La famille Letzgus espérait déplacer l’activité du Vox dans un nouveau complexe au centre ville. L’Eurométropole de Strasbourg renonce à ce projet, tandis qu’elle adoube celui de MK2 à Schiltigheim, en proche périphérie.
Propriétaire des cinémas Vox à Strasbourg et du Trèfle à Dorlisheim, la famille Letzgus travaillait sur ce projet depuis cinq ans : transférer les six salles du Vox dans un nouveau complexe de dix écrans et 1 300 fauteuils, aux Halles du centre-ville, à la place de l’actuelle gare routière. Lors de son conseil du 29 janvier, l’Eurométropole a indiqué que, dans le contexte économique dû à la crise sanitaire, elle abandonnait le transfert de la gare routière et donc le projet de pôle de loisirs dans lequel s’inscrivait celui du nouveau cinéma. « Mais pourquoi ne pas mettre le projet en attente, le temps que soit relocalisée la gare ? », interroge Eva Letzgus, qui avait répondu en 2015 à un appel d’offres lancé par la Ville.
Il s’agissait alors de construire un nouveau cinéma, avec un large volet environnemental, pour une programmation plus étoffée et plus d’événements, mais sans faire d’art et essai pour ne pas être en concurrence avec les dix salles des Star et Star Saint-Ex, dirigés par Stéphane Libs. Favorable au projet, la Ville devait d’abord délocaliser la gare routière pour libérer le terrain dont elle est propriétaire, avant que les Letzgus puissent déposer leur demande en CDACi.
Mais entre-temps, MK2 annonçait un autre projet en association avec les cinémas Star, pour un multiplexe de neuf salles et 1 404 places à Schiltigheim, en proche périphérie, implanté dans une ancienne brasserie Fischer. Commence alors une « guerre des cinémas » locale comme il y en a tant… sur fond de campagne pour les municipales de 2020. Toujours est-il que le nouveau projet est autorisé en CDACi en avril 2018, puis validé par la commission nationale six mois plus tard. En octobre dernier, Nathanaël Karmitz réaffirmait voir « Strasbourg comme la capitale de l’Europe, avec donc l’envie de créer un vrai lieu pour le cinéma européen ». Dès lors, il semble difficile que deux complexes aussi importants puissent être viables, en plus de la présence d’UGC. Les Letzgus font valoir qu’eux transfèrent leur activité et leurs entrées, alors que le projet MK2 est une création. C’est pourtant ce dernier qui a été confirmé la semaine dernière par l’Eurométropole… au détriment de celui de la famille Letzgus.
Pour l’exploitante du Vox, la nouvelle majorité a fait ce choix sans se soucier de l’équilibre entre centre-ville et périphérie. Eva Letzgus reconnaît que la création d’un cinéma en périphérie est tout à fait légitime, « mais le projet de MK2 se situe seulement à 100 mètres de l’entrée de Strasbourg, sans être pour autant un cinéma de proximité ». Aussi, « pour soutenir les cinémas indépendants strasbourgeois en cette période de crise et préserver l’attractivité de notre centre-ville, nous attendons de l’Eurométropole et de la Ville un report de la construction du MK2 à 2024/2025. Par décence, le temps que les cinémas existants retrouvent leur niveau d’entrées et leur fragile équilibre. » Eva Letzgus ne renonce pas à « une relocalisation du Vox, pour huit à dix salles aux Halles ou ailleurs à Strasbourg centre dans quelques années », et demande en attendant que le projet de Schiltigheim soit revu à la baisse. « MK2 défend l’idée de cinéma de proximité : au lieu de prévoir un multiplexe géant de neuf écrans, nous souhaitons qu’ils revoient la voilure à quatre, cinq, voire six salles, comme la moyenne de leurs autres établissements. »Pour l’heure, le Vox actuel a été entièrement rénové. « Nous avions déjà entamé des travaux et avons profité de cette période de fermeture pour innover, pour améliorer l’ambiance et l’âme du lieu, lui donner un second souffle. Il est tout neuf pour accueillir à nouveau son public. »
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