Après un temps de concertation et de simulations prolongé, la réforme art et essai dévoilée lors des Rencontres art et essai de Cannes a été adoptée le jeudi 27 juin par le conseil d’administration du CNC.
[Mise à jour du 27/06/24]
Comme annoncé à Cannes, la réforme vise donc « à mieux récompenser les exploitants qui donnent leurs chances à des films art et essai plus fragiles, mieux valoriser les actions d’animation pour accompagner les films art et essai (notamment pour le public jeune des 15-25 ans), le tout en renforçant le budget du CNC consacré à l’Art et essai (+ 1M€) », qui passe donc à 19 M€.
Depuis les Rencontres de mai, il restait toutefois à finaliser les critères de pondération et des films, sachant que jusqu’à présent, tous les films recommandés art et essai étaient comptabilisés de façon égale dans le calcul des aides. Le CNC a donc éclairci ce point en précisant que, dans les cinémas classés :
- Les séances consacrées aux films art et essai ayant eu un large succès (comptabilisant plus de 750 000 entrées depuis leur sortie nationale) compteront désormais pour moitié,
- Les séances consacrées aux films les plus fragiles (c’est-à-dire les films sortis dans moins de 80 cinémas lors de leur sortie nationale et labellisés Recherche et découverte) compteront double.
Le CNC confirme aussi que cette réforme sera déployée sur deux ans : pour le classement 2025, seront appliquées l’ensemble des mesures sauf celle concernant la pondération des séances au regard du succès des films, et la totalité des mesures seront appliquées pour l’attribution du classement 2026.
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[Article initial du 15/05/24]
« Éviter les effets de seuils, mieux récompenser la prise de risque, réduire la part automatique du soutien en donnant, entre autres, plus de poids aux commissions art et essai et simplifier le fonctionnement des labels et bonus. » C’est ainsi que Lionel Bertinet a résumé les grandes lignes directrices de la réforme, qu’il présentait le 15 mai à la presse spécialisée, au lendemain de son échange avec les adhérents de l’Afcae.
Après le rapport Lasserre et au terme de nombreux échanges et concertations avec la profession, ainsi que d’un bilan de la précédente réforme de 2016, le CNC a opté pour une plus grande sélectivité dans l’attribution des subventions art et essai.
Deux nouveaux labels
S’il n’y a pas de changement sur les seuils d’accès à la part automatique de l’aide, les montants d’aide seront plus progressifs, car suivant des courbes de tendance plutôt que des paliers. La diffusion de films fragiles et de courts métrages ne donnera plus lieu à une prime, tandis qu’aux côtés des historiques labels (Jeune Public, Patrimoine/Répertoire et Recherche et Découverte), apparaissent les labels court métrage et 15-25 ans. Ces 5 labels ne feront pas, ou plus, l’objet d’une valorisation financière automatique, mais sélective, renforcée par une notation désormais établie sur 17 critères.
Éventail sélectif
Le nombre de critères soumis à l’évaluation des commissions passe donc de 11 à 17. Les 6 critères supplémentaires qui reflètent les nouvelles priorités sont :
- les actions mises en place à destination du public empêché
- les actions mises en place à destination du public jeune (15-25 ans)
- la politique de diffusion des documentaires
- l’animation d’un ciné-club
- l’usage du marketing digital
- les résultats de l’établissement en termes de fréquentation des films art et essai. Un dernier critère qui « répare », selon le directeur du Cinéma, l’absence jusqu’à présent d’une quelconque référence dans l’évaluation des salles des résultats qu’elles obtiennent : « Il est important que, le cas échéant, les commissions puissent disposer de ce critère pour moduler leur avis. »
L’ensemble des critères, anciens comme nouveaux, ne sont pas à considérer comme « un barème à notes, mais une batterie d’éléments pour guider les commissions dans leur appréciation des dossiers », a précisé Lionel Bertinet. Réduit à 5 par la précédente réforme de 2016, le nombre de commissions régionales art et essai devrait en outre passer à 7 ou 8.
Pondération des films
Enfin, le pan de la réforme qui a probablement suscité le plus de débats et concertations n’est pas totalement achevé. Sans remettre en cause les principes de recommandation des films, leur évaluation suivra la voie d’une sur-pondération appliquée aux films Recherche et Découverte sortis dans moins de 80 établissements – ce qui rejoint le critère de l’actuelle prime aux films fragiles. Concernant la sous-pondération, alors que le rapport Lasserre proposait de l’indexer sur le nombre de copies en première semaine, le CNC a retenu le critère de la fréquentation. « La taille du plan de sortie appartient au distributeur », a relevé le directeur du Cinéma, tout en pointant la « récompense naturelle » que représente le succès d’un film, et l’illogisme de la doubler d’une subvention accrue.
Dans l’attente des dernières simulations, les coefficients de majoration et minoration ne sont pas encore déterminés. Idem pour le niveau de fréquentation qui déclencherait la sous-pondération des séances d’un titre art et essai. « Le plus probable est que ce plafond ne soit pas fixe, mais inscrit dans une logique dynamique. » Pourraient ainsi être sous-pondérées les séances consacrées aux 10 titres classés qui auront eu le plus d’entrées dans l’année. Le CNC ambitionne de finaliser et faire approuver la réforme lors de son conseil d’administration de fin juin, pour un début d’application partielle sur le classement 2025. Sa mise en œuvre complète, pondération des films incluse, est prévue pour le classement 2026. « Nous ne voulons pas jouer aux apprentis sorciers, a conclu Lionel Bertinet. C’est pour cela que nous ne trancherons qu’après une phase de simulation chiffrée. »
[Article paru dans le magazine 18 mai]
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