La rénovation ambitieuse de l’historique Caméra de Meknès

Cinéma Caméra de Meknès

Sous l’impulsion des habitants de Meknès et des distributeurs marocains, Jamal Tazi, propriétaire du cinéma historique de la ville impériale marocaine, a entrepris de grands travaux de réhabilitation et de modernisation de son établissement.

Sa réouverture est prévue pour le 13 mai prochain, avec la projection-événement de la comédie marocaine du moment, Dados, en présence de l’équipe du film. Un événement pour célébrer « une vieille dame qui renaît de ses cendres », alors que le cinéma Caméra est aujourd’hui dans la première des trois phases de réhabilitation prévues, qui consiste en la remise en état du bâtiment, de la façade et de la salle de 650 places, ainsi qu’en l’équipement en numérique. Dans un premier temps, il s’agira « d’un écran et un projecteur de seconde main », admet Jamal Tazi. « Nous allons fonctionner, pendant nos six premiers mois environ, avec un matériel en très bon état qui nous vient d’Europe, en attendant de nous fournir en équipement de projection de dernier cri, vers la fin de l’année » – une mise à niveau qui constituera la deuxième phase de l’aménagement.

Fresque murale de Marcel Couderc, au cinéma Caméra de Meknès.

Dans les prochaines années, la troisième étape se concentrera sur la restauration, par une équipe d’experts, de la fresque murale de 80 mètres carrés, peinte par Marcel Couderc à l’ouverture du Caméra, en 1938 : un témoin des 85 années d’histoire du cinéma, implanté au cœur de Meknès. Fondé par une famille française, les Sandeau, le cinéma est racheté par Alami Tazi au début des années 60. Il construit au même moment le cinéma Rif, un deuxième mono-écran de 1 000 fauteuils, devenu complexe culturel, dans la nouvelle ville. Le Caméra, le Rif et deux autres salles de Meknès restent gérées et programmées par Marius Sandeau, jusqu’à sa mort au début des années 1990, avant que le Maroc ne connaisse « une crise absolue du cinéma. Le piratage s’est développé à vitesse grand V dans le pays, avec une certaine complaisance des publics cinéphiles, au détriment des salles de cinéma qui tombaient de plus en plus en désuétude », déplore Jamal Tazi, également magnat de l’industrie du textile. « Les disques gravés illégalement étaient, jusqu’à peu, monnaie courante dans les pays du Maghreb. Nous avons tenu avec nos projecteurs 35mm jusqu’à ce que l’offre des films en argentique se soit naturellement tarie. Le Caméra est sous perfusion financière depuis une quinzaine d’années maintenant, mais, au vu de la mobilisation de la communauté cinéphile et de distributeurs comme Film Event, nous avons décidé début 2023 de rénover et rouvrir. Sans eux, nous aurions peut-être cédé aux nombreuses offres de promoteurs immobiliers, qui voulaient en faire des bureaux ou un centre commercial. »

Et parce qu’il s’agit d’abord d’une affaire de famille et d’héritage, la réhabilitation du Caméra, qui coûte à Jamal Tazi entre 2 et 3 millions de dirhams (180 000 – 270 000 €), ambitionne de « mettre du neuf dans du vieux » : les 650 sièges, dont 400 à l’orchestre et 250 légèrement inclinables au balcon, resteront inchangés, tandis que les loges, situées en hauteur, pourront être privatisées. Les deux projecteurs argentiques Cinemeccanica, « de vraies Rolls Royce », resteront opérationnels pour des séances spéciales, bien que la nouvelle programmation du cinéma sera pour le reste généraliste, pour s’adresser aussi bien aux familles qu’à un public étudiant, qui bénéficiera d’un tarif préférentiel de 20 dirhams (1,80 €) – Meknès abritant l’Université Moulay-Ismaïl, fréquentée par 80 000 universitaires. La place standard coûtera quant à elle 30 dirhams en orchestre (2,70 €), et entre 45 et 50 dirhams en balcon (4-4,50 €).

Cinéma Caméra de Meknès