Occitanie Films : exploitants/cinéastes, le lien essentiel

Il étaient venus, ils étaient tous là !

Équipes de films et exploitants étaient réunis en ligne le 5 mars dernier, par la structure régionale chargée de la promotion du cinéma et de l’audiovisuel, en partenariat avec les réseaux de salles l’ACREAMP et l’ACCILR. 

Une belle occasion de dévoiler des images et de partager des anecdotes inédites, mais aussi l’attachement entre ceux qui fabriquent et ceux qui montrent les films : de nombreux responsables de salles et réalisateurs de films tournés en région avaient répondu à l’invitation de Karim Ghiyati, directeur d’Occitanie Films. À commencer par Filippo Meneghetti, qui a accusé le coup à la première fermeture des salles en mars 2020, alors que son film, sorti le 12 février (Dulac Distribution) « était encore bien vivant ». Pour autant, Deux aura continué de briller : sélectionné dans de nombreux festivals internationaux, il a été nommé aux Golden Globes et candidat aux Oscars. « J’ai la chance que mon film, malgré la pandémie, ait atteint un public plus large que je ne l’aurais jamais imaginé grâce aux possibilités numériques. Même si ce n’est pas la même expérience que de discuter avec un groupe d’étudiants après une projection, comme au Festival Ciné 32 à Auch », note le cinéaste. Et même s’il s’interroge sur la place que pourra avoir son film à la réouverture, « le plus important, c’est que les salles rouvrent ! » 

François Desagnat garde pour sa part un souvenir ému de l’unique projection grand public de Zaï Zaï Zaï Zaï, adapté de la BD de Fabcaro, au Cinémed de Montpellier en octobre, quelques jours à peine avant la refermeture des salles. Ce qui devait être le point de départ de la promo du film, dont la sortie était prévue pour le 24 avril 2021 par Apollo, se sera transformé en une longue attente. « Avec la réouverture qui tarde,  il va falloir laisser la place à tous ceux qui n’ont pas pu sortir avant nous. Du coup, histoire de patienter, nous continuons de travailler le film », positive le réalisateur, tout en se réjouissant aussi du récent label Festival Alpe d’Huez 2020. Tout comme le festival de comédie, Itinérance(s) à Alès n’a pas souhaité se replier sur un modèle digital « qui ne correspond pas du tout à l’ADN de notre festival », estime son délégué général Antoine Leclerc. La manifestation est actuellement décalée de fin mars à une date non déterminée en 2021, mais les équipes continuent de travailler sur la programmation, dont un large volet consacré à Fabcaro : « On se réorganise pour être actifs dès la reprise des salles, en espérant un temps fort sur la première semaine de juin. » 

Aurel estime pour sa part que son Josep a eu la chance de « passer entre les gouttes en cette année bousculée » en réalisant plus de 170 000 entrées depuis sa sortie le 30 septembre (Dulac Distribution). Et après le  prix du meilleur film d’animation européen et deux Lumière du cinéma, le film a commencé sa seconde vie via les festivals en ligne et les plateformes, mais aussi une carrière en Espagne depuis le 4 décembre dernier, « certes avec des jauges réduites, mais en salles ! » Malgré l’embouteillage annoncé, le cinéaste-dessinateur souhaite toujours accompagner Josep à la réouverture, « notamment dans certains lieux spécifiques du sud de la France où il y a une forte attente du public ». Et Isabelle Moreau, exploitante du Travelling de Agde, qui a accueilli Jean-Louis Milesi, scénariste du film, est là pour en attester : « Josep a été un moment très très fort, pendant la période compliquée d’octobre dernier. Il a suscité un réel engouement à Agde, où se trouvait un camp de réfugiés espagnols. C’est un film rare que nous avons envie de soutenir en tant que cinéma art et essai. » 

Autre film d’animation adulte, La Traversée de Florence Miailhe doit encore patienter et reste « en couveuse » dans l’attente du meilleur moment pour sa sortie sous bannière Gébéka. « Nous avons décidé de ne pas le montrer dans un festival en ligne. C’est un premier long métrage que j’attends avec impatience d’accompagner, comme je l’ai fait pour tous les courts. Pour ce film en peinture animée , particulièrement long à financer et à réaliser, conçu dans des univers fermés, la rencontre avec le public est d’autant plus importante », estime Florence Miailhe, soutenue par Jean-Pierre Bellay de Cinémaginaire et Denys Clabaut de Véo Castelnaudary. 

Pour son premier passage au long, la jeune Emma Benestan va devoir faire preuve de la même patience. Fragile, présenté comme un « Dirty Dancing sétois », a été tourné pendant l’été 2020. « Malgré le contexte Covid assez particulier, j’espère avoir réussi à y mettre le plus de bonheur, de légèreté et de soleil. » En post-production jusqu’à fin avril, le film sera distribué par Haut et Court. Autre premier film tourné cet été à Sète, Mes frères et moi est pour sa part actuellement en mixage. « Nous avons tourné avec le sentiment de faire un hold-up », se remémore le jeune réalisateur Yohan Manca tandis que sa comédienne Judith Chemla garde un souvenir ému du tournage dans cette « petite Venise des banlieues » et sur la scène de l’opéra de Montpellier. Malgré « l’incertitude totale » quant à la date de sortie de son film (distribué par Ad Vitam), le réalisateur est formel : « J’ai fait ce film en pellicule, pour la salle. Nous allons attendre. » 

Mathieu Amalric aussi attend fébrilement que Serre moi fort, adapté de “Je reviens de loin” de Claudine Galéa et tourné dans les Pyrénées, atteigne les grands écrans. « Le film est là, fini depuis longtemps et c’est insupportable. » Alors, pour vérifier que « le cœur bat encore un petit peu », le comédien-réalisateur continue à retoucher son film… « au grand damn des productrices ! Mais c’est notre manière de continuer à le faire vivre. », insiste Mathieu Amalric en révélant que la Gaumont a daté le film au 8 septembre prochain. Pourtant, l’inquiétude est là, et verbalisée : « En temps “normal”, les films avaient déjà si peu de temps pour arriver à vivre… Comment les exploitants vont-ils faire avec l’embouteillage à la réouverture ? » Pour autant,« on se sent protégés avec des cinémas comme le Régent à Saint-Gaudens », où Serre moi fort a eu droit à sa première projection début octobre 2020. Et les exploitants de Saint-Gaudens, Charles et Thomas Mascagni, assurent de leur côté  les « amis réalisateurs » que les salles défendront toujours les films à la réouverture, « avec d’autant plus de conviction que l’on sait qu’il y a une forte attente, et des spectateurs et du métier. » 

« Ça me fait un bien fou de vous entendre ! »,  concluait  le comédien Frédéric Pierrot, comme si son rôle de psy dans En thérapie avait renforcé sa capacité d’écoute. « Nous avons besoin de parler et d’entendre. Nous ne sommes pas gouvernés par la peur. » 

Il étaient venus, ils étaient tous là !

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