Rencontre avec Cédric Aubry, président de la moyenne exploitation

Cédric Aubry

CONGRÈS FNCF | Avant les traditionnelles réunions par commissions de branche qui auront lieu demain à Deauville, Cédric Aubry fait le point sur la situation de la moyenne exploitation. 

À la sortie d’un bel été pour les salles de cinéma, quel bilan intermédiaire tirez-vous de l’année 2023 pour votre branche ?

La dynamique macroéconomique est certes très intéressante, mais masque pour nombre de cinémas de la moyenne exploitation des chiffres bien en deçà de la tendance nationale. Certains collègues sont toujours en retrait de 20 % par rapport à la période pré-covid. Mais rappelons-nous avant toute chose que nous sommes en progression constante et donc que nous avons fait preuve d’une incroyable résilience. Le devenir de notre métier a été interrogé une nouvelle fois avec cette crise covid et nous en sortons avec une certitude : la valeur des films passe par la salle. Cela me rend plus que confiant en notre avenir, nous pouvons nous projeter avec sérénité dans un nouveau cycle et par ailleurs affirmer que notre fenêtre d’exclusivité n’a en aucun cas de raison objective d’être remise en cause. La stabilité de nos équilibres est le garant de notre rebond post-covid.


Quels changements et réorganisations la crise énergétique et l’inflation ont-elles provoquées dans les économies des établissements de votre branche ?

En premier lieu cela génère un stress constant pour les chefs d’entreprises que nous sommes. L’impact de la crise énergétique est à son pic. L’inflation demeure galopante et l’attractivité de nos métiers est fortement remise en question, ce qui a impliqué une revalorisation salariale importante. Dans le même temps, nous n’avons pas retrouvé les équilibres de fréquentation pré-covid. Nous faisons face à de nouvelles charges financières avec le remboursement des PGE ! Bref, nous avons connu des jours meilleurs. Tous les collègues qui sont dans des situations de remboursements de leurs investissements de rénovation et/ou de création de cinémas connaissent des tensions de trésorerie. Ce n’est pas un hasard si nombre d’exploitations sont à vendre et la concentration de la filière redevient un enjeu.

Avez-vous des inquiétudes concernant la grève à Hollywood et ses impacts sur le calendrier des sorties ?

Il est clair que cela est préoccupant et qu’il va en découler un trou d’air dans l’offre américaine l’an prochain. Après, focalisons-nous sur notre force. Nous sommes moins dépendants que les autres nations avec un marché national toujours dynamique. Espérons que l’offre française sera à la hauteur pour compenser ce qui ne s’apparente qu’à un décalage de l’offre américaine.

À lire aussi | Rencontre avec Rafael Maestro, président de la branche petite exploitation

Avez-vous observé des évolutions dans l’accès aux films ce dernier semestre ?

Il est une certitude que l’arrêt des VPF modifie la donne des plans de sortie. Les éditeurs de films ont bien compris que l’élargissement des plans de sortie ne leur coûte pas grand-chose. La petite exploitation profite pleinement de cette tendance. Nous devons donc être vigilant pour la moyenne exploitation, qui se retrouve prise en étau entre de nouvelles concurrences de territoire en S1 et S2 et des éditeurs qui continuent de nous imposer des conditions intenables pour la diversité de nos établissements.
L’élargissement du plan de sortie est clairement en marche, mais d’une part il convient d’interroger plus finement le prix moyen des salles dans cette évolution de marché, et d’autre part il convient de conserver des marges de manœuvre afin que la diversité ne soit pas clairement menacée.

Qu’attendez-vous de la relance des engagements de programmation ?

Qu’ils soient efficaces et intelligents. Les engagements de programmation font partie de notre écosystème. Ils doivent conserver du sens et donc évoluer. Mais les équilibres sont fragiles et les intérêts divergents. La tâche est ardue. Je m’interroge toujours suite à l’entrée des 6 et 7 écrans dans les engagements lors du précédent toilettage :  a-t-il apporté quelque chose à la diversité ?

À lire aussi | Rencontre avec René Kraus, président de la branche grande exploitation

Comment les cinémas de votre branche anticipent-ils la réforme attendue de l’art et essai ?

Avec la plus grande vigilance ! Les exploitations des villes moyennes (j’entends par là des villes de moins de 25 000 habitants) sont toujours les acteurs de la diversité sur leur territoire. Le classement art et essai pour nos établissements est parfois une nécessité, toujours une reconnaissance, mais c’est surtout un engagement. Inventer une usine à gaz pour faire sortir nos établissements du classement afin d’éluder le problème de l’enveloppe financière ne se fera pas à nos dépends. Je serai très combatif sur ce sujet.

Cédric Aubry

Les News