Tribune : Cinq raisons pour lesquelles le coronavirus va changer notre manière d’acheter nos places de cinéma

par Julien Marcel, CEO The Boxoffice Company

Après le confinement qui a accru les pratiques numériques, et en prévision des mesures sanitaires qui vont être imposées aux salles à leur réouverture, les sujets du marketing digital et de la billetterie en ligne sont un « enjeu majeur pour la relance des salles de cinéma », estime Julien Marcel, CEO The Boxoffice Company.

À la sortie de cette longue période de confinement et alors que se profile la perspective de la réouverture prochaine des salles de cinema, les “professionnels de la profession” (selon la formule consacrée !) se préparent à cette échéance en revisitant leurs processus marketing et opérationnels. La période se caractérise par de nombreux échanges au sein des organisations ou à l’occasion des webinars organisés par les acteurs de l’information professionnelle du secteur (notamment les Live Sessions de Boxoffice Pro). Au cours de ces échanges, les sujets du marketing digital et de la billetterie en ligne semblent peu présents. C’est pourtant un enjeu majeur pour la relance des salles de cinema, et notamment celles qui sont en retard sur le sujet (petite et moyenne exploitation en priorité). 

Il y a de nombreuses raisons qui amènent à penser que le coronavirus va changer notre manière d’acheter nos places de cinéma. En voila au moins cinq :

1- Le e-billet comme facteur de rassurance

Face à la crise sanitaire que nous traversons, il est évident que tout ce qui peut contribuer à rassurer le public et à assurer sa sécurité sanitaire doit être mis en œuvre. Si on observe ce qui se passe là où des cinémas ont commencé à rouvrir, le message autour de la limitation des points d’interaction physiques est au cœur de le réouverture. Et, l’un des points de « friction » principal concerne bien l’achat de places. Des jauges de remplissage pourront bien être mises place mais leur efficacité susciterait l’interrogation légitime du public si on ne s’attaque pas en amont à la limitation des points d’attente, qu’ils soient réels ou même potentiels. À l’été 2020, c’est la possibilité même d’une file d’attente qu’il faut combattre !

De manière intéressante, en relisant l’étude du CNC de septembre 2018, une des principales objections au marketing digital de la part des exploitants indépendants portait sur « l’attachement au papier ». Force est de constater qu’à l’été 2020, l’heure ne sera pas aux brochures en libre service dans les halls de nos salles ! C’est au cœur des écosystèmes numériques que le dialogue peut et doit se rouvrir avec les spectateurs, à l’image de la campagne #oniratousaucinema portée par la FNCF et AlloCiné et relayée par la plupart des salles françaises.

2- Les pratiques digitales pendant le confinement : les seniors sont sur Skype !

Parmi les objections souvent entendues de la part de cinémas indépendants réticents à adopter la billetterie en ligne, il y a la perception (sans doute étayée par la forte proximité avec leurs spectateurs) qu’un public plus âgé serait moins enclin à adopter ces nouvelles formes de transaction. Les deux mois écoulés ont changé beaucoup de choses en la matière, ce qu’on peut résumer par cette formule simpliste: « les seniors sont sur Skype ! »

Nombreux sont ceux qui pourraient en effet témoigner de longues sessions familiales d’explications de systèmes de vidéoconférences… Il y aura forcément un effet sur l’appropriation de la technologie par les personnes plus âgées ! On peut aussi regarder du côté de la télé-médecine. Y a-t-il un service dans lequel l’importance de la relation humaine est plus centrale ? Et pourtant… L’usage de la télé-médecine a explosé sur Doctolib (la « licorne » française championne du secteur) et l’entreprise a annoncé le 22 avril dernier dans un communiqué avoir franchi le cap « symbolique » des 2,5 millions de télé-consultations réalisées sur son site depuis le début de l’épidémie de Covid-19. « 34 % des patients de plus de 65 ans qui ont pris un rendez-vous sur Doctolib l’ont pris en consultation vidéo », a fait savoir l’entreprise. Penser que le niveau d’agilité informatique de la plupart des classes d’âge sera durablement amélioré et que cela aura un impact sur la propension à acheter un billet de cinéma semble être une hypothèse raisonnable.

Enfin, quand on raisonne au niveau du marché, il faut éviter les erreurs d’interprétation : les salles de cinéma ont globalement un public jeune ! Comme l’a rappelé Médiamétrie dans son étude L’année Cinéma 2019 publiée le 29 avril 2020 : « Si les 50 ans et plus continuent de réaliser plus d’une entrée sur trois (36 %), les 15-24 ans sont venus plus nombreux en 2019 : 6,7 millions, soit 300 000 de plus qu’en 2018, contribuant ainsi au rajeunissement du média. Agé de 39,2 ans en moyenne, le spectateur cinéma est le plus jeune, tous médias confondus. Il se situe même en dessous de l’âge moyen des Français « 4 ans et plus », qui est de 43,6 ans ».

3- Les pratiques post confinement de nombreux secteurs confirment une tendance de fond

Les salles de cinéma étant amenées pour des raisons sanitaires à ouvrir leurs portes après d’autres secteurs, il semble utile d’observer les évolutions de pratiques à l’œuvre dans le commerce, la restauration et tous les autres secteurs de commerces et services qui, petit à petit, reprennent leur activité…

Même si cela peut sembler de prime abord bien éloigné de notre sujet, l’observation de la réaction actuelle des paroisses apporte un éclairage intéressant. Il s’agit bien d’une autre pratique collective caractérisée par le vieillissement des audiences et qui s’est rarement distinguée par un positionnement de « early adopter » sur les nouvelles technologies… Et voilà qu’en ce dernier week-end de mai 2020, dans le cadre de l’arsenal de mesures destinées à assurer la sécurité d’un week-end de retrouvailles important, un certain nombre d’églises adoptent l’enregistrement en ligne des fidèles ! Si les églises y parviennent, peut-être est-il temps pour les salles de cinéma de s’y mettre également…

Dans un registre plus marchand, de nombreux magasins tous secteurs confondus adoptent le pick-up, des musées rendent l’inscription en ligne obligatoire pour gérer le flux des spectateurs…

Pour continuer à se convaincre de l’ampleur de la transformation en cours, on peut également regarder du côté des grands magasins qui sont eux aussi des secteurs de fort trafic physique. Nicolas Houzé, le dirigeant des Galeries Lafayette, déclarait dans une interview au journal Les Échos du 25 avril dernier : « Je crois plus que jamais à l’omnicanalité. Il n’y a plus de différence entre les magasins et le e-commerce pour le client. (…) Mais globalement, le e-commerce n’a pas remplacé les magasins. À l’avenir, nous devrons revoir notre organisation en profondeur afin de tenir compte de cette nouvelle équation. »

Bref, les salles de cinéma vont rouvrir dans un pays profondément transformé. Nul ne saurait prédire l’ampleur de ces transformations mais il semble clair que les expériences mêlant parcours digital et physique feront partie de cette nouvelle normalité. Le « click and mortar » (expression américaine en vogue depuis quelques années pour décrire les modèles qui combinent dans le parcours client e-commerce et point de vente) est devenu monnaie courante.

4- Il y avait déjà une demande latente forte avant la crise du COVID

Le CNC a fait depuis plusieurs années déjà son cheval de bataille de la réduction de la « fracture numérique » entre grande et petite exploitation. En septembre 2018, une étude du Centre avait ainsi été conduite sur “Les pratiques digitales des salles de cinéma”. Les conclusions étaient très claires quant à l’urgence de la mise à niveau de la petite exploitation. Avec son tour de France digital entamé en fin d’année dernière et continué pendant les premiers mois de 2020, le CNC avait commencé un travail de sensibilisation important pour éviter que le marketing à deux vitesses des salles ne devienne un facteur de décrochage pour l’exploitation indépendante française.

57 % des personnes interrogées il y a deux ans estimaient qu’il était assez, voire très important, que les salles indépendantes permettent d’acheter leurs billets en ligne. Que seraient ces chiffres si une telle étude était renouvelée aujourd’hui ? Beaucoup plus élevés à n’en pas douter…

C’est bien sûr un enjeu pour les établissements concernés mais c’est aussi un enjeu pour l’ensemble de la filière. En effet, parmi les caractéristiques du modèle du cinéma à la française, le maillage du territoire (un fauteuil pour 57 habitants) fait partie des éléments essentiels et tous les types d’exploitation contribuent à une formule qui a fait ses preuves.

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La petite exploitation apporte une contribution déterminante au succès du cinéma français et son succès est une condition du succès de l’ensemble de la filière. Contrairement à d’autres marchés internationaux dans lesquels les exploitations indépendantes sont en cours de marginalisation (par exemple au Mexique, les deux principaux circuits représentent 97 % de la fréquentation en salle !), la marché français se caractérise par sa diversité et sa proximité avec le public qui sont des atouts qui ne doivent pas être mis à risque. Certaines franges du public de la petite exploitation réclamaient un aggiornamento technique avant la crise que nous connaissons. Les semaines écoulées n’auront fait qu’accélérer le mouvement. C’est ce que Satya Nadella, le PDG de Microsoft, a résumé il y a quelques jours dans une formule qui a immédiatement fait florès :

« En deux mois, nous avons vécu l’équivalent de deux ans de transformation digitale ! »

5 – « Because it’s 2020 ! »

Il y a une douzaine d’années, le dirigeant d’un des premiers circuits français avait coutume d’objecter, quand on soulignait devant lui le caractère inéluctable du passage du 35mm vers la projection numérique: « La mort aussi est inéluctable, ce n’est pas une raison pour se précipiter… » Quelques mois plus tard, le phénomène de la 3D amenait son groupe et l’ensemble de l’exploitation française à passer à la projection numérique. Il est toujours possible de repousser le changement… jusqu’au jour où on ne peut plus attendre !

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Lors d’une conférence de presse à la présentation de son premier gouvernement, le Premier Ministre canadien Justin Trudeau avait été interrogé sur les raisons qui l’avaient conduit à opter pour une composition paritaire entre hommes et femmes. Il avait répondu sur le ton de l’évidence : « Because it’s 2015 » (« parce qu’on est en 2015 »)… Sur la question de la généralisation de la billetterie en ligne lors de la réouverture des salles, on serait tenté de répondre: « Parce qu’on est en 2020 ! »

À l’heure où la plupart d’entre nous auraient du mal à se souvenir du dernier achat d’un billet de train ou d’avion « papier », il y a quelque chose de l’ordre de l’anomalie dans le taux extrêmement faible de la billetterie en ligne pour les cinémas français. L’idée de la billetterie en ligne est à ce point une évidence que, depuis 2019, Apple interdit tout simplement la publication d’une application mobile pour un cinéma si la réservation ne fait pas partie des services offerts !

Le taux de billetterie en ligne avant le COVID était estimé à 15 % (source interne). Il regroupe des réalités très différentes avec un groupe leader (Les Cinémas Pathé Gaumont) qui s’approchaient en 2019 des 50 % de billets en ligne en moyenne, une exploitation moyenne et grande oscillant entre 5 et 15 % et une petite exploitation très largement off-line en terme de billetterie (environ 1 000 établissements français ne disposent pas aujourd’hui d’une solution de billetterie en ligne).

Cette « anomalie » désolait les uns et réjouissait les autres qui aimaient à y voir le signe du cinéma comme havre de déconnexion… Mais au moment de préparer la relance, avec toutes les inquiétudes qui entourent le retour à la salle, il n’est plus temps de faire des paris… Il est temps de mettre toutes les chances du côté des salles obscures ! Offrir une billetterie en ligne n’interdira pas à ceux qui le souhaitent de prendre le chemin du guichet. Ne pas l’offrir, c’est l’assurance que ceux qui l’attendent ne reprendront pas le chemin des salles.

Pour un établissement qui n’est pas équipé aujourd’hui, est-il réaliste d’être prêt pour la réouverture, si on fait l’hypothèse que cette réouverture pourrait avoir lieu en juillet ? La réponse est oui.

L’ensemble des acteurs de la billetterie cinéma offrent des solutions pour passer à la dématérialisation du ticket de cinéma, donc oui, les solutions existent. Mais cette même étude du CNC avait mis en évidence certains freins à l’adoption de la billetterie en ligne : manque de temps, manque de budget et manque de compétence… C’est pour répondre à ces obstacles que le Centre a lancé en septembre dernier un appel à projets innovants. La Billetterie Augmentée de The Boxoffice Company, officiellement lancée cette semaine, fait partie des projets qui ont obtenu un financement dans ce cadre.

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La Billetterie Augmentée

Il s’agit d’une solution universelle de billetterie en ligne, prête à l’emploi en quelques heures, sans aucun pré-requis technique (disponible même pour les salles en billetterie manuelle). A côté des solutions « classiques » de vente en ligne disponibles auprès de The Boxoffice Company et des autres prestataires de billetterie du marché, il existe donc également cette solution « sur l’étagère » qui peut être mise en œuvre en quelques heures (manque de temps ?), qui est éligible au fond de soutien du CNC (manque de budget ?) et qui a fait l’objet d’une attention particulière côté simplicité de prise en main (manque de compétence ?)

Alors, plus d’excuses ? La généralisation de la billetterie en ligne dans tous les cinémas dès l’été 2020 ? Chiche !

Pour en savoir plus n’hésitez pas à vous inscrire à notre webinar de présentation de cette solution mardi 26 mai 2020 à 15h30.

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