La SRF estime « incompréhensible » que Dominique Boutonnat soit reconduit à la tête du CNC

Dominique Boutonnat, président du CNC, au Congrès de la FNCF 2020 ©Jean-Luc Mège

Dans un communiqué, la Société des réalisateurs et réalisatrices fait part de ses inquiétudes face à un possible renouvellement du mandat de Dominique Boutonnat à la présidence du Centre, au regard du bilan de son mandat et des urgences qui frappent le secteur.

Elle faisait déjà partie des opposants à sa nomination en juillet 2019 : trois ans plus tard, la SRF reste encore critique à l’encontre du président du CNC, dont le mandat s’achève ce mois-ci. « Si certaines avancées peuvent être saluées, telle la mise en place d’une troisième commission à l’Avance sur recettes, si des aides exceptionnelles ont été rapidement débloquées au cours de la crise sanitaire, les fondements de la politique menée depuis trois ans restent des plus alarmants pour le cinéma indépendant », écrit le conseil d’administration de la SRF.

« Quelle est la mission du CNC depuis sa création il y a soixante-dix ans ? Contrebalancer les logiques du marché par des mécanismes redistributifs, veiller au renouvellement des talents et à la diversité de la création. Dans le contexte de la crise actuelle, c’est ce système de financement unique et vertueux, envié dans le monde entier, qui devrait être défendu avec ardeur par son Président. » Mais pour la SRF, l’auteur d’un rapport « très majoritairement décrié par la profession », conduit une politique « ouvertement libérale et trop souvent court-termiste, s’appliquant à démanteler petit à petit ce puissant outil de régulation ». La société s’inquiète ainsi du « brouillage grandissant » des frontières entre cinéma et audiovisuel, à la redistribution des aides en faveur de films déjà soutenus par le marché, à la multiplication, au sein des commissions, des critères de performance et de rentabilité. « Nous sommes abasourdis lorsque dans les discours de ceux qui ont en charge la maison du cinéma, il n’est plus question de films ou d’œuvres mais de contenus ou d’actifs. Cette langue appauvrie, empruntée au seul registre marchand, est en elle-même le symptôme d’un abandon de la culture. »

Face aux nombreuses crises qui ont frappé le cinéma, la SRF rappelle qu’à chaque fois, « une volonté politique forte et pérenne a non seulement permis que la catastrophe, présentée comme inéluctable, n’advienne pas, mais renforcé le cinéma français, l’imposant durablement parmi les premières cinématographies du monde ». La Société s’interroge donc sur les solutions apportées, dans un contexte de profondes mutations des pratiques culturelles, notamment via l’avènement de géants économiques. « Que nous propose-t-on ? De transformer les salles en lieux de projection e-sport, comme l’a récemment suggéré Emmanuel Macron, ou encore de faire appel, pour imaginer les orientations du cinéma de demain, à des cabinets de stratégie extérieurs peu au fait des réalités artistiques. Si notre pays a toujours su protéger ses salles et la diversité de sa création, c’est pour n’avoir jamais cédé à une vision fataliste de la modernité et des évolutions du marché. Au contraire, les métamorphoses actuelles imposent d’inventer une politique du cinéma d’autant plus offensive et dynamique. »

Pour la SRF, le CNC doit redonner la parole aux professionnels et repenser la composition de son conseil d’administration, pour que ce dernier ait le pouvoir de désigner son président, à la place du chef de l’État. « [Il est] urgent enfin que cette institution redevienne ce qu’elle a fondamentalement vocation à être : le garant de la singularité des formes et des récits, l’aiguillon de leur renouveau, un solide rempart contre les seules logiques marchandes. »

« Nous reprocher de mener un combat d’arrière-garde, c’est avoir la vue courte. Aujourd’hui comme hier, il y a au cœur de l’engagement des cinéastes et de leurs luttes, un attachement farouche à l’indépendance et à la liberté de création. Au vu de ces urgences et de ce bilan, il serait incompréhensible que le mandat de Dominique Boutonnat soit renouvelé dans quelques jours. »

Dominique Boutonnat, président du CNC, au Congrès de la FNCF 2020 ©Jean-Luc Mège

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