Bilan mi-2023 : quel public est venu au cinéma au premier semestre ?

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Après avoir analysé les six premiers mois par le biais de la fréquentation, petit focus sur la typologie des spectateurs qui se sont déplacés dans les salles. Avec un coup d’œil sur l’offre des mois à venir, qui devrait continuer à ravir tous les publics malgré quelques points d’interrogation.

Avec 91,8 millions d’entrées, « ce premier semestre est très positif », résume Sylvain Bethenod, PDG de Vertigo Research. L’institut d’études marketing analyse régulièrement la typologie des spectateurs dans les salles de cinéma ; l’occasion de se pencher sur la répartition du public sur ce premier semestre. « Par rapport à 2022, toutes les cibles gagnent des entrées, particulièrement les 3-14 ans et les 60 ans et plus. Ces cibles retrouvent même leur niveau de fréquentation observé sur un 1er semestre moyen 2016-2019, sachant que le marché baisse globalement de 13 % sur cette période. C’est encore la preuve que ces deux cibles forment le moteur du marché depuis quelques années  », explique Sylvain Bethenod, qui note que « les autres tranches d’âge évoluent comme le marché ».

« C’est assez rare de voir autant de films dont le succès n’est pas dû à une cible en particulier mais le fruit d’un public touché bien plus large », constate Yann Ily, citant ainsi les performances d’Avatar : La Voie de l’eau, d’Astérix & Obélix : L’Empire du Milieu, d’Alibi.com 2 et, dans une moindre mesure, des Trois Mousquetaires : D’Artagnan. « C’est l’une des clés de ce premier semestre : s’il est attractif, un film qui séduit un public large va générer un volume d’entrées conséquent. ». Concernant la production française, l’analyste note un recul contenu de 3 % des entrées par rapport à la période 2016-2019. Outre Astérix, Alibi et Les Trois Mousquetaires, les films comme Tirailleurs, Mon crime, Sur les chemins noirs et Je verrai toujours vos visages ont émergé car perçus « comme des propositions différentes pour un public qui a réduit son rythme de fréquentation et se montre plus sélectif dans ce qu’il vient voir au cinéma ». À l’instar des 25-49 ans, avec enfants, de plus en plus sollicités par les offres à domicile, mais qui peuvent se déplacer pour des films qui innovent ou font l’actualité. Une explication, sans doute, au fait que plusieurs comédies, malgré un casting identifié, n’aient pas réussi à élargir leur spectre au-delà d’une cible âgée. 

Yann Ily souligne également la complémentarité de certains titres sortis simultanément, tels Super Mario Bros et D’Artagnan début avril. « On peut supposer que le premier a grappillé des spectateurs plus jeunes au second qui a, lui, gratté les plus âgés. Mais ces deux films n’auraient pas dominé le box-office pendant deux mois s’ils n’avaient pas capté un public complémentaire, qui les a plutôt avantagés que cannibalisés. » À noter que l’animation Nintendo/Universal/Illumination a représenté 1 entrée sur 4 chez les 3-14 ans sur le premier semestre. « Par principe, les enfants sont des spectateurs occasionnels. Donc une période avec une offre riche et attractive de films familiaux entraîne logiquement une forte hausse du volume d’entrées généré par ces publics », complète Sylvain Bethenod, en témoignent les bons résultats sur la durée de Spider-Man : Across the Spider-Verse, La Petite Sirène ou Élémentaire. Plus globalement, les données de Vertigo illustrent cette complémentarité de l’offre, avec des films français ciblant attirant davantage les plus de 25 ans, avec une proportion importante de spectatrices, tandis que la production américaine rassemble plutôt un public masculin de moins de 25 ans [voir graphique ci-dessous].

Source : Cinexpert by Vertigo

Quid des habitudes de fréquentation ?

Chez Vertigo, Yann Ily estime que « la chute de fréquentation de 2022 par rapport aux années pré-Covid s’expliquait, non pas tant par la perte de spectateurs, mais avant tout par une fréquence de fréquentation en baisse, qui reprend progressivement en 2023 ». « Globalement, ce qu’il manque au marché, ce n’est pas des spectateurs mais des entrées par spectateur », abonde Sylvain Bethenod. En moyenne sur la période 2016-2019, les habitués représentaient environ 70 millions d’entrées au premier semestre. En 2022, ils ne pesaient plus que 49 millions de tickets. Depuis janvier, cette cible concentre 60 millions de billets. La moitié du chemin a donc déjà été parcouru pour retrouver les niveaux pré-Covid. « L’augmentation des entrées passe avant tout par un haut niveau de fréquentation des spectateurs habitués. C’est la principale force du marché français par rapport à celui des autres pays européens. Attirer des spectateurs occasionnels sur des films populaires événements n’est pas suffisant. L’objectif ultime, qui semble aujourd’hui difficile à atteindre, serait donc que les spectateurs soient, dans un premier temps motivés par une envie de sortie cinéma, et que le choix du film intervienne dans un second temps ».

Focus sur la part des habitués (composé des assidus et des réguliers) dans la fréquentation du semestre pour les périodes 2016-2019, 2022 et 2023. Source : Cinexpert by Vertigo.

Ne pas sur solliciter le public

Dès lors, comment se profile ce deuxième semestre 2023 ? À court terme, Mission: Impossible – Dead Reckoning Part 1, Oppenheimer et Barbie se présentent « dans des registres différents mais complémentaires dans leur cible. Christopher Nolan a un public masculin plutôt âgé de plus de 25 ans, comme l’était celui de Tom Cruise avant de s’élargir grâce au succès de Top Gun : Maverick. Enfin, Barbie semble davantage puiser sa force et sa différence en ciblant un public plus féminin et plus large, mais à confirmer. Ainsi, la clé sera la capacité de ces films à toucher les jeunes », avance Yann Ily. L’institut Vertigo note en effet un manque d’offres – et notamment de films porteurs – à destination des 15-24 ans pendant l’été, malgré la sortie prochaine de titres horrifiques (La Maison du mal le 19/07, La Main et Le Manoir hanté le 26/07), de comédies (Les Déguns 2 le 26/07) ou de films d’action (Gran Turismo et Ninja Turtles teenage Years le 9/08). 

Mais si la période estivale peut paraître faible pour les jeunes, l’automne se présente avec davantage d’atouts. Une aubaine ? « Les 15-24 ans représentent en moyenne 625 000 entrées hebdomadaires. Sortir chaque semaine un blockbuster avec comme cœur de cible ce public, en le sollicitant régulièrement avec une offre importante, n’augmentera pas forcément les entrées », indique Sylvain Bethenod. L’analyste dresse le même constat plus globalement, d’autant plus que le rythme de fréquentation reste en baisse comparé à la période pré-Covid : « Il y a un risque de plafond de verre et d’arriver à un phénomène de saturation. » Pour le PDG de Vertigo, « le marché parviendra à retrouver le niveau d’entrées manquantes grâce à une offre de films complémentaires, éclectiques et, surtout, répartie au fil des semaines. C’est l’enjeu de ce deuxième semestre ». 

Déjà listée la semaine dernière, l’offre du dernier trimestre s’annonce aussi pléthorique qu’imprévisible. Pourrait-on se retrouver dans un cas de figure similaire au mois de juin, avec une programmation de titres porteurs ambitieuse pour un niveau d’entrées en-deçà des attentes ? Ou le marché va-t-il faire preuve d’un remarquable dynamisme, avec des spectateurs qui vont multiplier leur venue en salles ? Quid de la grève des acteurs et des scénaristes qui paralysent en ce moment Hollywood : faut-il s’attendre à des décalages de sorties de grosses productions américaines en 2024, afin de pallier un éventuel, mais probable, déficit de films ? Autant de questions, pour l’heure sans réponse, qui ne manqueront pas d’animer le marché sur les prochaines semaines.

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