Bodega ressort dès le 22 juin le film du Polonais Jan Komasa, avec passion et ambition. L’occasion d’évoquer avec Laurence Moulin, directrice de la distribution, et Cécile Tignon, responsable des ventes, les enjeux autour du film et de la société pour les semaines à venir.
C’est l’histoire d’une aventure qui, comme beaucoup d’autres, s’est arrêtée brutalement un soir de mars avec la fermeture des cinémas. L’histoire d’une œuvre qui a conquis son pays d’origine, la Pologne, avec 1,8 million d’entrées, allant même jusqu’à séduire Hollywood en tant que candidat à l’Oscar du meilleur film international en février dernier. Cette histoire, c’est celle de La Communion, troisième film du cinéaste Jan Komasa, mais premier à bénéficier d’une sortie française. Celle d’un film acquis en mai 2019 sans qu’il n’ait été sélectionné dans aucun festival international, rendant le travail d’autant plus haletant. C’est donc celle d’une montée en puissance, après six mois de préparation de sa société de distribution Bodega, avant de s’arrêter net, 55 000 entrées au compteur et près de 500 salles programmées. « La semaine de la sortie a été celle de toutes les émotions : la joie liée au bon démarrage a ensuite laissé place au frisson de voir les chiffres chuter avec l’inquiétude de la crise sanitaire. Le film a été coupé dans son élan », témoigne Cécile Tignon.
La semaine du 22 juin présente « une autre difficulté, mais plus conforme à nos habitudes de distributeur ». Car La Communion retrouvera le chemin de la salle. « Nous avons refusé une sortie en VOD par fidélité et soutien aux exploitants, et parce qu’à ce jour, ce format ne pourra jamais remplacer la salle pour ce type de film, explique Laurence Moulin. Les exploitants s’étaient bien emparés du film, nous avions reçu un énorme soutien. » Pour Cécile Tignon, « la dynamique s’est arrêtée mais nous allons la reprendre avec les salles, qui sont au cœur de la prescription auprès du public. Nous avons confiance en elles ». Retrouver une programmation dans 500 cinémas ne se fera pas en une semaine, mais le film va tout de même bénéficier d’un dispositif : des messages sur France Inter grâce au soutien de Françoise Boné, conseillère artistique, de la presse pilotée par l’agence de Viviana Andréani, un nouveau travail sur les réseaux sociaux et une affiche actualisée. Rappelons que La Communion avait notamment reçu le soutien de l’AFCAE, le label UGC Découverte ainsi que le coup de cœur du public avec une note de 8,5/10. « Nous avions construit un squelette et il va falloir tout reprendre. » Cette ressortie s’accompagne forcément de quelques inquiétudes. « Le 4 mars, nous étions le premier film art et essai, tandis que le 22 juin, le contexte sera plus concurrentiel », indique Laurence Moulin. Plus de vingt titres sortiront à la réouverture, un niveau similaire à l’avant-crise. « Avec surtout deux inconnues : est-ce que le public sera au rendez-vous ? Et considérera-t-il le film comme une opportunité à rattraper ou sera-t-il déjà aux oubliettes ? » Sur la notion de temporalité, « les films du 4 mars auront plus souffert que ceux du 11 mars, qui sont plus frais » dans l’imaginaire des salles et du public. « Il faut se battre pour une pluralité qui ne peut exister que par la diversité. »
Car pour Bodega, l’enjeu est de taille. La Communion avait un potentiel de 100 000 entrées, voire plus et « pour une société comme la nôtre, il faut au moins un titre qui atteigne ce seuil chaque année », explique Laurence Moulin. « Ce film nous permettait, après un exercice 2019 compliqué, de nous repositionner dans l’esprit de la profession comme étant en capacité de prendre des risques et de faire un travail aboutissant à une sortie dans 500 salles. » D’autant que la crise n’est pas sans séquelles économiques pour Bodega comme pour l’ensemble de la profession, malgré les mesures du CNC.
Si La Communion espère que son aventure n’a subi qu’un coup d’arrêt avant de repartir, Les Somnambules, La Troisième Femme, Crescendo, Sans signes particuliers ou encore Los Lobos devraient sortir d’ici la fin de l’année. « Nous allons les dater prochainement mais suivons avec attention l’évolution de la situation, indique Laurence Moulin. Nous avons des films forts destinés à un public cinéphile, mais reste à savoir ce que les spectateurs auront envie d’aller voir dans les prochains mois. » Défricheuse de talents, Bodega a toujours été guidée par l’envie de faire découvrir de nouveaux réalisateurs. Mais la société fondée en 2002 nourrit aussi d’autres ambitions, notamment en matière de cinéma français tout en souhaitant « prendre plus de risques en se positionnant sur des titres plus importants ». Conserver un rythme de cinq à sept sorties annuelles, atteindre une régularité avec des œuvres au potentiel supérieur à 100 000 entrées : malgré la crise, Bodega entend rester résolument « optimiste et vivante ».
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