Rencontres de l’Arp : Concorde française autour de la création

© Susy Lagrange

La table ronde explorant l’avenir du paysage audiovisuel à l’horizon 2030 a donné l’occasion à d’incontournables financeurs et diffuseurs de témoigner de leur foi et engagement auprès du cinéma français. 

S’engager plus longtemps…

« Éviter une destruction de valeur : c’est le sujet qui doit nous obséder », d’après Maxime Saada. Si le président du directoire du groupe Canal+ se réjouit de la récente fin de la grève des acteurs aux États-Unis [voir p.5], il pointe toutefois la responsabilité des plateformes dans ce conflit. « Historiquement, les networks américains finançaient la création, leurs revenus publicitaires étaient redistribués aux talents. Les plateformes ont tué le système en tuant les audiences. Le manque d’attention peut créer une destruction de valeur massive. » 

Le dirigeant français peut, lui, s’enorgueillir des 200 M€ que son groupe investit dans le cinéma français, supérieurs de « 70 M€ environ à nos obligations ». Un “surengagement” assumé, « avec plaisir et bonheur », « parce que le cinéma français a beaucoup de valeur », et que le groupe espère pouvoir agréger avec les obligations d’OCS, qu’il a acquis plus tôt dans l’année.

Du reste, pour répondre à certaines voix remettant en cause la politique nataliste de la production nationale, le dirigeant estime que « le malthusianisme n’est pas la solution. C’est parce qu’il y a beaucoup de films qu’il y en a des bons ». Le premier financeur du cinéma français se déclare d’ailleurs prêt à proroger ses accords avec les organisations professionnelles pour 5 ans. « Trois ans, c’est trop court, nous devons pouvoir nous inscrire dans la durée. Car au-delà de l’acquisition des films, nous avons toute une éditorialisation et mise en valeur à construire. » 

… saisir le momentum…

France Télévisions non plus n’imagine pas son avenir sans le septième art. « D’ici 2030, notre première antenne sera notre plateforme, et notre transformation digitale est impossible sans le cinéma », déclare Stéphane Sitbon-Gomez. Le directeur des antennes et des programmes de France Télévisions se dit, dès lors, « favorable à tout ce qui préserve la salle et Canal+ ». Or, selon le dirigeant de la télévision publique, à l’heure où s’annoncent des baisses significatives de contenus du côté des États-Unis et que France Télévisions – qui négocie actuellement son contrat d’objectifs et de moyens – bénéficie d’une visibilité exceptionnelle sur 5 ans, « il y a un momentum à saisir pour sécuriser le financement de la création ». 

… et s’adapter aux complexités

Face à ces diffuseurs et financeurs historiques, la productrice et vice-présidente déléguée de l’Union des producteurs de cinéma Isabelle Madelaine souligne quelques problématiques créées par la bascule du linéaire vers le délinéaire, notamment en matière de valorisation replay et VOD des pré-achats cinéma. De son côté, Edouard Mauriat, producteur et président Cinéma du Syndicat des producteurs indépendants note que les accords à signer doivent prendre en compte toutes les multiplicités et complexités des modèles, notamment SVOD (payant, avec ou sans pub…). Le monde dans lequel les diffuseurs diffusaient en fonction de leurs obligations étant révolu, « il nous faut intégrer des modèles hybrides et inventer de nouvelles modalités », dégagées de la pesanteur des systèmes de décrets. Le tout, comme le rappelle le directeur des antennes de France Télévisions, dans un « esprit de concorde où personne ne cherche à gagner les uns contre les autres ». Et d’où tout le monde sort gagnant.

© Susy Lagrange

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