Le titre du groupe AMC s’est une nouvelle fois envolé en Bourse (+13% à la clôture) hier mardi 28 mars, sur fonds de rumeur d’acquisition du leader mondial de l’exploitation par le groupe de Jeff Bezos.
Un article du site The Intersect a indiqué que le géant du commerce en ligne aurait missionné un groupe d’experts composé de managers de son activité entertainment, appuyé par des consultants, pour étudier l’éventuelle acquisition du groupe dirigé par Adam Aron qui se débat depuis plusieurs années dans de sévères difficultés boursières. L’idée derrière ce projet serait qu’Amazon puisse utiliser les quelque 950 cinémas (et 10 500 écrans) d’AMC en Amérique du Nord, en Europe et au Moyen-Orient comme des « points de relais marketing », selon un proche du dossier. Parmi les synergies à l’étude, un système de fidélisation appuyé sur l’offre de films Amazon Prime, la vente croisée de services tels que la livraison de produits alimentaires, la mise en place dans les cinémas de centres de distribution locaux… sans oublier bien sûr les données marketing précieuses des 200 millions de spectateurs annuels d’AMC !
L’opération semble pourtant encore loin d’être bouclée. Un autre expert interrogé par The Intersect suggère ainsi que Bezos pourrait simplement attendre que l’action d’AMC continue de s’éroder, ou même attendre une éventuelle faillite… Certains analystes pronostiquent en effet qu’AMC pourrait devenir un « penny stock » (une action à un cent) et l’opération est donc loin d’être hors de portée pour un des hommes les plus riches du monde. Cette nouvelle rumeur se répand alors même que les yeux sont plutôt braqués ces derniers jours du côté de Cineworld, le principal rival d’AMC. La deuxième chaîne de cinémas au monde, qui contrôle plus de 600 établissements et opère sous la marque Regal aux États-Unis, est en effet en train rechercher activement des solutions lui permettant de sortir dans les semaines qui viennent de la faillite (chapter 11). Deux acheteurs, Elliott Management et CVC Capital Partners, se seraient ainsi manifestés pour reprendre certains actifs européens de Cineworld selon le site Axios. Par ailleurs, selon Reuters, un changement de management se profilerait pour le groupe dirigé depuis 9 ans par les frères Greidinger. Les géants de l’internet et du streaming semblent en tout cas réfléchir sérieusement au rôle de la salle dans leurs ambitions dans l’entertainment puisque, il y a quelques jours à peine, c’est Bloomberg qui révélait que Apple TV+ s’apprêterait à consacrer un milliard de dollars par an pour produire des films destinés aux salles de cinéma.
Rappelons que ces rumeurs autour des ambitions d’Amazon dans les salles obscures ne sont pas complètement nouvelles. Au coeur du mois d’août 2018, on lui prêtait la volonté d’acheter le leader américain des cinémas d’auteur Landmark Theaters qui devait finalement être repris par le magnat américain (et grand ami du cinéma français) Charles Cohen qui allait aussi jeter son dévolu sur le groupe britannique Curzon (et sur la Pagode). Pourtant, à la lumière des évolutions récentes et notamment le rachat de MGM finalisé au début de l’année dernière, il semble que l’analyse de Julien Marcel, directeur de la publication de Boxoffice Pro, dans son livre Hollywood année zéro (éd. Boxoffice, octobre 2021) reste plus que jamais d’actualité : « Amazon dispose de nombreux atouts dans son jeu pour participer de manière innovante à la réinvention de l’industrie. Jusqu’à acquérir un circuit de salles et devenir un acteur de ce maillon, comme il l’a fait dans le secteur de la distribution alimentaire avec Whole Foods ? C’est une intention qu’on prête souvent à Amazon… En tout cas, que ce soit par le biais de l’exploitation ou par d’autres formes d’innovations, il y a fort à parier que cette marque incontournable jouera un rôle déterminant dans la recomposition [du secteur]. »
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