Les aides « loi Sueur » ne peuvent pas être accordées pour la création d’un nouveau cinéma

Conseil d'Etat© Boxoffice Pro

Un verdict du Conseil d’État qui pourrait faire très mal : ces subventions ne peuvent être attribuées qu’aux établissements existants réalisant moins de 7 500 entrées par semaine ou classés art et essai, et non pas, selon les juges, pour la création d’un nouvel établissement.

En 2014, le conseil municipal de Mont-de-Marsan avait voté une subvention d’1,5 million d’euros à la société de Benoît Pfister, pour la construction du Grand Club, nouveau cinéma de huit salles. Une aide contestée par son concurrent, Michel Romanello et sa société Royal cinéma, qui exploitait alors le seul cinéma du centre-ville et avait saisi en vain le tribunal administratif de Pau. Après l’ouverture du Grand Club en 2017, la société Royal cinéma avait porté l’affaire devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, en 2019, avant de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État. Et c’est le 10 mars dernier que la juridiction suprême a rendu une décision qui pourrait remettre en question, au-delà du Grand Club de Mont-de-Marsan, les projets ayant bénéficié des aides dites « loi Sueur ». 

En effet, selon les dispositions de l’article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de l’article 7 de la loi n° 92-651 du 13 juillet 1992, les juges soulignent « qu’une commune ne peut attribuer de subvention en vertu de ces dispositions qu’à un établissement de spectacle cinématographique qui réalise, à la date de la demande de subvention, quel que soit le nombre de ses salles, moins de 7 500 entrées en moyenne hebdomadaire ou qui a déjà fait l’objet, à la même date, d’un classement art et essai. » Et ils en concluent donc qu’« une telle subvention ne peut, en revanche, être attribuée pour permettre la création, par une entreprise existante ayant pour objet l’exploitation de salles de spectacle cinématographique, d’un nouvel établissement de spectacle cinématographique ».

Dans le jugement de l’affaire en question, le Conseil d’État estime que le conseil municipal ne pouvait donc verser de subvention ayant pour objet de financer la création d’un nouvel établissement. Ce dernier, ouvert depuis, devra donc reverser la somme qui lui a été attribuée, sans quoi il sera enjoint à la commune d’émettre un titre exécutoire aux fins de recouvrement du montant de l’aide.

A priori, cela n’empêche pas les cinémas de recourir aux aides loi Sueur, qui peuvent se cumuler avec les aides du CNC ou autres soutiens locaux. Mais ces aides devront être demandées au bout d’un an d’exploitation, voire deux si l’on veut tenir compte du classement art et essai. Ce qui va sérieusement compliquer les plans de financement de nouveaux projets pour les exploitants privés.


Selon l’ADRC « pour lever tout doute sur l’interprétation du texte sur la possibilité d’aider à la création et à l’extension de cinémas, une modification de la loi s’impose urgemment pour ne pas pénaliser le montage financier des projets de création ou de transfert – extension en cours de développement. Les collectivités territoriales ont besoin de leurs cinémas, même si ceux-ci sont fermés provisoirement, et les cinémas ont besoin de leurs collectivités territoriales ».
De son côté, la FNCF a fait savoir à ses adhérents qu’elle allait demander « la modification rapide de la loi Sueur, avec le CNC, pour permettre d’intégrer expressément le soutien à la création de nouveaux cinémas dans la rédaction de la loi Sueur, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi sur la décentralisation par le Sénat ce printemps ». La Fédération a d’ores et déjà contacté Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, à ce sujet sur lequel elle se dit très mobilisée.

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