Ce mercredi 20 septembre, comme de coutume lors de la deuxième journée du Congrès de la FNCF, les pouvoirs publics étaient face aux exploitants.
1 – Les engagements de programmation et de diffusion
Parmi les pistes dessinées par le rapport Lasserre, la « nouvelle génération » d’engagements de programmation et de diffusion, que la ministre de la Culture a appelée de ses vœux dans un message enregistré, doit toujours être menée « entre flexibilité et ambition ». Même si le CNC est désormais habilité à imposer des engagements en cas d’échec des négociations, c’est donc toujours via la concertation que seront fixées leurs lignes directrices. Intervenant dans l’échange, Yves Sutter, directeur général de Cinéville, a évoqué sa crainte de les voir évoluer vers des obligations et souligné la nécessité de leur remise à plat à la lumière des nouvelles conditions de marché. Prenant la parole en tant que nouvelle coprésidente de la SRF, Axelle Ropert s’est inquiétée, « malgré la grande résilience dont a fait preuve le cinéma français » ces dernières années, de ses difficultés dans l’accès aux salles, et en particulier pour les jeunes cinéastes. « Les engagements ne sont pas une charité et un soutien aux faibles, et la diversité présente un vrai bénéfice pour la fréquentation. » À ses côtés, la déléguée générale de la SRF, Rosalie Brun, déplorait la lenteur de la mise en place, depuis les premiers agréments en avril 2022, de ces engagements de programmation, et a évoqué l’intérêt d’y adjoindre des engagements en matière de promotion. Enfin, les réalisateurs de la SRF ont requis d’être associés aux concertations, « parce que ce sont nos films dont il est question ».
La mise en place des engagements de diffusion – décidés en 2016 en compensation de l’intégration des cinémas de 6-7 écrans dans les engagements de programmation, comme l’a rappelé Richard Patry – « n’ont, actuellement, pas d’assise juridique réelle », a prévenu le président du CNC Dominique Boutonnat. « Pour les mettre en œuvre, il faudra donc passer par une loi », ce qui conditionne leur mise en œuvre au calendrier législatif. Victor Hadida a de son côté réfuté la présentation de ces engagements demandés aux distributeurs comme étant un « miroir » des engagements de programmation des exploitants, « qui ont déjà un impact sur la diffusion de nos œuvres ». En outre, le président de la FNEF scrutera avec attention les données objectives de l’observatoire de la diffusion « pour voir où sont les problèmes ».
2. La réforme art et essai
Dans son discours enregistré, Rima Abdul-Malak a listé deux engagements principaux sur le sujet : « Mieux soutenir la prise de risque des salles qui proposent une programmation ambitieuse, mais aussi les cinémas qui apportent l’art et essai dans les territoires les plus reculés ». Dans la foulée, Dominique Boutonnat a rappelé qu’il n’était pas question de sortir des salles du classement art et essai, ni des films des recommandations, comme le préconise le rapport Lasserre. Le président du CNC a également précisé que l’enveloppe allouée au classement était celle qui avait le plus augmenté ces dernières années, passant de 16 M€ en 2019, à 16,5 M€ puis 18 M€ l’an dernier. « Si nous en avons les moyens, nous renforcerons cette enveloppe ; c’est un objectif prioritaire du CNC, de la Ministre et du gouvernement », a indiqué le président du Centre, répondant à Christine Beauchemin-Flot, coprésidente du Scare, qui s’inquiétait d’un budget qui n’est « plus en phase avec les objectifs impulsés par le classement ».
Guillaume Bachy, le président de l’Afcae, a partagé ses craintes sur la « valeur de majorations et de minorations des films », appelant également à mettre en place plus de commissions qui connaissent les territoires et à davantage prendre en compte le travail sur le public jeune, via notamment la création d’un label 15-25. De son côté, Victor Hadida a évoqué une volonté des éditeurs de films de pouvoir « choisir la recommandation art et essai, et non se la voir imposer ». Une proposition à laquelle le CNC n’est pas favorable, Lionel Bertinet, le directeur du Cinéma, rappelant que dans le cadre d’une disposition « qui permet aux œuvres d’être diffusées plus largement auprès d’un plus grand public, c’est l’intérêt général qui prévaut ».
Concernant le calendrier, Dominique Boutonnat a confirmé vouloir « entériner la réforme d’ici la fin de l’année, pour une présentation au conseil d’administration du Centre en mars 2024, puis une application à partir de juin ».
3. La transition écologique
À la tête de la nouvelle commission de la FNCF sur l’écologie des cinémas, Marie-Christine Desandré a interpellé le CNC sur l’importance de la formation des personnels des salles sur le sujet. « Nous pourrions imaginer une mise en œuvre similaire, dans sa forme et sa durée, aux formations réalisées en un an sur les violences sexistes et sexuelles. » La secrétaire générale du CNC, Leslie Thomas, a annoncé travailler sur un cahier des charges en vue d’appel à candidatures en novembre prochain et une mise en place des premières formations dès le printemps 2024. « L’objectif est de proposer, gratuitement, des sessions aux exploitants sur les enjeux de décarbonation et les équipements durables des cinémas. »
Et alors que certaines voix s’interrogent sur un éventuel écueil du laser (évoquant une dégradation de la qualité d’image malgré des mesures de colorimétrie équivalentes ainsi que des craintes d’obsolescence programmée), Lionel Bertinet a rappelé les doutes qu’avait pu éveiller, en 2007, le passage au numérique, tout comme les rigoureuses normes de projection requises en France, sous l’égide de l’Afnor. Pour rappel, l’étude sur le coût du remplacement projecteurs est attendu pour la fin d’année. Face aux urgences, notamment énergétiques, « le basculement ne doit pas prendre 15 ans », a prévenu Richard Patry.
4. L’éducation à l’image
Stéphanie Dalfeur, vice-présidente de l’Archipel des lucioles, tout comme Aurélie Delage, présidente de la commission éducation à l’image de la FNCF, ont manifesté leur vive inquiétude sur les dispositifs Collège au cinéma et Lycéens au cinéma, le ministère de l’Éducation nationale ayant annoncé que les formations des enseignants devraient se dérouler hors temps scolaire à partir de 2024. De plus, ceux-ci devront être remplacés lors de leurs absences en sortie scolaire. « Ces dispositifs reposant sur le volontariat, nous avons peur que les établissements ne se réinscrivent pas. Nous craignons aussi les conséquences sur les distributeurs concernés qui mettent leurs films au catalogue. » Le CNC a assuré que cette « mauvaise » décision du ministère de l’Éducation nationale, « prise sans aucune concertation avec celui de la Culture », sera rapidement débattue entre les ministères, en espérant un retour en arrière. De son côté, Richard Patry, qui ambitionne de multiplier le nombre d’élèves participant aux dispositifs scolaires, a réitéré son appel à un Grenelle de l’éducation aux cinémas, fédérant ministères, enseignants et exploitants.
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