C’est en Dordogne que l’Association française des cinémas art et essai a fait sa rentrée, du 10 au 12 septembre, avec un 27e rendez-vous dédié au jeune public. Bilan de trois journées truffées de projections, conférences et ateliers questionnant pratiques, initiatives et matière.
Ils s’étaient quittés à Rouen, les voilà de retour à Sarlat-la-Canéda. Exploitants et médiateurs étaient réunis, pendant trois jours, au cinéma le Rex, géré depuis 2023 par Julien Robert et associé au groupe Sagec, dirigé par Jean Villa, qui a manifesté sa joie d’accueillir ces rencontres.
Mais les points d’inquiétude sont nombreux pour les exploitants, surtout concernant les dispositifs d’éducation à l’image et la réforme art et essai. Le président de l’Afcae, Guillaume Bachy, s’est montré confiant, et a assuré en ouverture que « la réforme ne vous pousse pas à faire plus, mais vous récompense pour ce que vous faites déjà », avant de conclure que « venir dans une salle art et essai constitue un choix politique qui permet de s’ouvrir au monde ». Ainsi, les 27es Rencontres Jeune Public étaient lancées.
Des Rencontres singulières
Comme annoncé par Catherine Mallet, la responsable du groupe Jeune Public de l’Afcae, « une des spécificités de cette édition est son programme relié par les techniques d’animation singulières ». Un temps d’échanges autour de la réalisation et l’accompagnement des films utilisant des techniques originales était à ce titre prévu mercredi après-midi, à l’occasion duquel Laurence Petit, directrice de la distribution chez Haut et Court, a rappelé l’importance du suivi du distributeur lors d’un tournage d’animation (voir p. 42 pour plus d’informations).
La distributrice a ainsi expliqué le « besoin d’élaborer très en amont des outils pour les cinémas, à l’instar du travail effectué sur Sauvages ». En effet, à l’occasion de la sortie du nouveau film de Claude Barras – qui a ouvert les Rencontres – le 16 octobre, un site internet a été créé dans le but de réunir plusieurs ressources pour sensibiliser à la cause écologique.
Par la suite, dans une interview vidéo, Stéphane Dreyfus, critique cinéma à La Croix, a argumenté sur les diverses raisons qui peuvent expliquer l’échec en salles d’un film jeune public ; un écho à l’inquiétude de Guillaume Bachy qui, en ouverture des Rencontres, rappelait que « plusieurs films jeune public n’ont malheureusement pas rencontré le succès escompté l’année dernière ». Pour expliquer ces échecs, le critique de cinéma évoque l’embouteillage de tels films autour des vacances de la Toussaint – une réflexion qui a provoqué dans la salle une série d’applaudissements de la part des exploitants – qui complexifie l’identification de chaque œuvre.
Pour le spécialiste, il faut de « l’espace » pour permettre des succès comme Ma vie de Courgette [sorti en 2016 chez Gebeka, le précédent film de Claude Barras avait dépassé le million d’entrées], « qui avait bénéficié d’une presse exceptionnelle puis d’excellents retours spectateurs ». Alors, conscient que la presse cinéma « n’a plus le rôle prescripteur qu’elle tenait auparavant », le critique considère que l’axe de promotion principal doit se faire « en insistant sur la singularité, notamment visuelle, du film d’animation ».
Singulières, ces Rencontres l’étaient également par la nouvelle formule du mercredi matin, désormais découpé en deux temps : un pour les ateliers, et un pour l’agora. Un réaménagement qui permet « des échanges d’expériences et de réflexions entre participants », selon Catherine Mallet. Du côté des ateliers, ceux sur la boîte à outils pour le très jeune public et sur les créations d’activités avec peu de moyens ont été l’opportunité pour le groupe de l’Afcae d’exposer une série de ressources et d’expérimentations.
Comme l’idée de diffuser, en amont de la séance, une vidéo de présentation du film proposé – ce qui peut alléger les emplois du temps des employés du cinéma –, ou, en aval, de dynamiser la discussion qui suit avec la projection d’une mosaïque d’images de l’œuvre. L’atelier d’initiation à TikTok a permis de clarifier le vocabulaire propre au réseau social, avant que les participants ne créent leur propre vidéo sur le thème de leur choix. Certains ont, par exemple, tenté de définir ce qu’est l’art et essai, parlant aussi bien d’Oppenheimer que d’Apichatpong Weerasethakul.
Aux différentes tables de l’agora, celles sur l’accompagnement des films jeune public soutenus par l’Afcae cherchaient à évaluer l’impact des documents mis à disposition par l’association, et donc de relever les cas infructueux. L’occasion de rappeler que le choix et les différents niveaux de soutiens sont souvent déterminés en fonction des outils créés par les distributeurs. Les tables consacrées à l’éducation artistique et culturelle se questionnaient notamment sur la différence entre l’accueil d’une séance scolaire et d’une séance publique.
Quelques exploitants ont ainsi relevé que, dans le cas des dispositifs d’éducation à l’image, les élèves arrivent parfois au cinéma sans connaître le film projeté ; l’une des solutions pour une meilleure identification est alors de diffuser l’affiche dans la salle avant la projection. Les tables sur l’inclusion ont offert l’opportunité d’échanger sur les différentes pratiques, et de proposer de créer un groupe dédié au sein de l’Afcae.
« L’agora était un test qui s’est avéré concluant, affirme Catherine Mallet. Ce temps a mis en valeur des manques et des inquiétudes que nous allons “dérusher” tout au long de l’année, et nous a permis de dresser une liste d’engagements à tenir. » Enfin, la formation “Le Spectateur et le Médiateur”, réalisée en amont des Rencontres, a été l’occasion d’annoncer une refonte du site de l’Afcae, ainsi que la création d’un espace de partage de ressources à destination des exploitants.
Un calendrier chargé
Les nombreux films projetés ainsi que les paroles des distributeurs ont offert aux exploitants un aperçu de ce qui jalonnera leur année. Mathilde Declercq de Haut et Court a, à l’occasion de la projection en première mondiale de Hola Frida (sortie le 11 décembre), informé que la nouvelle réalisation d’André Kadi et Karine Vézina serait aussi disponible en version espagnole sous-titrée, et que de nombreux goodies écoresponsables seraient fabriqués.
Venu présenter le work in progress de Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet (sortie le 15 octobre 2025), Wild Bunch a précisé le positionnement qu’il comptait adopter pour la nouvelle réalisation de l’auteur des Triplettes de Belleville, « entre un film familial comme Azur et Asmar, un destin hors du commun comme Amélie Poulain et un biopic comme Chaplin ». Gaspard Lafin d’UFO, présent pour Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau de Gints Zilbalodis (sortie le 30 octobre), a annoncé vouloir « recouvrir la France de chats avec des goodies, des T-shirts et des jeux de cartes », en plus de mettre à disposition un dossier pédagogique.
De quoi conclure trois journées qui ont pensé « la conservation, la sauvegarde et la transmission », résumait Catherine Mallet à la fin de la conférence sur la technique d’animation l’écran d’épingles, avant d’ajouter : « voilà des mots qui comptent dans le cinéma ».
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