La Zone d’intérêt : Un pari gagné sur l’invisible

La Zone d'intérêt © Bac Films

Récemment récompensé des Oscars du meilleur film international et du meilleur son, le Grand prix du dernier Festival de Cannes distribué par Bac Films a connu un accueil remarquable et remarqué dans les cinémas. Retour sur le parcours de la surprise de ce début d’année 2024, malgré la difficulté de son sujet.

La Zone d’intérêt est arrivé dans les salles françaises le 31 janvier 2024, avec l’exigence formelle qui caractérise les trois précédentes réalisations de Jonathan Glazer. Après les 150 000 entrées d’Under the Skin il y a dix ans (distribué par Diaphana), le nouveau film du cinéaste britannique a dépassé les 700 000 entrées à ce jour. Un pari réussi dont se réjouit Philippe Lux, directeur de la programmation chez Bac Films.

Un potentiel entrevu…

C’est à l’approche de la Berlinale de 2023 que le distributeur entame des négociations avec le coproducteur et vendeur international du film, A24. À ce moment, « nous avions très peu d’informations, si ce n’est que le film était adapté du livre de Martin Amis ». Au terme de plusieurs discussions – et « une motivation qui grandissait de jour en jour » –, une offre est faite. Une mise osée, car « nous n’avions ni lu le script ni vu le film. Cependant, nous savions que nous avions affaire à un film singulier tel qu’on les recherche. Under the Skin a conféré une réputation à Jonathan Glazer auprès des cinéphiles, et nous voulions nous inscrire dans ce prolongement, avec une œuvre qui détonne et qui marque le paysage cinématographique. »

Finalement, Bac obtient les droits du film peu avant le Festival de Cannes, où il est sélectionné. Dès lors, un nouvel objectif fait son apparition : « Quand nous avons finalement vu La Zone d’intérêt, nous avons été bluffés par sa puissance, et nous souhaitions créer le même choc sur le public de Cannes. » Ainsi, aucun dossier de presse n’est distribué en amont de la séance, une seule photo est communiquée, et le synopsis tient en une phrase. L’effet fonctionne, et à l’issue du festival, le film repart avec le Grand prix. Chez le distributeur français, les pronostics sont positifs, Philippe Lux estimant que le film réalisera « un score autour des 400 000, tandis que David [Grumbach, président de Bac Films] mise sur 500 000. Quelles qu’aient été nos estimations, nous étions loin du compte. »

… et rapidement dépassé 

À l’approche de la sortie, un « alignement des planètes » se met en place, avec les labels Pathé, UGC, Kinepolis et Afcae (Actions promotion et Comité 15-25) et les avant-premières lors du festival Télérama/Afcae. Bénéficiant à ce moment des « meilleures conditions de lancement », le film effectue un excellent démarrage : 220 000 entrées en première semaine (240 000 avec les avant-premières) pour 40 entrées par séance, la meilleure moyenne de la semaine et, à ce jour, la cinquième meilleure de 2024 pour une nouveauté. Ayant actuellement enregistré plus de 700 000 entrées, La Zone d’intérêt est le deuxième plus grand succès pour un film de la compétition cannoise depuis la Covid, derrière Anatomie d’une chute, et bien au-dessus de la moyenne des résultats en salles des précédents Grand prix de Cannes depuis 2013 (430 000 entrées).

Un succès « surprenant, selon Philippe Lux, et qui confirme que le film est devenu un réel sujet de conversation. Le public ne s’est pas heurté à la dureté du sujet comme ça peut l’être pour d’autres exemples. Ce n’est pas un Nuit et Brouillard. » Car si le sujet pouvait être, un temps, source de crainte pour le distributeur, il a été à l’origine d’une forte médiation scolaire, avec la création d’un dossier pédagogique afin d’évoquer les représentations de la Shoah au cinéma. Un investissement qui a, par ailleurs, permis la rencontre d’une classe de banlieue avec Jonathan Glazer. Également, le film a « dépassé le cadre urbain dans lequel il était prévu, en s’installant dans les cinémas ruraux à partir de la troisième semaine », notamment dans le cadre du dispositif Unipop de ville en ville qui a, pour sa séance du 12 février, enregistré un record de 2 700 spectateurs. C’est par ailleurs à ce moment-là que le distributeur décide de s’ouvrir à la VF, pour « rendre le film le plus accessible possible », ce qui a permis d’attirer quelque 25 000 spectateurs supplémentaires.

Désormais, Philippe Lux espère que La Zone d’intérêt « continuera de marcher sur la durée, avec l’aide des scolaires », et « savoure ce succès après une année 2023 compliquée en matière d’entrées ». Avec son récent succès aux Oscars, le film de Jonathan Glazer peut espérer voir sa fréquentation repartir à la hausse.

La Zone d'intérêt © Bac Films