Bilan mi-2023 : la fréquentation des cinémas se redresse mais reste polarisée

© Krists Luhaers via Unplash

Avec six mois dans le rétroviseur, l’heure est au premier bilan pour analyser l’état d’un marché qui, s’il retrouve des niveaux pré-Covid, reste inégal dans la répartition des entrées. Le 2e semestre, avec une offre de films prometteuse, peut permettre de tutoyer les 200 millions d’entrées convoitées.

91,8 millions de tickets ont été vendus dans les salles au cours des six premiers mois de l’année 2023, a annoncé le CNC il y a quelques jours, soit 26 % de plus qu’en 2022 (73,1 millions) mais 12 % de moins que la moyenne 2017-2019 (104,6 millions). « La France est, avec l’Allemagne et le Japon, le territoire qui affiche la meilleure reprise », note Éric Marti, directeur général de Comscore France. Si les récents résultats du mois de juin (9,93 millions) ont quelque peu refroidi le secteur, ils ne doivent pas occulter la belle dynamique observée depuis début janvier. 

Menée par la continuation d’Avatar : La Voie de l’eau, Babylon, Tirailleurs, puis Astérix & Obélix : L’Empire du Milieu, Alibi.com 2 ou encore Creed III, Mon crime et Scream VI, la fréquentation du premier trimestre s’est révélée des plus encourageantes avec 48,6 millions d’entrées enregistrées. Soit +31 % par rapport au premier trimestre 2022 et -20 % vs la moyenne 2017/2019. « La semaine du 15 février avec Astérix et Alibi a été la plus prolifique du semestre avec 4,9 millions de spectateurs. Ensuite, à partir du 1er mars, le marché a constamment été au-dessus du niveau minimum – à semaine équivalente – de la période 2015/2019, preuve que la France avait retrouvé des niveaux de marché », explique  l’analyste. 

« Depuis le 4 avril, la progression s’est poursuivie avec davantage de variation mais nous gravitons autour du niveau médian de la période 2015/2019, avec de vraies belles semaines. Pendant trois semaines mi-avril, nous sommes tout le temps restés au-dessus des 4 millions d’entrées hebdomadaires » [voir graphique ci-dessous]. Portée, entre autres, par Super Mario Bros (plus gros succès de l’année avec 7,3 millions de tickets écoulés à date), Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan et Les Gardiens de la Galaxie 3, la fréquentation a ainsi dépassé pour la première fois les résultats pré-Covid, successivement en avril (+3 %) puis en mai (+0,9 %). « Les jours fériés et ponts ont été particulièrement bénéfiques au marché cette année », souligne Éric Marti. 

La fréquentation hebdomadaire des cinémas :

Source chiffres : CBO

Pour l’analyste, le marché est « dans un fonctionnement de reprise saine », avec de réels succès dans toutes les catégories de films : en attestent, outre le Mario d’Universal ou les grosses productions de Pathé, les performances de Je verrai toujours vos visages (plus d’un million d’entrées), Les Petites Victoires (940 000 tickets), Suzume (550 000 billets), La Famille Asada (255 000 spectateurs) et autres Sur l’Adamant (quelque 130 000 cinéphiles). En se plongeant encore davantage dans les chiffres, on note que 360 films sont sortis pour la première fois au cinéma au cours du premier semestre, d’après les données du CNC. Environ 35 films ont franchi la barre des 500 000 entrées (soit 10 %), quand quelque 250 (70 %) n’ont pas atteint celle des 100 000 billets. « Il y a une inquiétude générale sur le cinéma d’auteur, où les plafonds ne cessent de diminuer : un film qui faisait 200 000 entrées n’en fait plus que 100 000, un qui tutoyait les 80 000 doit se contenter de 30 000 », s’inquiétait le mois dernier, dans nos colonnes, Jean Labadie, fondateur du Pacte.

Le symbole d’un marché polarisé ? Mi-juin, Jane Roger, ancienne présidente du Syndicat des distributeurs indépendants, pointait « un écart de plus en plus violent entre des films surexposés qui récoltent la majeure partie des entrées et des films extrêmement fragilisés qui n’arrivent plus à trouver de salles et encore moins de séances pour exister. Si l’art et essai porteur bénéficie de la dynamique actuelle, ce n’est pas le cas de l’art et essai recherche qui souffre et qui est en danger ». Un constat que corrobore Éric Marti : « Depuis mai 2021, nous sommes dans un schéma où les films qui marchent sont de vrais succès et s’imposent sur la durée, contre une rotation extrêmement rapide pour les titres qui fonctionnent moins ». Par ailleurs, l’analyste souligne que « le déficit de titres qui auraient réalisé entre 500 000 et 1 million d’entrées et qui se retrouvent principalement sur les plateformes » est l’une des raisons pour expliquer l’écart de 12 % encore présent par rapport aux niveaux pré-Covid. 

Qu’espérer alors pour le second semestre ? « La dynamique du premier nous a poussé à revoir à la hausse nos estimations : de 180 millions, l’exercice 2023 devrait plutôt avoisiner les 190 millions d’entrées. » Tout en restant inférieure à l’édition 2022, la Fête du Cinéma s’est révélée encourageante avec 3,1 millions de spectateurs, encore au-dessus de la période 2017/2019. Elle a surtout permis de relancer certains titres porteurs, d’Indiana Jones et le Cadran de la destinée à Spider-Man : Across the Spider-Verse, en passant par Élémentaire, et mis sur orbite Miraculous, qui va désormais s’installer sur les vacances. « La programmation estivale est très dense, avec des continuations et trois nouveautés très attendues : Mission: Impossible – Dead Reckoning part 1, Barbie et Oppenheimer. » Trois propositions au public varié et sur lesquelles reposent de fortes attentes, l’été étant traditionnellement – hors événements sportifs – favorable à la fréquentation avec en moyenne 35 millions d’entrées en juillet et août les années pré-Covid. L’attente est également renforcée par « une programmation aoûtienne qui, comme en 2022, semble plus faible avant la sortie de la Palme d’or Anatomie d’une chute (23 août). Même si nous ne sommes pas à l’abri du succès surprise d’un challenger comme Les Déguns 2 ou Les Blagues de Toto – Classe verte. »

La fréquentation estivale (en millions d’entrées) :

Source chiffres : CNC

Si septembre reste traditionnellement une période compliquée pour la fréquentation, l’offre apparaît tout de même prometteuse, entre le Visions de Yann Gozlan (sur la même date que son Boîte noire en 2021 et ses 1,5 million d’entrées), Un métier sérieux de Thomas Lilti (cinq ans piles après le million de spectateurs de Première année), Le Livre des solutions de Michel Gondry, La Nonne 2 ou encore Le Procès Goldman. Et à partir d’octobre, le directeur général de Comscore France prédit un dernier trimestre « très solide » avec entre un et trois films très porteurs chaque semaine : Bernadette et Kraven le chasseur le 4/10, La Pat’Patrouille : La Super Patrouille et Expend4bles le 11/10, Une année difficile, Les Trolls 3 et Killers of the Flower Moon le 18/10, Second tour et 3 jours max le 25/10, Dune : part 2 le 1er novembre, The Marvels et L’Abbé Pierre le 8/11, Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur le 15/11, Napoléon le 22/11, Wish le 29/11, Migration et Bâtiment 5 le 6/12, Wonka et Les Trois Mousquetaires : Milady le 14/12 et enfin Aquaman et le royaume perdu le 20/12. « Sans compter les éventuelles surprises ! » Et si les 200 millions d’entrées n’étaient finalement pas qu’une utopie…

© Krists Luhaers via Unplash

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