Le sénateur Karoutchi veut baisser le financement public du cinéma

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Dans son rapport titré “Itinéraire d’un art gâté : le financement public du cinéma”, présenté hier à la commission des finances, le Sénateur LR des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi préconise de réviser tous les mécanismes de soutien et de créer « un appel d’air pour les investisseurs privés ».

En analysant tous les soutiens publics au cinéma en 2021, le rapporteur spécial de la mission « Médias, livres et industries culturelles » du Sénat pointe un montant en faveur de la filière de 747 millions d’euros, hors mesures d’urgence et Plan de relance. Et en comptant tous les dispositifs budgétaires et fiscaux, l’intervention publique aurait représenté près de 1,7 milliard d’euros d’aides sur l‘année 2021. Tout en saluant l’action des pouvoirs publics, «  indispensable en vue de permettre au secteur de rebondir » pendant la crise sanitaire et face à la concurrence des plateformes, le sénateur Karoutchi souligne que cette abondance de moyens contraste avec une fréquentation en salles qui peine à retrouver son niveau d’avant-crise. « Aucune leçon ne semble avoir été tirée de celle-ci avec le maintien d’une offre importante (287 films agréés par le CNC en 2022) alors même qu’un tassement des recettes par film était déjà observable (1,2 million d’euros en 2019 contre 1,7 million  en 2012) ».
Dans ce contexte – qui ne tient pas compte de la reprise observée depuis le début de cette année…  –   le rapporteur spécial préconise de réviser tous les mécanismes de soutien, pour notamment réorienter les aides vers le soutien à la formation, ou encore l’appui au secteur de la distribution. Et ce dans l’idée de « contribuer à l’amélioration de la qualité des œuvres produites, de développer leur potentiel commercial et responsabiliser un peu plus les producteurs ». Le rapport recommande aussi de lancer « un véritable fonds public d’investissement », afin de créer « un appel d’air pour les investisseurs privés » et ainsi « décharger progressivement l’État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires ».

À noter aussi que sur les quatre taxes affectées au CNC, le Sénateur réitère son souhait d’en transférer la collecte à la direction générale des finances publiques. Pour lui, la gestion par le CNC « révèle un peu plus le rôle singulier de cette structure au sein de l’appareil d’État. Chargé de la définition, de l’établissement de la taxe, de son recouvrement et de la réaffectation de son produit, le Centre fait figure d’État dans l’État, la tutelle du ministère de la culture apparaît toute relative, quand la coopération avec le ministère des finances s’agissant de la législation fiscale peut sembler à sens unique »Sur la TSA (taxe sur les entrées en salles) en particulier, Roger Karoutchi note « l’extrême dépendance aux sorties américaines », qui génèrent une large partie de la fréquentation. Par ailleurs, il pointe que l’offre croissante de films en général « dépasse la capacité d’absorption des salles et conduit à une baisse tendantielle des recettes par films ».

Les sept recommandations du rapporteur spécial

Recommandation n° 1 (Centre national du cinéma et de l’image animée) : Procéder à une évaluation précise de l’utilisation des crédits dédiés à la filière dans le cadre du plan de relance, afin de mesurer notamment leur impact sur la modernisation des outils de production et sur les conditions d’accueil dans les salles.

Recommandation n° 2 (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) : Transférer le recouvrement de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D) à la direction générale des finances publiques aux fins de diminution des coûts de gestion du Centre national du cinéma et de l’image animée et d’harmonisation avec les autres impositions existantes.

Recommandation n° 3 (Centre national du cinéma et de l’image animée) : Réorienter une partie des aides à la production vers le soutien à la formation, l’appui au secteur de la distribution et le renforcement de la capacité de prêt de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) afin de contribuer à l’amélioration de la qualité des œuvres produites, de développer leur potentiel commercial et responsabiliser un peu plus les producteurs en passant d’une logique de subvention à une offre de prêts remboursables et de garanties de prêts.

Recommandation n° 4 (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, Bpifrance et Centre national du cinéma et de l’image animée) : Créer, à moyens administratifs constants, un véritable fonds public d’investissement, géré conjointement par l’Ifcic et Bpifrance, abondé par le CNC, après réorientation de ses soutiens et dédié à accompagner la modernisation et la professionnalisation de la filière, en créant les conditions d’un appel d’air pour les investisseurs privés et en permettant à terme de décharger progressivement l’État du financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires.

Recommandation n° 5 (Centre national du cinéma et de l’image animée) : Réviser les mécanismes de soutien (formation, industries techniques notamment) allant dans le même sens que le huitième objectif du plan France 2030, afin d’optimiser les financements publics dédiés en s’appuyant pleinement sur l’effet de levier induit par le plan et éviter l’effet de doublon et de multiplication des guichets.

Recommandation n° 6 (Centre national du cinéma et de l’image animée, direction générale des finances publiques) : Réviser le crédit d’impôt pour dépenses de production cinématographique et le crédit d’impôt pour dépenses de production de films et œuvres audiovisuelles étrangers, en introduisant une modulation des taux en fonction des budgets de production et en réévaluant les plafonds de dépenses éligibles, afin d’éviter le risque d’effet d’aubaine pour des productions disposant par ailleurs d’importants soutiens budgétaires et de conditions de tournage appelées à s’améliorer dans le cadre du plan France 2030 tout en réduisant l’impact de ces dispositifs sur les finances publiques.

Recommandation n° 7 (Direction générale des finances publiques, Centre national du cinéma et de l’image animée) : Proroger de trois ans le régime fiscal applicable aux sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, en ramenant le taux majoré à 36 % et en révisant à la baisse le plafond de l’avantage fiscal, afin de réduire le coût du dispositif pour les finances publiques tout en maintenant son caractère attractif en faveur de l’investissement privé dans le cinéma français.

La synthèse du rapport d’information

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