La Cour des comptes ausculte le pass Culture

La Grand'chambre de la Cour des comptes.

Alors que le dispositif se consolide, la Cour juge son utilisation encourageante, mais pointe des problématiques de gestion au moment de sa création. Elle préconise d’évaluer l’impact du pass à court terme. 

Globalement depuis sa création, le pass Culture a déjà bénéficié à 3 millions de jeunes, qui l’ont notamment utilisé, sur l’année 2022, pour plus de 4,5 millions d’entrées au cinéma, comme l’indiquaient ses représentants en mai dernier. Plus de 1 500 salles y sont référencées et l’outil a été salué, lors des dernières AG syndicales, par la majorité des exploitants. L’enquête de la Cour des comptes publiée le 18 juillet, basée sur la période 2018-2022, n’a toutefois pas vocation à évaluer d’un point de vue qualitatif ou quantitatif l’ensemble du dispositif – qui est encore en cours de déploiement – mais se concentre principalement sur sa mise en œuvre administrative et son modèle économique, en distinguant « la phase de préfiguration, laquelle témoigne d’une gouvernance problématique du projet, et la situation actuelle, qui présente des éléments de réassurance importants ».  La Cour des comptes formule trois propositions, à commencer par « évaluer l’impact du pass Culture pour réfléchir à de potentiels ajustements ».

En effet, alors que la généralisation de l’outil est récente, la Cour reconnaît que le pass devrait « représenter un levier majeur d’accès à la culture ». Les statistiques fin 2022 sont encourageantes, et s’il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité du pass de façon pertinente, une telle étude « sera toutefois nécessaire à court terme (…), qu’il s’agisse de la diversification des pratiques ou de la démocratisation de l’accès, ce qui impliquera des analyses fines tant au regard de l’impact quantitatif que des questions d’équité et d’inégalités sociales ou territoriales ». Sur la part collective du pass, le rapport approuve déjà « un bouleversement majeur de l’équilibre général du dispositif en le mettant au service de l’éducation artistique et culturelle, manière de reconnaître l’importance cruciale de la médiation et de la pédagogie dans l’accès à la culture ». Pour rappel, le volet collectif permet de toucher les élèves dès la classe de 4e depuis l’an dernier et sera ouvert à la 6e à la prochaine rentrée. Reste qu’un risque a été identifié concernant l’équité territoriale : « la question de la prise en charge des frais de transport permettant d’amener les élèves dans un lieu de culture pourrait représenter un frein au déploiement du pass dans les zones les moins bien desservies »

Dysfonctionnements en amont, accompagnement nécessaire de l’État

En revanche, la Cour tire un « bilan sévère » de la mise en œuvre du dispositif et s’interroge sur son modèle économique, qui repose sur une « part substantielle du budget du ministère de la Culture ». Pour rappel, le pass Culture, conçu en 2017, a connu une phase de préfiguration faisant intervenir une start-up d’État, sous la double tutelle du ministère de la Culture et la direction interministérielle du numérique. « Jusqu’à la création de la SAS pass Culture, société privée chargée d’une mission d’intérêt général, diverses problématiques de gestion ont été identifiées par la Cour, en particulier un contrôle déficient de la chaîne de la dépense publique et le recours à des consultants extérieurs dans des conditions discutables ». Le rapport pointe en particulier les rémunérations –  importantes – d’un prestataire privé « à la fois chargé d’une mission de service public et rémunéré par le prestataire de services qui était le principal bénéficiaire des marchés passés. » Plus largement, la Cour « n’a pu reconstituer la liste et les fonctions précises des consultants qu’avec difficulté ». Aussi, elle formule sa 2e recommandation : « adopter une charte de déontologie, qui précise en particulier les règles applicables aux agents publics recrutés dans le secteur privé ou rejoignant un fournisseur de prestations intellectuelles ».

Sur le plus long terme, le financement et le statut administratif du pass Culture soulèvent aussi des interrogations. « L’échec du modèle économique pressenti, qui devait permettre d’associer des financements privés à hauteur de 80 % et publics à hauteur de 20 %, a conduit l’État à assumer finalement seul cette politique, qui est montée en charge progressivement et devrait représenter des dépenses de l’ordre de 273 M€ par an au minimum, selon les hypothèses les plus prudentes. » 

L’audit souligne en outre que le statut de la SAS pass Culture « a généré des contraintes complémentaires qui mettent la société en situation d’injonction contradictoire, selon que l’on considère d’un côté l’objectif initial d’élargir les sources de financement non public, de l’autre celui de porter une mission d’intérêt général en quasi-régie ». Bien que la société contribue au succès du dispositif, la question de son statut pourrait donc « valablement être reposée ». Et quoiqu’il en soit, elle ne pourra répondre à ses défis juridiques et humains qu’en étant accompagnée par l’État. Les magistrats émettent ainsi leur proposition n°3 : « Inclure la SAS pass Culture dans la liste des opérateurs de l’État »

Le rapport complet de la Cour des comptes à lire ici. 

La Grand'chambre de la Cour des comptes.

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