Mathias Dulac décrypte le Kaléidoscope Dulac Cinémas

Mathias Dulac, directeur du développement de Dulac Cinémas

Ce 13 septembre au soir à l’Arlequin de Paris, les salles Dulac lancent officiellement leur nouvelle saison culturelle. Pour l’occasion, Mathias Dulac arrive sur le devant de la scène en tant que directeur du développement de Dulac Cinémas, avec une vision digne de l’avant-garde que représente le réseau fondé par sa mère Sophie Dulac.

« Ce n’est pas parce qu’on ne me voyait pas que je n’étais pas là », note celui qui, depuis ses 16 ans, a contrôlé des tickets, réalisé des fiches sur les scénarios reçus à la distribution, participé à la création puis à l’organisation du Champs-Elysées Film Festival pendant 10 ans… À 35 ans aujourd’hui, après plusieurs années passées à explorer l’événementiel – ainsi qu’un voyage autour du monde –, Mathias Dulac est de retour dans la grande “Maison Dulac” et dans son domaine de prédilection : l’exploitation. « Mais en lui insufflant, en binôme avec Pierre-Edouard Vasseur [le directeur artistique de Dulac Cinémas, ndlr.], une nouvelle énergie », précise l’intéressé.

Le premier pas du renouveau est effectué début 2020 avec la végétalisation du Majestic Passy, pour « transformer l’ambiance cinéma ». Quelques mois plus tard, c’est au tour de l’ensemble des activités d’être rebrandées sous le nom de Maison Dulac Cinéma. Réunir pour simplifier l’appréhension du groupe (production, distribution, exploitation et festival), mais aussi mettre en valeur « sa dimension familiale, avec une équipe parfois présente depuis deux décennies ». 

La crise du Covid intensifie bien entendu la réflexion et la remise en question déjà en cours sur la manière d’exploiter Dulac Cinémas. « L’idée n’était pas de changer drastiquement, mais de faire des choses qui nous ressemblent », précise le désormais directeur du développement, qui n’associe son “titre” à aucune velléité d’expansion du réseau, mais à son évolution interne et continue. Preuve en sont les deux saisons culturelles Kaléidoscope, passée et à venir [voir ci-contre] et leur florilège de rendez-vous, au gré des thématiques qui tiennent à cœur des équipes et de leurs collaborateurs. De fait, « plus nous avons été ouverts aux propositions, plus les gens sont venus nous voir avec de nouvelles propositions ». 

D’autant plus que le public répond présent, notamment un tout nouveau. « À la première séance de l’Hurlequin, consacré aux films de genre, seules trois personnes étaient déjà familières de l’Arlequin ; toutes les autres étaient juste là pour voir un film d’horreur. » 

Pour autant, l’équipe prend bien soin d’adapter les propositions Kaléidoscope au public de chaque cinéma Dulac, qui a une identité, voire « une personnalité et une âme » bien définies. Ainsi, c’est tout naturellement au Majestic Bastille qu’a lieu le ciné-club de l’activiste féministe Elvire Duvelle-Charles, tandis que Le Reflet Médicis accueille la rétrospective de cinéma polonais. « Mais nous pouvons tout aussi bien surprendre le public de chaque salle », de manière à mélanger les genres… et les générations. « On ne se rend pas compte de tout ce que les gens aiment. » D’où l’importance d’une communication claire, et de la redéfinition, depuis près de trois ans, des cinémas Dulac comme centres culturels. Sachant que, « drag, manga, 35 mm… la culture est partout, et il y en a pour tout le monde ».

Ce changement d’appréhension d’une salle de cinéma comme un espace culturel avant d’être un espace de diffusion de films sur grand écran est allé de pair avec un changement de business model. « La place de cinéma seule ne nous fait pas vivre », confie le directeur du développement, qui assure la rentabilité de ses soirées événements en minimisant les dépenses (« on n’est pas obligé de dépenser beaucoup pour faire des choses qualitatives, mais il est hors de question de ne pas rémunérer tous ceux qui y œuvrent ») et en développant les ventes annexes (confiserie, apéros-bar…). Ces soirées spéciales assurent aussi, sur le plus long terme, un retour sur investissement, avec des spectateurs revenant pour des séances classiques.

Mettant à profit son réseau de 5 établissements et 13 écrans, Dulac Cinémas a aussi développé une régie média interne et un système de privatisation de salles (pour des conférences, des shootings…), complété par des services en catering ou en captation. Pour autant, le cinéma garde toujours la priorité dans les salles, aucune privatisation ne se faisant sans la validation préalable du directeur de la programmation, Eric Jolivalt.

« Tout ce développement commercial nous aide à mettre en place nos événements, et à proposer une carte Dulac à 5,50 € la place, soit le cinéma pour tout le monde », poursuit Mathias Dulac. Derrière le débat autour du prix du billet, le directeur du développement voit plutôt « une barrière, chez les spectateurs, qui consiste à ne pas accepter d’être déçu par un film quand ils ont payé ». Quant au retour des jeunes au cinéma, il souffrirait de l’absence d’un vrai débat, notamment sur la définition même du mot “jeune”, dans lequel on « case » les 15-25 ans, « les ados qui vivent encore chez leurs parents comme les jeunes actifs… en attendant d’eux qu’ils sauvent le cinéma. Il faut peut-être commencer par leur enlever cette pression. Les générations qui leur disent “venez au cinéma” n’avaient, eux, accès qu’à un seul type d’écran pour se divertir… ». Le travail de transmission, pour celui que sa mère a « traîné » voir La Nuit de l’iguane alors qu’il était ado, reste pourtant, avant tout, une histoire de graines plantées. D’ailleurs, parmi les nombreux rendez-vous du réseau, le Ciné-Darons de l’Escurial « parle » énormément à Mathias Dulac, avec son concept de « parents qui amènent leurs enfants découvrir des films mythiques des années 80-90 [à commencer par Jurassic Park de Steven Spielberg début octobre, ndlr.] ». Une manière d’établir des liens entre les générations, mais aussi de désacraliser la salle de cinéma indépendante, « et de montrer qu’il n’y a pas de hiérarchie dans la Culture. Notre but n’est pas d’éduquer des gens, juste proposer quelque chose de différent ». 

Pour la nouvelle saison Kaléidoscope, les cinémas Dulac utilisent donc « les piliers déjà en place, tout en essayant d’autres voies ». Et surtout en refusant de se laisser enfermer dans une quelconque case, et encore moins celle de “fils de” pour Mathias Dulac. « Ferons-nous de nouvelles saisons culturelles pendant 15 ans ? Aucune idée. Pour l’heure, nous continuons de chercher et d’expérimenter, tout en acceptant de faire des erreurs. C’est ça qui fait un peu peur… mais qui surtout fait du bien ! » 

Soirée de lancement de saison 2022 dans le piano-bar de l’Arlequin © Dao Bacon
Mathias Dulac, directeur du développement de Dulac Cinémas

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