Après sa présentation par le CNC lors des Rencontres art et essai de Cannes , la réforme du classement art et essai est entrée dans sa dernière ligne droite, entre simulations et ajustements. Aux premières lignes des concertations depuis le début des travaux de la réforme, l’Afcae et le Scare abordent sa phase de finalisation avec de nombreux sujets de satisfaction, et quelques points de vigilance.
« La proposition du CNC retient la quasi totalité des points portés par l’Afcae », se félicite son président Guillaume Bachy, en citant, entre autres, le caractère plus sélectif du classement, la meilleure prise en compte des territoires et de leurs spécificités, et la création d’un label 15-25 ans qui conforte tout le travail mené dans ce sens par l’association, à commencer par celui de son comité 15-25. Christine Beauchemin-Flot, au nom du Scare, se réjouit aussi « d’une sélectivité réaffirmée, renforçant les fondements, les valeurs et la philosophie de l’art et essai ». À ce titre, les six critères d’appréciation supplémentaires (actions à destination des publics empêchés, du public jeune, politique de diffusion de documentaire, de court-métrage….) permettront, selon la coprésidente du Syndicat des cinémas art et essai, « d’objectiver le travail et l’engagement des salles – à la place des minorations et majorations peu usitées ». Son acolyte Stéphane Libs salue la réhabilitation de notions « un peu oubliées », comme le contexte social (quartiers, ruralité) et le travail en réseau entre exploitants. Quant à la notation sur 20, loin d’être « scolaire », elle simplifiera l’évaluation, « tout en appliquant une expertise plus précise ». D’autant plus que, comme le rappelle Guillaume Bachy, la fin des effets de palier permettra de voir directement les effets de la note sur la subvention art et essai.
En outre, « ce n’est pas parce qu’un cinéma ne remplira pas tous les critères qu’il sera pénalisé », précise le président de l’Afcae, de manière à rassurer ceux qui s’inquiètent de l’augmentation du nombre de critères d’évaluation. « Les nouveaux critères ont été mis en place pour diversifier et mieux objectiver le travail d’animation, et non pas pour pénaliser les salles qui, par exemple, sont implantées dans un territoire où il n’y a pas de 15-25 ans ! » Par ailleurs, le critère des résultats atteints par l’établissement en termes de fréquentation des films art et essai est un « outil pour recadrer les salles – très minoritaires – qui se contentent uniquement de remplir les quotas de séances art et essai ».
La plus grande finesse d’évaluation de la réforme se traduit aussi, bien entendu, par l’augmentation du nombre de commissions régionales. Soit a priori trois commissions de plus que les cinq existantes, qui permettront de « découper les grandes régions, et d’être plus proches des salles et de leur contexte d’implantation ». Partageant l’enthousiasme de Guillaume Bachy, Stéphane Libs remarque, au passage, que le « barème plus arithmétique et sorti du passionnel » du nouveau système de notation permettra d’homogénéiser les commissions, et de diminuer les écarts d’appréciations « qui se creusaient de plus en plus entre les régions ».
Parmi les chantiers les plus “mobiles” de la réforme, la surpondération des films Recherche et Découverte, particulièrement défendue par le Scare, « réaffirmera, selon Christine Beauchemin-Flot, la véritable prise de risque des salles en programmation – et d’une certaine façon une solidarité avec les distributeurs indépendants sur les films de la diversité ». Le critère supplémentaire d’une sortie sur moins de 80 copies « redonne sa place à la notion d’intention dans la programmation art et essai, quelque peu mise à mal par la recommandation a priori », ajoute Stéphane Libs ; et ceci d’autant plus dans « un contexte où la diversité a de plus en plus de mal à atteindre les villes de catégorie D et E ». De son côté, le président de l’Afcae regrette toutefois que ce curseur de surpondération se base aussi sur le plan de diffusion : « L’ouvrir à la totalité des films Recherche et Découverte – sachant qu’il y a seulement une petite dizaine de films RD sortant sur plus de 80 copies – permettrait de soutenir l’ensemble des films qui restent fragiles, d’éviter tout effet de bord sur les stratégies de diffusion des distributeurs, et d’avoir un discours politique plus lisible auprès des élus du territoire. »
Toujours selon Guillaume Bachy, la sous-pondération des films art et essai en fonction de leurs résultats au box-office paraît être « l’indicateur le plus juste ». Reste que « faire de l’art et essai en catégorie A et B n’est pas la même chose que pour les catégories D et E ». Pour être « plus équitable », le seuil dynamique en fonction des années de référence, ainsi que les coefficients de sous-pondération, pourraient donc aussi « être adaptés en fonction des territoires ». Le Scare aussi attend encore des éclaircissements concernant l’identification des films sujets à sous-pondération, « point essentiel de cette réforme ».
Enfin, le président de l’Afcae comme les coprésidents du Scare saluent l’augmentation de l’enveloppe art et essai à 19 M€ et remercient le CNC. « Un signal très positif qui montre l’intérêt du Centre pour le classement et son importance », estime Guillaume Bachy, et « qui donne de l’ambition à la réforme », conclut Stéphane Libs.
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