La nouvelle étude CNC consacrée à la place des femmes dans l’industrie cinématographique a été dévoilée dans le cadre des troisièmes Assises pour la parité, l’égalité et la diversité organisées par le collectif 50/50, clôturées hier. Et elle pose des chiffres implacables sur la persistance du déséquilibre homme/femme dans la filière.
« Je crois à l’influence immense des images, et d’autant plus quand nous n’en avons pas forcément conscience. Ne pas mettre en image nos diversités, c’est rajouter au malheur du monde. » C’est par ces paroles qu’Agnès Jaoui a terminé son discours puissant prononcé dans le cadre des Assises organisées en ligne cette année. Au-delà des mots, où en sont les chiffres et les femmes du cinéma français ?
De plus en plus de femmes derrière la caméra
Nous pouvons certes nous féliciter des avancées : avec 78 films réalisés ou coréalisés par des femmes, l’année 2019 a affiché une hausse de 50 % de la production au féminin par rapport à 2010 (+26 films). Dans la catégorie « premier film », la part de réalisatrices passe à 40 %. Mais reste qu’au global, moins de 26 % des films français sont signés par des femmes, avec des budgets de production inférieurs de 40 % en moyenne comparés avec ceux dont disposent les réalisateurs (en 2019, le devis moyen de films réalisés par les femmes était de 2,56 M€). Dans son discours inaugural des Assises, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a par ailleurs souligné qu’un tiers des films français produits cette année avait bénéficié du « bonus parité » de 15 % de soutien supplémentaire mis en place par le CNC depuis l’année dernière.
Le documentaire, champion de la parité
C’est dans le genre documentaire que l’on retrouve le plus de cinéastes femmes (45 % de réalisatrices), alors qu’elles ne signent que 22 % des films de fiction. Enfin, si le faible nombre de films français d’animation empêche d’établir des statistiques pertinentes en matière de parité, il est à noter que sur la décennie, seuls deux films ont été strictement réalisés par des femmes (Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec sorti en septembre 2019 et La Traversée de Florence Miailhe, pas encore daté).
Une performance moindre…
De 2010 à 2019, les films réalisés ou coréalisés par les femmes cumulent 80,8 millions d’entrées, soit 12 % de la fréquentation totale. Sur la même période, seules 6 réalisatrices ont attiré plus d’un million de spectateurs (contre 151 réalisateurs). La cinéaste qui affiche pour l’heure le plus d’entrées sur un film est Maïwenn avec Polisse (2,4 M d’entrées), suivie de Charlotte de Turckheim avec Mince alors ! et Audrey Dana avec Sous les jupes des filles qui cumulent 1,4 M chacune.
… faute à un bridage des moyens ?
Entre 2009 et 2018, quel que soit le poste de dépense (frais techniques, achats d’espaces, frais divers de promotion), les films réalisés par les femmes bénéficient d’investissements de distribution inférieurs de 30 %, l’écart se marquant encore davantage pour les dépenses en matériel publicitaire (-39 %). Si cette disparité peut s’expliquer par celle des budgets de production [voir plus haut], elle se répercute aussi sur les combinaisons de sortie. Ainsi, sur les 10 dernières années, les œuvres des réalisatrices étaient projetées dans 32 % de cinémas de moins que le reste de la production (en moyenne 124 établissements en première semaine pour les femmes contre 180 pour les hommes).
Et si les femmes étaient dans… les salles ?
Certes, pris dans son ensemble, la filière de la production cinématographique française n’a pas à rougir de ses performances paritaires, le CNC comptabilisant qu’en 2018 les femmes représentaient 45 % des effectifs*. Mais dans ce contexte, en attendant d’avoir les premiers retours sur les actions entreprises en la matière par la commission sociale de la FNCF, la filière de l’exploitation reste la seule à être composée de plus de femmes (52 %) que d’hommes. Sachant, comme l’avait relevé la commission en 2019, que les métiers y restent encore très genrés (67 % des postes de direction et 84 % des postes techniques sont occupés par des hommes) et les inégalités persistent dans la rémunération**.
*Particulièrement présentes dans les métier de scripte (94,3 %), de costumière/habilleuse (88,4 %), coiffeuse/maquilleuse (74,5 %), mais aussi dans ceux de la comptabilité, du juridique et de la communication (70,9 %), elles deviennent cependant particulièrement rares dans les métiers de mixeuse (8,4 %), d’électricienne/éclairagiste (6,5 %) et de machiniste (5 %).
**Chiffres de septembre 2019.
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