Dans ses observations du secteur, le Centre a notamment mis en chiffres la prise de risque des distributeurs.
Si cet observatoire porte sur une année pas encore tout à fait “normale”, elle montre toutefois les tendances à l’œuvre pour le secteur de la distribution. Le CNC a recensé pas moins de 810 distributeurs actifs en 2022, soit le même niveau qu’en 2017, sachant que “seuls” 141 d’entre eux ont sorti des films en première exclusivité. En termes d’offre, on constate une baisse de la concentration, et même la moins forte de ces 20 dernières années avec les 30 premiers distributeurs qui ont sorti 58 % des nouveaux films. Pour ce qui est des revenus en revanche, ce sont toujours les 30 premières sociétés qui encaissent près de 98 % des recettes.
Plus de films, mais moins d’investissements par film…
Les distributeurs, par les mandats qu’ils prennent, préfinancent toujours les films français, mais leur participation est en baisse : 12,2 % des coûts des films couverts en 2022, en net recul par rapport à l’avant crise (16,7 % en 2019 et 21,5 % en 2012) qui s’explique par la part importante du crédit d’impôt à la production. Toutefois, si le total des mandats (104 M€ en 2022) est le plus bas en dix ans hors crise sanitaire, les mandats salles, eux, restent proches de la moyenne observée en 2017-19 (15,4 M€ en 2022, soit -4,8 %). De plus en plus de films sont financés par les distributeurs (198 films en 2022 contre 140 ans en 2012), mais le mandat moyen par film est en baisse continue (368 K€ en 2022 contre 1 165 K€ il y a dix ans). On peut voir là une stratégie de diversification des risques en misant sur un plus grand nombre de films.
… qui ne sont pas couverts par la sortie salle
L’observatoire du CNC a en effet évalué la prise de risque des distributeurs à la lumière de leurs retours sur investissements sur les films d’initiative française. En 2022, 14,6 % des distributeurs ont couvert leurs frais par les encaissements en salles (14,1 % sur la période 2012-2022), mais la majorité (51,2 %) a couvert moins de la moitié de ses frais.
Dans le détail, les distributeurs intégrés/TV sont les seuls à recouper leurs frais dès l’exploitation salle ; en 2022, leurs encaissements sur les films français ont même représenté 128 % des frais engagés. Les majors américaines, qui disposaient de 9 % de films français dans leur line up de 2022, ainsi que les distributeurs dits “très actifs”, ont pour leur part remboursé plus de 80 % de leur mise dès la salle. La situation est moins favorable pour les distributeurs “moyennement actifs “(qui couvrent moins de 60 % de leurs frais par la salle) et les “peu actifs” (moins de 20 % des frais couverts par la salle).
En tous cas, tous bénéficient des aides publiques, les effets compensateurs de ces dernières étant particulièrement visibles pour les “moyennement actifs”, dont le taux d’amortissement passe, grâce à elles, de 58 % à 95 %, et de 17 % à 52 % pour les “peu actifs”. Plus généralement, on notera que près de 10 % des soutiens du CNC sont destinés aux distributeurs, dont 53 M€ d’aides pour la distribution en salles (38 M€ d’aides automatiques et 15 M€ de sélectives). Cela représente 17,9 % du total des aides cinéma du CNC sur la période, une part en hausse par rapport à la période 2017-2019 (15,4 %).
Des frais de promotion en hausse
Les frais d’édition moyens affichent une relative stabilité depuis 2019, loin des niveaux d’il y a 10 ans : 440,5 K€ par film en moyenne en 2022 (-26,5 % sur 10 ans). Cette tendance est largement imputable à la fin progressive des VPF qui a réduit les dépenses techniques (-77,3 %). Toutefois, en 2022, les distributeurs ont consacré 60 % de leurs frais d’édition aux achats d’espaces publicitaires (+5 % par rapport à 2013). Les frais divers de promotion, dont celles liées aux avant-premières, sont aussi en hausse (22,2 % en 2022, contre 15,9 % en 2013), tandis que la part du matériel publicitaire reste stable, à 11 %.
Autant de chiffres et tendances sur lesquels planche la mission distribution confiée en décembre dernier par le CNC à à Jean-Paul Cluzel, afin de dresser un diagnostic du secteur et adapter ses aides et ses instruments de régulation.
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