Très attendue au Congrès des exploitants, la ministre de la Culture a détaillé le fléchage des mesures d’urgence et de relance pour la filière du cinéma et de l’exploitation en particulier.
Fin août, le gouvernement annonçait un mécanisme de compensation des pertes d’exploitation pour les salles de spectacle et de cinéma, doté de 100 millions d’euros. À Deauville, Roselyne Bachelot a dévoilé que la moitié de cette enveloppe serait destinée aux exploitants de cinéma pour compenser leurs pertes en recettes billetterie, à hauteur de 50 % pour les salles indépendantes et 40 % pour les circuits. « La gestion de ce fonds sera assurée par le CNC qui effectuera un premier versement de 80 % du montant de la compensation fin octobre, avec un effet rétroactif au 1er septembre. Le solde de 20 % sera alloué en janvier 2021. » Les salles en régie publique directe sont toutefois exclues du fonds de compensation.
34 millions d’euros supplémentaires pour les salles
Concernant les 165 millions d’euros affectés au CNC, 60 millions permettront donc de compenser les pertes de recettes fiscales affectées au Centre, et de garantir le maintien à leur niveau actuel des dispositifs d’aides à la création et à la diffusion. « Ce sont 105 millions d’euros qui, ajoutés aux 11,5 millions affectés au redéploiement du CNC amorcé cet été, permettront de financer un total de 116,5 millions d’euros de mesures exceptionnelles. » Parmi l’enveloppe restante, 34 millions d’euros sont directement affectés au soutien des exploitants, via versement de l’équivalent d’un an du fonds de soutien automatique pour les indépendants et de neuf mois pour les circuits. « Cette aide pourra être utilisée pour couvrir les besoins de trésorerie, les frais bancaires ou les investissements de modernisation. » S’y ajoutera un effort particulier en faveur des salles art et essai avec un renforcement de l’aide sélective à hauteur de 2 millions d’euros. La ministre a également confirmé que la dette Cinemum sera annulée.
Une attention particulière sera accordée aux séances d’éducation à l’image, avec une enveloppe d’un million d’euros. « Nous financerons des actions de recrutement et de formation à destination des enseignants pour les encourager à revenir aux cinémas avec leurs élèves dans le cadre de programmes pédagogiques. » Le CNC soutiendra les 220 coordinations locales d’éducation à l’image et s’appuiera sur les Régions en les incitant à soutenir des initiatives concourrant à animer davantage les salles et à y attirer la jeunesse. « Apprendre la magie du cinéma à nos jeunes, c’est faire une éducation au cinéma pour toute la vie.»
19 millions d’euros pour les producteurs et distributeurs
En complément de l’aide fléchée vers les salles, le plan France Relance apportera un soutien spécifique à l’ensemble des acteurs de la filière. 19 millions d’euros sont alloués à des mesures nouvelles à destination des producteurs et des distributeurs, en complément des 11,5 millions déjà engagés par le CNC. La mesure de majoration du soutien automatique aux distributeurs qui ont sorti des films entre le 22 juin et le 1er septembre, sera prolongée jusqu’au 31 décembre 2020, représentant ainsi 9 millions d’euros. Les aides sélectives à la distribution seront également majorées. Afin d’encourager l’investissement dans de nouvelles œuvres, les producteurs vont bénéficier d’une majoration de 25 % du soutien, pour les investissements des producteurs délégués d’octobre 2020 à avril 2021, pour un montant de plus de 5 millions d’euros. Les distributeurs seront encouragés à investir dans des œuvres nouvelles via les minima garantis. Les aides sélectives pour le développement de nouvelles œuvres et les avances sur recette pour les films en tournage dans les mois à venir seront renforcées. La prolongation d’un an du délai de péremption du compte de soutien automatique à la production et à la distribution introduira davantage de souplesse et de visibilité dans les investissements.
« Nous veillerons aussi à la protection de notre patrimoine qui mobilisera deux millions d’euros. » L’aide sélective à l’édition vidéo physique sera majorée afin de soutenir l’investissement des éditeurs dans l’acquisition des droits de films notamment patrimoniaux. Le budget des associations et institutions qui assurent la conservation, la promotion et la conservation de ce patrimoine, comme la Cinémathèque française, sera aussi renforcé. À noter que 10 millions d’euros seront affectés à la modernisation des industries techniques et 8 millions à l’internationalisation du cinéma français avec notamment des moyens renforcés pour la nouvelle maison de l’export, fusion d’UniFrance (cinéma) et de France TV International (audiovisuel).
Plateformes et piratage
La transposition de la directive SMA vise à intégrer les plateformes dans le financement de la création et accompagnera la dynamique de relance de la filière. « Cette mesure fondamentale est prioritaire. » Cette transposition ainsi que la relecture du décret SMAD, pour mi-octobre, constituent la première étape d’un rééquilibrage d’ensemble du système de financement de la création, indispensable pour en garantir la pérennité et l’équité. « Nous devons veiller à conforter notre action contre le piratage. Même si l’audience des sites illicites est passée de 15 millions en mai 2018 à moins de 10 millions en mai 2020, nous devons continuer à sensibiliser le grand public et notamment les jeunes », a poursuivi Roselyne Bachelot. Ainsi, le gouvernement va lancer une campagne qui sera diffusée dans les salles, à la télévision, dans la presse et sur internet avant la fin de l’année. Le spot, financé par l’HADOPI et le CNC, a été réalisé par Michel Hazanavicius. Cette campagne sera complétée par des vidéos diffusées sur les plateformes.
« La crise nous a profondément déstabilisé mais aura eu un mérite : révéler ce que nos salles ont d’irremplaçable. Car le cinéma ce n’est pas seulement des films : c’est avant tout l’expérience unique dans l’atmosphère si particulière des salles obscures. »
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