Toujours à l’affiche comme comédienne dans Un ours dans le Jura et bientôt Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, Anne Le Ny signe sa septième réalisation, en même temps que sa sixième collaboration avec le producteur Bruno Levy. Invité de l’Émission Boxoffice Pro du 23 janvier dernier, le duo est revenu sur le « thriller domestique » distribué par SND à partir du 19 février, mais aussi les bases d’une création affranchie dans un paysage de financement renouvelé, et de l’expérience collective de la salle comme laboratoire de perception.
En tant que cinéaste, Anne Le Ny a toujours eu le souci de ne pas se laisser enfermer dans un genre. Après un premier drame autour du deuil (Ceux qui restent), elle surprend d’emblée pour sortir des carcans : « J’ai été faire une comédie assez grinçante, puis suis passée à un film un peu plus onirique, Cornouailles avec Vanessa Paradis. » Son dernier film est, pour sa part un « thriller domestique » où la violence s’invite « chez des gens tout à fait ordinaires, entre courses à faire ou machines à laver ». Au milieu de ce perpétuel renouvellement de forme, l’actrice-scénariste-réalisatrice concède être, comme tout auteur, hantée par les mêmes sujets : « Dans la mesure où on veut faire des films personnels, on va parler de la même chose toute sa vie sous différentes formes, alors autant changer de style. »
Le producteur Bruno Levy a une nouvelle fois suivi la cinéaste avec Move Movie, et continue à collaborer avec le fidèle Cédric Klapisch via sa seconde société de production, Ce qui me meut. Parmi les cinéastes qu’il accompagne actuellement : Aurélien Peyre – dont L’Épreuve du feu sera prochainement distribué par Paname –, Étienne Chatiliez ou encore Adrien Armanet. « Visiblement, je suis inclassable », s’amuse-t-il devant la difficulté à décrire sa ligne éditoriale, avant de livrer ce qui le meut : « Dès que ça me raconte des histoires de gens, de sentiments, avec des enjeux humains, ça me parle. »
La fidélité avant tout
Réuni depuis Les Invités de mon père (850 000 entrées en 2009), le duo Le Ny-Levy s’amuse « d’avoir viré vieux couple », et d’avoir fondé une « petite famille », avec des collaborateur·ices régulier·es, y compris dans l’équipe artistique. José Garcia était déjà à l’affiche du Torrent, Vanessa Paradis de Cornouailles, tandis qu’Omar Sy et Élodie Bouchez avaient tourné aux côtés d’Anne Le Ny (respectivement dans Intouchables et Le Pacte du Silence). Dis-moi juste que tu m’aimes réunit donc un casting de haute volée : « Nous avons eu la chance qu’ils aient pu adhérer aussi facilement au sujet. »
Continuer d’avancer dans un paysage en constante évolution
Anne Le Ny et Bruno Levy sont conscients d’avoir un public fidèle, mais un peu « tête-blanche, qui a vieilli en même temps que nous ». En quinze ans de collaboration, le tandem créatif a été témoin de la réduction de la vie des films et des difficultés pour ceux « du milieu » à se faire une place.
Toutefois, en ce qui concerne Anne Le Ny et Bruno Levy, l’arrivée des plateformes n’a pas réduit leur liberté de création, ni influencé leur choix de production. Ainsi, si Disney+ fait partie des financeurs de Dis-moi juste que tu m’aimes, le producteur n’estime pas avoir fait « un film de plateforme destiné aux abonnés, mais de cinéma ». D’autant plus qu’Anne Le Ny a, de son côté, la sincère sensation « d’écrire pour la salle », au point de mettre en scène un cinéma dans sa dernière réalisation [le Cinéville Parc Lann de Vannes, ndlr]. Et si l’émotion peut certes être transmise via d’autres supports, ce n’est qu’au cinéma qu’elle se partage vraiment : « Même si on voit le film à plusieurs devant son petit écran, on ne va pas en parler, ni s’en souvenir pareil. » La réalisatrice profite d’ailleurs particulièrement de ses tournées pour éprouver le ressenti des spectateurs et comprendre « comment ils perçoivent les choses ».
Aujourd’hui, « le nerf de la guerre », et le « vrai métier à risque » de la filière, c’est bien la distribution selon Bruno Levy, qui choisit avec soin ses partenaires pour accompagner chacun de ses films, même s’il avoue parfois se tromper. Et bien qu’il soit tout aussi sensible à la pression du mercredi de sortie et du premier week-end, face à d’éventuels mauvais chiffres, « la première chose à laquelle je pense, c’est aux distributeurs ». En conséquence, le producteur tient à rester dans une « économie acceptable pour nous », qui est aussi gage de liberté. Sur la chronologie des médias, Bruno Levy défend prudemment l’idée d’une réduction de la fenêtre salle pour un film « n’ayant pas du tout performé au cinéma » afin de garder le bénéfice d’une campagne de promotion qu’il ne sera pas toujours possible de remettre en place. « Qu’une fenêtre payTV puisse se rapprocher de la sortie salle pour éviter que le film se distille au milieu de centaines d’autres, c’est un sujet dont il faut vraiment parler. » Le producteur souligne cependant la pluralité d’intérêts qui rendent les discussions difficiles, et insiste sur le travail des syndicats pour avancer.
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Charlotte Pouillot et Aysegül Algan
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