Après communiqué des distributeurs indépendants du DIRE et du SDI, c’est au tour des cinéastes de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (ACID) de prendre position contre l’organisation d’un “festival Netflix” dans plusieurs cinémas de l’Hexagone.
« Les films de cinéma n’existent que s’ils sont vus dans des salles de cinéma. » C’est ainsi que débute le texte rédigé par les cinéastes, en référence à l’action symbolique menée le 14 mars dernier par 22 cinémas, qui avaient alors ouvert leurs portes au public pour contester la fermeture prolongée des lieux culturels. « Depuis la réouverture, on peut assister à un effarant jeu de massacre dans lequel une portion très congrue de films occupe une écrasante majorité d’écrans, les autres titres tentant de trouver leur place dans le peu d’espace restant, bataillant pour durer dans les salles, durer un peu, encore un peu… » Si les chiffres ne démentent pas cette tendance, l’ACID aime à rappeler ce qui se joue dans les salles : de l’humain, du contact, du sensible, du désir. « C’est cet idéal que nous portons, et que nous partageons avec nos ami.e.s distributeurs·trices, et exploitant·e·s. »
Mais avec qui le partage-t-elle encore « vraiment », s’interroge l’association. « Quand l’Autorité de la Concurrence atteste de la sous-régulation du secteur de l’exploitation, quand la Cour des Comptes pointe le déséquilibre révoltant entre salles de cinéma et autres acteurs de la filière dans le fléchage des fonds de relance, quand enfin, on apprend que certaines salles – notamment art et essai – envisagent d’organiser un festival d’avant-premières de “contenus” produits par Netflix, il est permis et nécessaire de s’interroger sur ce qu’il nous reste, ou pas, en commun. » L’ACID reste ferme quant aux productions Netflix : « Si se payer la griffe d’un·e cinéaste peut “faire cinéma”, ça ne fait pas du cinéma. Au bout du compte, le “contenu” sera présenté sur un étalage qui offre indifféremment ad nauseam téléréalités, séries, reportages, dans une logique implacable de saturation, voire d’étouffement du consommateur. »
L’ACID pointe le cynisme des salles art et essai
Pour les cinéastes, présenter ces productions en salle comme des films de cinéma à part entière, « c’est avoir renoncé au cinéma lui-même comme forme d’art et espace de rencontres. C’est ne plus croire au spectateur et à son regard. C’est avoir peur de ce que le cinéma pourrait nous amener à découvrir : la part d’altérité en nous-mêmes, l’ouverture à ce qui n’est pas nous, et le goût de cette ouverture ». Consternée, l’ACID juge « grave » la complicité des salles concernées qui, dans le même temps, se prévalent de soutenir la création cinématographique. « Comment peut-on se croire salle “d’art et d’essai”, voire de “Recherche” lorsqu’on a abdiqué à ce point l’idée de l’art, de l’essai, et de la Recherche pour leur préférer des produits de consommation de masse et revendiquer ce geste comme une ouverture ? Il faut être bien cynique… »
Et les cinéastes de conclure : « À ceux qui refusent la responsabilité qui leur incombe – être une salle Art et Essai implique des devoirs quant à la défense de l’indépendance, de la diversité des œuvres – disons-leur que là où ils abdiquent, nous continuerons de nous battre, pour une raison toute simple : nous sommes le cinéma, et cette certitude nous fonde, quand nous prenons la caméra ou bien quand nous allons montrer nos films en salle. À eux de se demander s’ils sont, encore, du cinéma. »
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