Le 78e Festival de Cannes se clôt avec la remise des prix de la Compétition par le jury présidé par Juliette Binoche, les plus prestigieux revenant à deux films Memento. Un simple accident de Jafar Panahi repart avec la Palme d’or, tandis que Valeur sentimentale de Joachim Trier est distingué du Grand Prix du Jury.
Parce que l’art est « une force qui permet de transformer les ténèbres en pardon, en espérance, en vie nouvelle », le jury, par la voix de sa présidente Juliette Binoche, a distingué Un simple accident parmi les 22 films en compétition cette année. La réalisation de Jafar Panahi succède ainsi à Anora de Sean Baker. Un an après le Prix spécial décerné à l’Iranien Mohammad Rasoulof pour Les Graines du figuier sauvage, il s’agit de la seconde Palme d’or de l’histoire du Festival attribuée à un film iranien – le premier remontant à 1997, soit Le Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami. Le cinéaste reçoit de son côté sa cinquième récompense cannoise, 30 ans après la Caméra d’or remise à Le Ballon Blanc, un Prix du jury Un Certain Regard pour Sang et Or en 2003, un Carrosse d’or pour l’ensemble de son œuvre attribué par la SRF en 2011 et un Prix du scénario pour Trois visages en 2018. Pour son distributeur, Memento, cette troisième collaboration avec Jafar Panahi – après l’Ours d’or Taxi Téhéran (2014) et Trois visages – marque sa seconde Palme après Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan en 2014. Pour l’heure, peu de détails ont été révélés sur ce mystérieux accident, daté au 1er octobre 2025.

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Doublé gagnant pour Memento, qui voit un autre de ses films repartir avec le Grand Prix du jury : Sentimental Value. Ce troisième long métrage en compétition officielle pour le Norvégien Joachim Trier, après Back Home et Julie (en 12 chapitres) qui avait valu le Prix d’interprétation féminine à Renate Reinsve en 2021, aborde à la fois « le monde du cinéma, mais reste avant tout un grand film sur la famille », selon son distributeur. Deux sœurs voient leur père, réalisateur renommé, débarquer après plusieurs années d’absence pour proposer un rôle dans son prochain film. Face au refus de Nora, comédienne de théâtre, il se tourne vers une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux. Fixé au 20 août, ce drame devient le premier film norvégien à décrocher une telle récompense au Festival de Cannes.
Deux prix pour L’Agent secret
Pour la remise du Prix de la mise en scène, Claude Lelouch a succédé à Wim Wenders. « Le metteur en scène est au cinéma ce que la rampe est à l’escalier », a-t-il introduit, et celui-ci n’est autre que le Brésilien Kleber Mendonça Filho, récompensé pour L’Agent secret. Dans ce drame policier situé en 1977, un homme au passé trouble rejoint son jeune fils à Recife dans l’espoir d’y construire une nouvelle vie. Son interprète Wagner Moura, a pour sa part reçu le Prix d’interprétation masculine des mains de Rossy de Palma. Avec cette double récompense, L’Agent secret, prévu au 14 janvier chez Ad Vitam, s’inscrit dans les pas d’Emilia Perez en 2024.
Le Prix du jury, remis des mains de l’actrice et chanteuse américaine Da’Vine Joy Randolph, récompense cette année deux films. Le premier, salué ce matin par une mention spéciale du jury des cinémas art et essai, est Sirāt d’Oliver Laxe (Pyramide, 03/09/2025). Il conte la quête d’un père et son fils au cœur d’une rave party perdue dans les montagnes du sud du Maroc pour retrouver leur fille et sœur disparue lors de l’une de ces fêtes sans fin. Le second récipiendaire est Sound of Falling de Mascha Schilinski (Diaphana), sur le destin de quatre jeunes filles de quatre décennies différentes, dans une ferme au Nord de l’Allemagne.
À « film exceptionnel », Prix spécial, et c’est le film policier de SF Resurrection du Chinois Bi Gan qui l’emporte. Dans un monde où les humains ne savent plus rêver, un être pas comme les autres perd pied et n’arrive plus à distinguer l’illusion de la réalité. Seule une femme voit clair en lui et parvient à pénétrer ses rêves, en quête de la vérité… Non daté à ce jour, le film sera distribué par Les Films du Losange.
Après avoir fait voir « La Vie en rose » au public, l’acteur John C. Reilly a transmis à Jean-Pierre et Luc Dardenne le Prix du scénario, pour Jeunes Mères. Cette récompense rejoint la longue liste de prix cannois reçus par les cinéastes – Palme d’or en 1999 pour Rosetta, puis en 2005 pour L’Enfant, prix d’interprétation masculine d’Olivier Gourmet dans Le Fils en 2002, prix du scénario en 2008 pour Le Silence de Lorna, Grand Prix en 2011 pour Le Gamin au vélo, Prix de la mise en scène en 2019 avec Le Jeune Ahmed, Prix du 75e Festival de Cannes (2022) pour Tori et Lokita… – dont les plus récents étaient accompagnés par Diaphana. Également récipiendaire du prix Écoprod, le long métrage suit cinq jeunes mères hébergées dans une maison maternelle, à la recherche d’une vie meilleure pour elles et leur enfant, est sorti ce vendredi 23 mai, sous pavillon Diaphana.
Le Prix d’interprétation féminine a été transmis par Daniel Auteuil à Nadia Melliti pour son rôle dans le film de Hafsia Herzi La Petite Dernière. Le parcours d’une jeune femme originaire de banlieue et issue d’une famille marocaine, qui intègre une fac de philosophie à Paris et découvre un tout nouveau monde, et des désirs insoupçonnés. Également lauréat de la Queer Palm, ce troisième long métrage de l’actrice-réalisatrice Hafsia Herzi est positionné au 1er octobre, chez Ad Vitam. Le distributeur devient par ailleurs celui ayant récolté le plus de prix au Festival, toutes sections confondues (trois pour L’Agent secret, un pour La Petite Dernière et un autre, dans la section Un Certain Regard pour Urchin, remis à l’acteur Frank Dillane).
Premier film iraquien sélectionné à Cannes, Prix du public à la Quinzaine des Cinéastes, The President’s Cake de Hasan Adi, a reçu la Caméra d’or des mains de la présidente du jury Alice Rohrwacher. Une petite fille de 9 ans se voit confier la lourde tâche de confectionner un gâteau pour célébrer l’anniversaire de Saddam Hussein. Sa quête d’ingrédients, accompagnée de son ami Saeed, bouleverse son quotidien. Encore non daté, il est distribué par Tandem.
Le jury a par ailleurs attribué une mention spéciale à My Father’s Shadow du Nigérian Akinola Davies Jr., issu de la section Un Certain Regard. Ce récit qui suit un père tentant de guider ses deux jeunes fils à travers l’immense ville alors que des troubles politiques menacent sortira sous bannière Le Pacte.
Côté courts, le jury a également souhaité distinguer des œuvres engagées. La Palme est revenue à I’m Glad You’re Dead Now, du Palestinien Tawfeek Barhom. Il s’attache à deux frères qui retournent sur l’île de leur enfance, où des secrets enfouis et des tensions pesantes les obligent à affronter un passé sombre qui les lie.
La mention spéciale du Jury courts métrages, présidé par la réalisatrice, scénariste et productrice Maren Ade, a été remis à un court métrage « sur une voix blessée, en quête d’une vie meilleure » : Ali, d’Adnan Al Rajeev. Situé dans une ville côtière où il est interdit aux femmes de chanter, il s’attache à un adolescent qui s’inscrit à un concours de chant dans l’espoir de partir vivre en ville, tout en dissimulant sa véritable voix de manière troublante.
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