des comédies peu destinées à l’exportation et qui fonctionnent particulièrement bien ici. Naturellement, nous ne les programmons pas seulement dans nos établissements mais aussi dans tous les cinémas qui le souhaitent. Nous avons également importé la logique d’avant-premières en présence des équipes du film, comme récemment avec Jouj [“deux” en dialecte marocain, ndlr.], sorti le 3 mai dernier. »

Par ailleurs, « la politique tarifaire de Megarama, particulièrement avantageuse pour les -26 ans qui bénéficient d’un tarif à 45 dirhams (4,10 €, contre un plein tarif à 70 dirhams, soit 6,40 €), permet au prix moyen de la place en 2022 de pointer à 54 dirhams (5 €) », poursuit Cyril Audineau, à la veille du lancement, fin juin comme en France, de cartes illimitées. Nominatives, elles permettront aux spectateurs de visionner jusqu’à trois films par jour et prendront la forme d’un abonnement annuel, avec quatre formules : 

  • une Illimitée au tarif de 1 800 dirhams/an (165 €)
  • une Illimitée Étudiants et -26 ans, à 1 440 dirhams/an (130 €)
  • une Illimitée Duo, à 3 000 dirhams/an (275 €)
  • et une Illimitée Techno, à 2 600 dirhams/an (240 €).

Une démarche qui permet au groupe de Jean-Pierre Lemoine de se démarquer de son nouveau rival, Pathé Cinémas, qui devrait débarquer dans le Royaume cette année à Casablanca et en 2025 à Rabat – et qui n’a pas lancé de formules illimitées dans ces cinémas tunisiens et sénégalais, seulement des cartes d’abonnement de 5 places. « L’arrivée de Pathé ne peut qu’être bénéfique pour le secteur, quand bien même nous serons en concurrence. Si des agglomérations françaises comme Toulouse ou Montpellier peuvent héberger plusieurs multiplexes, il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le cas pour des métropoles comme Casablanca et Rabat. »

Cyril Audineau © Megarama