Le réseau indépendant de cinémas art et essai inaugure ce mois de décembre, dans la commune auboise limitrophe de Troyes, son septième établissement. Un projet écolo mené avec l’esprit farouchement jusqu’au-boutiste qui caractérise Utopia.
Cela fait quatre ans qu’Anne Faucon, fille de la cofondatrice historique du réseau, se dédie corps et âme à la création de ce complexe de 4 salles et 298 places. Il a trouvé sa place dans le premier éco-quartier d’une ville qui propose déjà son lot d’innovation verte, avec notamment un ramassage de déchets verts et l’arrosage des plantes réalisé avec l’aide de chevaux de trait.
Débuté en juillet 2021, le chantier a été confié en priorité à des entreprises et artisans locaux, sélectionnés pour leur sensibilité environnementale. Et, au-delà des matériaux dans l’ensemble biosourcés et issus de circuits courts (notamment pour le bois, mais aussi la paille qui isole les murs), ici, tout a été pensé et conçu pour une sobriété énergétique de long terme. Avec les panneaux photovoltaïques qui recouvrent l’intégralité de son toit, le bâtiment est autonome à 98 % en électricité, le surplus réinjecté dans le réseau compensant la consommation en soirée. D’autant plus que ses salles étant – dans la lignée de tous les Utopia – de petite taille, les projecteurs laser qui l’équipent sont peu gourmands en énergie électrique.
En matière de chauffage, la configuration du terrain a finalement empêché de suivre la piste de la géothermie, mais la responsable des lieux peut compter sur la performance bas-carbone de sa chaufferie biomasse, capable de contenir une réserve de 8 tonnes de granulés bois. Côté hall, on ne trouve ni bornes à tickets ni distributeurs de confiserie, mais un ancien comptoir à pharmacie, acquis – comme beaucoup d’autres mobiliers du cinéma – d’occasion en salle des ventes. Une tisanerie proposera boissons et petite restauration (salades, soupes, quiches) en “participation libre et nécessaire”, du moins le temps de trouver une nouvelle collaboration pour une gestion plus autonome de l’offre alimentaire du cinéma.
Enfin, « la grande vraie innovation et [la] grande fierté » d’Anne Faucon : les huit toilettes sèches qui équipent le cinéma (dont deux urinoirs féminins “Madame Pee” conçus par Nathalie Des Isnards) permettent optimisation énergétique et gestion raisonnée de l’eau. Et peu importent les perplexités que l’initiative a pu susciter. « Les salles art et essai ont toujours eu une logique écologique », note Anne Faucon en remontant aux origines du réseau, fondé sans grand capital mais avec « l’envie d’offrir le beau comme bien commun », dans une économie « de survie » où la moindre petite économie comptait, « comme de récupérer des enveloppes pour mettre les talons de tickets CNC. Alors, face à un coup de tonnerre comme le Covid ou la crise énergétique, les coûts de nos petites salles sont beaucoup plus plus maîtrisables que ceux des grandes salles vides, plus difficiles à chauffer, à refroidir… sans parler du coût énergétique de la 3D ! »
Utopia Pont-Sainte-Marie a été réalisé pour un budget de 2,6 M€, « qui a dû s’adapter à l’augmentation du coût des matériaux », avec 60 % de fonds privés (dont emprunts bancaires et campagne de financement participatif), 300 000 € du Feder (Fonds européen de développement régional), 200 000 € du Conseil départemental et 100 000 € du CNC. « Nos aménagements écologiques ne nous ont valu aucune majoration d’aide du côté du Centre. Nous avons même été un peu moqués, notamment sur les toilettes sèches, et pas toujours compris. Peut-être étions-nous trop précurseurs ? Notre cinéma de Pont-Sainte-Marie n’est pas un projet innovant, c’est un projet de bon sens. » Et avec lequel le réseau espère réaliser, à terme, 115 000 entrées annuelles.
Avec sa programmation “Utopia”, jamais avare de reprises et continuations, le nouveau cinéma vise, bien entendu, les trois labels art et essai (Jeune public, Recherche et Patrimoine). Autant dire qu’il ne naviguera pas dans les mêmes eaux que le CGR Troyes Ciné City de 14 salles, distant de 4 km. La première Gazette, indissociable de tout cinéma Utopia, est datée pour le 21 décembre. D’ici là, Anne Faucon organise des permanences et moments de convivialité pour faire découvrir le cinéma aux spectateurs, et proposera, avec ses trois collaborateurs, des projections tests avec du public à partir du 9 décembre.
Focus à retrouver en intégralité dans le magazine Boxoffice Pro… et dans l’Émission avec Anne Faucon du 30 novembre 2022 :
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