Cédric Aubry : « La moyenne exploitation a pris ces dernières années des risques financiers qui étaient alors mesurés ; la période actuelle rebat les cartes. »

Cédric Aubry

INTERVIEW – Top départ des réunions de branche ce matin au Congrès de la FNCF, sous la supervision de leurs présidents respectifs auxquels Boxoffice Pro a adressé trois questions. Parole au président de la commission moyenne exploitation, Cédric Aubry. 

Au-delà de la situation générale, quel bilan de la reprise dressez-vous pour votre branche en particulier et comment s’est-elle adaptée à la mise en place du passe sanitaire ? 
On ne peut que se féliciter de la reprise du 19 mai et de pouvoir se projeter sur un temps long sans nouvelle fermeture. Néanmoins, le 21 juillet a mis un terme brutal à la dynamique, engendrant à la fois une dégradation des relations avec nos spectateurs – comme jamais nous n’en avions connue – et des tensions avec nos collaborateurs en première ligne. Rassurons-nous tout d’abord, nous avons démontré à nouveau la capacité intacte qu’à la salle de cinéma à renouer avec le public français. La Fête du Cinéma a été fabuleuse et les 15 premiers jours de juillet laissaient apparaître une fréquentation estivale record. Le passe sanitaire a malheureusement tout remis en cause, nous faisant perdre immédiatement 50 % du public pour être, à fin août, à moins 30 %. 

Dans quel état économique se trouvent les salles de votre branche ? Quelles sont les mesures les plus attendues ? 
Les soutiens sectoriels et transversaux nous avaient permis jusqu’à présent de préserver nos lignes de trésorerie. Malheureusement nous sommes aujourd’hui dans l’incertitude. Le passe sanitaire nous a coupés d’une partie du public pour un temps indéterminé. La moyenne exploitation dans cette nouvelle période a usé tous les artifices pour se maintenir à flot : reports d’échéances, PGE… nous sommes maintenant livrés à nous-mêmes face à nos échéances, avec la contrainte de ne pas pouvoir renouer avec l’ensemble du public.

Ce n’est pas jouable économiquement. Nos exploitations ont toujours été moteur par l’investissement de la restructuration du parc. Elles sont adossées à des emprunts lourds. Il faut donc comprendre que si nous ne retrouvons pas 100 % de capacité de mobilisation du public, les conséquences économiques pour la branche vont être quasiment immédiates. La moyenne exploitation a pris ces dernières années des risques financiers pour offrir aux spectateurs une expérience salles de grande qualité. Ces risques étaient mesurés car l’implication de chacun à mobiliser le public permettait de faire face aux échéances. La période actuelle rebat les cartes. L’aide du CNC pour les salles fragilisées doit donc être efficace tant sur les délais que sur les montants. Mais il est évident que si le passe sanitaire perdure, un nouveau mécanisme de soutien devra compenser les pertes.

Quels sont vos chantiers sur le moyen et long terme ? L’année dernière, vous aviez évoqué la survie de votre branche…
Tout d’abord, nous devons prendre notre part pour reconstruire l’écosystème qui fait que notre modèle français est unique. Le CNC doit être réarmé pour accompagner notre dynamique. L’art et essai doit être valorisé afin de continuer d’accompagner nos capacités d’éditorialisation. L’accès aux films pour toutes les salles, et donc sur l’ensemble du territoire, est un enjeu indispensable à la conquête du public de plus en plus impatient et qui malheureusement a repris goût au piratage.
D’une manière générale, la dynamique de la branche passera par sa capacité d’investissement. Le désendettement est une priorité à court terme. Nous avons laissé un chantier inachevé, celui d’un renouvellement pérenne des équipements numériques. Il faut maintenant s’y replonger.

Enfin, la branche de la moyenne a toutes les cartes en main pour être un acteur majeur de la croissance dans les dix prochaines années, à travers la restructuration et la création de nouveaux équipements dans les plus petites villes. Elle doit se faire grâce à une forte volonté entrepreneuriale dont les forces vives sont au sein de la branche. Il nous appartient collectivement de nous emparer de ce dossier, en matchant des modèles économiques de construction raisonnés avec des accompagnements de l’État, du CNC mais surtout des collectivités locales qui seront, je le crois, le levier indispensable à cette nouvelle dynamique de création de salles au plus proche des territoires.
Non, la branche de la moyenne ne joue pas sa survie ; elle sera ces prochaines années le bras armé de la dynamique de croissance du parc.

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Cédric Aubry

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