La famille Davoine a ouvert en mai 2005 un nouveau cinéma de 15 salles au cœur de la ville bretonne. Focus un an après sur un site qui a dépassé ses objectifs de fréquentation.
Impossible de parler du multiplexe Liberté de Brest sans lever un (petit) coin du voile sur l’histoire de son propriétaire, Gérard Davoine. Pour lui, l’aventure du cinéma débute à l’âge de 18 ans, lorsqu’il se retrouve en charge de la salle de Bourg-Saint-Maurice qui appartenait à sa mère. Un an plus tard, c’est la construction du barrage de Tignes qui lui donne l’occasion d’ouvrir un second cinéma dont les principaux clients sont les ouvriers du chantier. Puis c’est le congrès mondial du ski à Val d’Isère qui lui offre l’opportunité d’exploiter une nouvelle salle, municipale, construite sur ce site. Et c’est ainsi que petit à petit, des stations de sports d’hiver aux équipements en villes moyennes puis aux multiplexes dans les agglomérations plus grandes, est né le « circuit Davoine », qui allait devenir quelques temps plus tard le circuit CinéAlpes.
Gérard Davoine rencontre Jean Pierre Lemoine, exploitant également des cinémas dans les stations de sports d’hiver (Courchevel, Megève entre autres). Plutôt que d’endurer chacun de leur côté les désavantages de l’individualisme (renforcés par un certain archaïsme de la distribution locale à l’époque), les deux professionnels décident d’avoir une programmation commune puis de s’associer. Ils rachètent ainsi plusieurs salles et, le jour où Jean-Charles Edeline fait appel aux professionnels régionaux pour créer une association d’exploitants indépendants, ils se retrouvent tout naturellement dans l’aventure UGC (avec d’autres « régionaux », tels que Aubert, Larriagua, Thirriot, Deruyier, Boutigny, Rousseau, Reynaud, Pontet, etc.). C’est au début des années 80, au moment de la refonte de I’UGC, que Gérard Davoine reprend son autonomie en créant CinéAlpes. Le groupement représente aujourd’hui plus de 160 écrans répartis en 7 complexes situés en villes moyennes, 37 stations de sports d’hiver et 3 multiplexes : le ciné Cap Vert à Dijon, le Ciné Dôme à Clermont et le » petit dernier » le cinéma Liberté à Brest.
Celui-ci, ouvert depuis le 17 mai 2005 avec Star Wars Episode III, est né du rachat par CinéAlpes d’un ancien projet Bac Majestic. C ‘est l’architecte Yann Lecoq qui a repris le chantier en route et les 15 salles de l’Avenue Clémenceau ont pu être intégrées dans ce bâtiment tout en longueur, surmonté par cette grande vague qui le caractérise. Un autre signe distinctif du Liberté est le réseau de passerelles intérieures , constitué de coursives en métal qui conduisent les spectateurs dans les salles. Eclairées par des puits de lumière, elles évoquent l’intérieur d’un bateau, clin d’œil volontaire à cette ville portuaire. La synergie des couleurs donne également un aspect chaleureux à l’ensemble et les dégradés de bruns, de bleutés et d’orangés jouent entre eux sur les murs du multiplexe. La façade, longue de 1 20 m, ainsi que les différents accès du site sont équipés de panneaux d’affichages. C’est ainsi que, lors des avants-premières organisées en présence des équipes de films, c’est jusqu’à 30 emplacements de 120×160 qui sont ornés de la même affiche du film pour la plus grande joie des personnalités présentes!..
L’ouverture du Liberté de Brest est un franc succès. L’objectif des 650 000 spectateurs que prévoyait l’étude de marché est à présent dépassé puisqu’on compte 715 000 entrées pour la première année d’exploitation. Plusieurs facteurs expliquent cette réussite :
- L’emplacement du multiplexe dans le centre ville, face au pôle culturel Le Quartz et les opérations organisées en commun avec cette institution telles que les « cartes blanches au cinéma » proposées aux acteurs ou réalisateurs qui se produisent sur cette scène nationale (Philippe Torreton, Patrice Chereau).
- La nomination, à la direction de ce navire, de Thomas Bloquaux (assisté par Paul Da Silva) qui cannait parfaitement le fonctionnement du circuit pour avoir travaillé dans les stations puis ouvert les premiers multiplexes. Il est épaulé par une équipe d’une vingtaine d’employés.
- Des animations régulières mises en place autour des films et de leurs équipes (Christophe Rossignon producteur de Joyeux Noël, José Garcia pour la Boîte Noire, Luc Besson accompagné de Rie Rasmussen pour son Angel-A , Pierre François Martin Laval avec Essaye-moi, Albert Dupontel réalisateur et acteur de Enfermés Dehors et plus récemment Je Vais Bien, Ne t’en Fais Pas présenté par son réalisateur Philippe Lioret et ses acteurs : Mélanie Laurent et Kad Merad).
- La programmation intègre régulièrement l’art et essai et la V.O. dans une ligne éditoriale de films grand public. Brest possède un arsenal qui héberge beaucoup de militaires et leurs nombreux enfants mais également un grand nombre d’étudiants, dans l’Université située en face du cinéma. D’où une programmation volontairement diversifiée.
- Une politique tarifaire qui tient compte à la fois des nombreuses demandes des étudiants, des comités d’entreprises et des cinéphiles à qui est proposée une carte d’abonnement fort prisée par le public brestois.
- La participation du Liberté à la vie culturelle de la ville avec, par exemple, l’organisation de projections sur le cinéma européen, un important partenariat lors du Festival du Court Métrage ou avec Océanopolis, centre d’exposition dédié à la Mer.
- La proximité, durant la saison estivale, de nombreux campings et centres de vacances qui draine un vaste public, particulièrement les jours de mauvais temps (qui ponctuent parfois la vie bretonne … ).
Une relation de confiance s’est établie entre les spectateurs et le cinéma qu’ils ont vite intégré à leur vie quotidienne : certains d’entres eux laissent leurs jeunes enfants aux hôtesses le temps d’une séance, vont faire leurs courses et les récupèrent à la fin de la projection. Thomas Bloquaux était rassuré dès le début de l’aventure et garde pour sa part en mémoire le regard ébloui des spectateurs de la première séance lorsqu’ils ont découvert le nouveau multiplexe. Il est loin le temps où Gérard Davoine suggérait aux distributeurs de lui confier des films en sortie nationale dans ses stations de sport d’hiver (pour la petite histoire, c’est Jean Labadie qui lui proposa le premier des copies station, en grand nombre pour le film Le Bon Plaisir). C’est cette propension à réagir dans l’instant, à anticiper les risques et à s’autofinancer qui a fait le succès de son circuit. Et aujourd’hui, cet exploitant heureux remercie chaque jour le ciel de lui avoir fait connaître le monde de l’exploitation cinématographique.
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