Pour leur troisième Live Session, les rédactions américaine et française de Boxoffice Pro, en partenariat avec CineEurope et avec le soutien de Dolby, ont invité les représentants de l’UNIC à échanger sur les enjeux communs et les spécificités de l’industrie cinématographique européenne face à la crise sanitaire devant près de 700 participants issus de 55 pays.
Rencontre modérée par Julien Marcel, CEO de The Boxoffice Company, Marion Delique, rédactrice en chef de Boxoffice Pro France et Daniel Loría, rédacteur en chef de Boxoffice Pro USA.
Phil Clapp, président de l’UNIC et de la UK Cinema Association, Laura Houlgatte, déléguée générale de l’UNIC et Jaime Tarrazón, vice-président et trésorier de l’UNIC et président de la Federación de Cines de España, ont été invités à partager leur analyse de la situation que traverse l’exploitation cinématographique européenne. L’Union internationale des cinémas, qui représente les fédérations nationales d’exploitants de 38 territoires, exerce une activité de lobbying auprès de la Commission européenne pour faire entendre les revendications du secteur à l’échelle du continent ; elle partage également informations et bonnes pratiques auprès de ses adhérents et permet de centraliser les actions en cours dans les différents pays.
Dans ce contexte inédit, l’UNIC est plus que jamais « la voix des exploitants auprès de l’Europe », assure Laura Houlgatte, afin que le Parlement européen n’oublie pas le secteur au moment de légiférer ; les États membres peuvent en effet décider de soutenir des industries spécifiques dans le cadre du plan de relance de 500 milliards d’euros récemment approuvé par les ministres des Finances de l’Union. « Lors de la dernière rencontre entre les ministres de la Culture, le sort des cinémas, qui ont particulièrement souffert de la crise et ont besoin de soutien, a été particulièrement discuté », ajoute la déléguée générale. « Notre voix a été entendue. »
L’une des principales difficultés de l’UNIC est de défendre les intérêts de territoires différemment impactés par la crise actuelle. Alors que l’Autriche met déjà en place ses mesures de déconfinement, la réouverture des salles et le retour à une activité économique similaire à celle d’avant la crise semblent encore lointains en France, en Italie ou en Espagne, davantage préoccupées par des problématiques urgentes d’ordre sanitaire. Cette disparité peut toutefois être mise à profit : « Nous pouvons apprendre de chaque pays et en tirer autant d’éléments et d’arguments pour convaincre nos gouvernements respectifs », affirme Jaime Tarrazón. « Si nous combinons nos expériences, nous devrions trouver des solutions efficaces pour rouvrir. » Pour Phil Clapp, il faut garder à l’esprit que l’union fait la force : « Selon les gouvernements et les situations, les mesures seront différentes. Mais nous ne sommes pas seuls : d’autres secteurs du divertissement connaissent des difficultés similaires et nous pouvons, au niveau national, faire des appels communs aux pouvoirs publics et amplifier notre portée. Car si nous disparaissons, d’autres biens et services peuvent disparaître avec nous. »
En matière de réouverture, les mesures de sécurité sanitaires à mettre en place font partie des problématiques les plus prégnantes. « Il y aura certainement des mesures additionnelles à mettre en place, sans forcément attendre qu’elles soient imposées par les autorités », estime Phil Clapp. Mais pour le président de l’UNIC, il faut aussi garder à l’esprit que « nous sommes une industrie de divertissement et de loisir. Il ne me paraît pas envisageable de prendre la température des spectateurs avant d’entrer en salle. Les clients auront des attentes différentes selon qu’ils se rendent dans un circuit ou chez un indépendant, et chacun devra prendre ses propres mesures. » Laura Houlgatte affirme que l’UNIC communiquera sur les meilleures pratiques à mettre en œuvre afin d’assurer la sécurité sanitaire des spectateurs. Les mesures de distanciation sociale mises en place en France et en Irlande avant le confinement, qui permettaient de réduire la jauge de capacité des établissements à 50 %, semblent être une solution à étudier : « L’avantage des cinémas est de pouvoir contrôler les admissions. » Le système de placement réservé peut également être renforcé pour permettre aux spectateurs de conserver entre eux une distance de sécurité minimale.
Une fois ces mesures adoptées, quel contenu proposer en salle ? L’UNIC garde « un dialogue ouvert et transparent avec les distributeurs et les majors, mais la situation évolue d’une semaine à l’autre. La principale question est celle d’attendre ou non la sortie de crise des États-Unis ; nous espérons que non. » Jaime Tarrazón compte sur les films locaux, qui joueront un rôle important dans la reprise et le soutien du marché. Quant à la montée en puissance de l’offre SVOD et de la VOD, elle ne représente pas une vraie menace pour l’institution : « La décision des studios de mettre en ligne des films destinés aux salles à l’origine n’est qu’une conséquence de cette situation unique. Nous ne croyons pas que cela changera l’équilibre du secteur à la sortie de la crise », estime Phil Clapp.
En attendant, les cinémas sont fortement encouragés à maintenir le lien avec leurs spectateurs, notamment via leurs réseaux sociaux. Les retrouvailles entre les salles et les cinéphiles doivent se préparer dès maintenant, grâce à des initiatives locales comme la vente de coupons à utiliser après le confinement, l’implication de personnalités identifiées pour fédérer le public ou encore le lancement de hashtags à utiliser sans modération pour promouvoir les salles, comme #Oniratousaucinema en France ou #MoviesTogether aux États-Unis, que chaque pays est invité à s’approprier. Dans cette stratégie de reconquête, le plus important est de ne pas considérer le public « comme un groupe homogène », prévient Phil Clapp. Les futures communications sont à envisager en tenant compte d’une perception segmentée de la crise et de la menace : « Pour les plus jeunes, nous pourrons miser sur l’excitation de retourner au cinéma. Pour les plus fragiles, il faudra présenter la salle comme un lieu sûr, sans danger. Il faudra également déterminer à qui les contenus devront s’adresser en priorité : le public qui se précipitera dans les salles ou celui plus réticent, qui a besoin d’être encouragé ? » Et si les questions sont encore aujourd’hui plus nombreuses que les réponses, l’UNIC rappelle l’importance du dialogue et de l’information : « Nous sommes là pour vous aider, bien au-delà du confinement. N’hésitez pas à faire appel à nous. »
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