Dans une lettre adressée aux représentants de Disney France, le syndicat présidé par Yves Sutter demande au studio de sortir le nouveau Pixar en salles dans les pays où les cinémas sont ouverts.
Voici le courrier dans son intégralité :
« “With great power, comes great responsibility.” Vous nous pardonnerez de tirer d’une franchise concurrente cette citation qui trouve à s’appliquer à votre société.
Les films distribués par The Walt Disney Company ont réalisé en 2019 près de 49 millions d’entrées, permettant à notre marché d’atteindre l’un de ses plus hauts niveaux depuis 50 ans. Nous en avons été ravis. Mais cela signifie aussi que The Walt Disney Company, grâce aux cinémas français, a perçu des recettes distributeur correspondant à 49 millions de billets vendus, ce qui représente une somme considérable, notamment en comptabilisant les revenus dérivés engendrés par cette exposition en salles.
L’intérêt réciproque d’une collaboration constructive entre salles de cinéma et distributeurs semble évident, tant la capacité du marché de la salle de cinéma à créer de la valeur autour des films est grande. Nous sommes donc aujourd’hui dans la plus grande perplexité en voyant The Walt Disney Company ignorer cette réalité.
Nous avons en effet appris la semaine dernière, comme l’ensemble des responsables de salles de cinémas en France et dans le monde, le choix de The Walt Disney Company de ne pas diffuser au cinéma le film Soul dans les pays dans lesquels la plateforme Disney + est opérationnelle. Ce faisant, votre société réitère un choix précédemment effectué pour le film Mulan, ce qui laisse penser qu’il ne s’agit pas d’une option de circonstance mais d’une véritable stratégie.
Nous tenons par le présent courrier à vous faire part de notre profonde désapprobation.
Nous sommes totalement conscients de la situation du marché en Amérique du Nord, qui ne permet pas aux studios américains d’envisager des recettes domestiques à la hauteur des investissements consentis pour produire leurs films les plus ambitieux. Bien que souffrant fortement des multiples reports de sorties qui en résultent, nous devons admettre ces choix économiques pragmatiques.
Mais en l’espèce, The Walt Disney Company ne procède pas à un report de la sortie de Soul, mais annonce le diffuser sur la plateforme Disney + dans les territoires où celle-ci est disponible. À défaut seulement, une sortie au cinéma sera possible pour les autres territoires. Cette stratégie témoigne d’un profond mépris des salles de cinémas, pourtant ouvertes dans la majorité des pays, notamment en Europe ; elle est d’autant plus provocante que votre société s’appuie malgré tout sur la salle de cinéma et ses festivals pour faire la promotion de ses films (Festival de Cannes, Festival Lumière à Lyon, etc., pour ne citer qu’eux en France !).
Or, depuis le mois de juin, la plupart des films qui ont fait le choix de la salle de cinéma, particulièrement en France, ont rencontré leur public et atteint leurs objectifs commerciaux. Dans ces conditions, faire le choix de la diffusion d’un film par d’autres canaux ne se justifie pas.
Aussi, nous vous demandons de bien vouloir reconsidérer la ligne de partage entre territoires diffusant vos films sur la plateforme Disney + et ceux les diffusant en première fenêtre dans les salles de cinéma. Nous considérons que vos films devraient sortir en salle dans les territoires où l’ensemble des cinémas sont ouverts plutôt que dans les territoires où la plateforme Disney + n’est pas disponible.
Nous sommes convaincus qu’une telle stratégie permettrait à The Walt Disney Company d’optimiser non seulement ses revenus immédiats, car la salle de cinéma reste un formidable moyen de création de richesse, mais aussi ses revenus futurs en évitant à de nombreux cinémas de disparaître, cinémas dont vous serez heureux pourtant d’obtenir des revenus pour vos prochains films une fois la pandémie derrière nous.
Au-delà de ce qui nous semble économiquement pertinent à court terme, nous considérons que votre statut de leader sur le marché de la distribution vous donne une responsabilité supplémentaire, celle d’avoir une stratégie à plus long terme favorisant le maintien de la chaine de diffusion des films dont vous obtenez d’importants revenus.
Nous sommes conscients du peu de poids que représente notre syndicat et les 270 salles qu’il représente à l’échelle des enjeux mondiaux de The Walt Disney Company, mais il nous semble néanmoins nécessaire de vous rappeler que les films familiaux et populaires de votre catalogue ont besoin de tous les cinémas, en France et dans les pays voisins, dans les grandes métropoles et dans les plus petites villes, pour toucher tous les publics et réaliser les recettes à la hauteur de l’universalité des films Disney.
C’est l’objet de cette lettre ouverte, qui s’ajoute aux nombreuses autres réactions, plus ou moins vives, exprimées par nos confrères tant en France qu’à l’étranger, qui ne comprennent pas plus que nous l’orientation prise ces derniers mois par The Walt Disney Company, jusqu’ici heureux partenaire historique des salles de cinéma.
Nous vous adressons nos sincères salutations. »
Conseil d’administration du syndicat des Cinémas de l’Ouest :
- Yves SUTTER (Cinéville) – Président
- David BATARD (Gen’éric à Héric)
- Marine CHOPIN (Cinémas Le Rohan)
- Raymond CHOPIN (Cinémas Le Rohan)
- Michel COUSQUER (L’Image à Plougastel-Daoulas)
- Gérard HOFFMANN (Cinéland à Trégueux et Club6 à Saint-Brieuc)
- Laurent LAGRÉE (Émeraude Cinémas)
- Philippe OLLIVIER (SOREDIC)
- Philippe PAUMELLE (SOREDIC)
- Jean-François PORCHER (Cinéville à Saint-Sébastien/Loire)
- Gilles RADIGUE (Le Foyer à Acigné)
- Rémy SÉRILLON (Ciné Nova à Savenay)
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