Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 12 avril, les Cinéastes de L’ARP alertent sur le risque de perdre la souveraineté culturelle à l’heure où les plateformes étrangères se renforcent et où l’avenir français de Canal+ s’assombrit.
Dans cette crise sanitaire, économique et sociale qui touche le monde entier, « il semble plus que jamais nécessaire de penser notre avenir commun », écrit L’ARP. « En ces heures difficiles, chacun mesure à quel point les films et les séries apparaissent comme une échappée importante pour la bonne santé des esprits. Et il faut espérer que demain, l’appétit pour la salle de cinéma et son irremplaçable voyage collectif sera encore plus grand. »
Aujourd’hui, les Cinéastes observent deux phénomènes autour du cinéma : d’abord, le succès des plateformes de streaming, principalement américaines, qui profitent du confinement pour augmenter leurs recettes alors « qu’elles ne payent pas d’impôt en France et que l’État et les citoyens vont devoir s’endetter pour survivre à la crise ». Ensuite, les belles audiences des films de patrimoine sur les chaînes nationales gratuites, « preuve de la vivacité et de la nécessité de cette expression culturelle dans le cœur des spectateurs hexagonaux. […] Plus personne ne peut aujourd’hui douter de l’importance de ce joyau : il s’agira à l’avenir de consolider et rendre pérenne ses moyens. »
Canal+ et directive SMA
L’ARP ne cache pas sa crainte pour l’avenir du « troisième cinéma du monde », malgré les réponses apportées par le CNC et la demande des professionnels de créer un fonds exceptionnel d’urgence. La première crainte des Cinéastes concerne Canal+, qui envisage de libérer sa fréquence hertzienne « au même moment où le Chinois Tencent a préempté une partie du capital d’Universal Music – également filiale de Vivendi ». L’hypothèse d’une revente de la chaîne cryptée à un opérateur étranger apparaît plus que jamais d’actualité pour L’ARP. Les Cinéastes demandent au gouvernement d’édicter un décret « interdisant la revente de catalogues d’œuvres cinématographiques françaises à un opérateur non-européen ». « Peut-on en effet imaginer que des œuvres souvent cofinancées avec de l’argent public, appartenant au patrimoine national et à la mémoire collective, puissent tomber entre les mains de sociétés étrangères ? Le spectateur français serait alors à la merci du bon vouloir de cette entreprise étrangère, et de sa volonté de diffuser ou non ces films en France. »
En parallèle, L’ARP regrette que, « dans l’attente d’une loi audiovisuelle qui pourrait ne jamais voir le jour », les plateformes vont pouvoir « accentuer leurs avantages » : des situations fiscales toujours favorables et un manque total d’obligations envers les pays et les citoyens qui les enrichissent. Face à cela, les Cinéastes appellent le gouvernement à transposer en urgence la directive européenne SMA, « qui seule pourra nous permettre de faire contribuer les plateformes à la diversité culturelle, à la création indépendante dans les pays où elles proposent leurs services et tirent des ressources grâce à nos concitoyens ».
Pour L’ARP, « c’est à ce prix que l’on pourra éviter la perte de souveraineté culturelle. Ciment des inconscients collectifs, ferment des courages communs, la culture est fondamentale pour la démocratie, ainsi que pour la salubrité et l’ouverture des esprits. Et elle est indispensable aux nations pour exprimer leur histoire et leur sensibilité à la fois particulière et universelle. »
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