À l’occasion de sa première Live Session, Boxoffice Pro a invité Richard Patry et Marc-Olivier Sebbag, respectivement président et délégué général de la Fédération nationale des cinémas français, à échanger avec 400 professionnels sur les défis auxquels est confronté le secteur dans le contexte de crise sanitaire.
Une sortie de crise au dernier trimestre ?
Alors que les salles sont totalement fermées depuis le 15 mars dernier, une première en 120 ans d’existence du cinéma, la FNCF travaille principalement sur un scénario de « sortie totale probable de la crise sur le dernier trimestre de l’année, car nous aurons beaucoup de mal à avoir une activité régulière et conséquente d’ici là », indique Richard Patry, qui prédit un plan de réouverture aussi rapide que celui de fermeture. « Cette période sera très compliquée à gérer », anticipe le président de la FNCF. « Les établissements rouvriront de manière partielle, les films ne seront pas forcément disponibles tout de suite. Ce serait mieux qu’il y ait un jour J de réouverture pour tout le monde, mais nous n’y croyons pas vraiment. » Les exploitants se sont déjà engagés à reprogrammer les films à l’affiche avant les mesures de confinement, qui « ont encore du potentiel » ; une « nécessité vis-à-vis des distributeurs et du public », ajoute Marc-Olivier Sebbag. La période de transition devrait être suivie d’une grande campagne de communication sur la fin de la crise et en faveur de la reprise d’une activité normale, afin d’inciter les publics à retrouver le chemin des salles. Dès à présent, la Fédération invite tous les professionnels à diffuser sur leurs réseaux sociaux le hashtag #Oniratousaucinéma, afin de maintenir le lien avec les spectateurs et de rappeler que « même si les salles sont endormies, elles sont encore bien vivantes ».
Une offre de films incertaine
Du propre aveu de Richard Patry, l’inquiétude de la Fédération réside davantage dans l’absence de films à projeter que dans un embouteillage de sorties. « Nous sommes dans une crise mondiale et la moitié de notre approvisionnement en films dépend des États-Unis, qui ont mis en place des mesures bien plus tardivement que nous et qui connaissent aujourd’hui des difficultés plus importantes. Les professionnels ne sont pas protégés par l’État et la structure de l’exploitation est différente. Beaucoup d’entreprises sont endettées et nos collègues américains seront beaucoup plus en retard que nous pour redémarrer leur activité, de même que les studios américains. » Toujours d’après le président de la Fédération, certains studios seraient prêts à replacer leurs films dans des stratégies de sortie européennes et non plus mondiales dans les premiers temps de la reprise. En France, la totalité des tournages étant interrompus, Richard Patry appelle à une concertation entre tous les professionnels pour éviter une trop grande concentration de films en fin d’année et au début de l’année prochaine. Une concertation qui ne pourra avoir lieu que sous l’égide du ministère de la Culture, le droit de la concurrence interdisant toute entente collective sur les dates de sortie et de tournage, rappelle Marc-Olivier Sebbag.
Rassurer les spectateurs
La mise en place des mesures sanitaires qui encadreront la réouverture des salles se fera sous la responsabilité des pouvoirs publics. La Fédération travaille de son côté sur l’écriture d’un guide de bonnes pratiques sanitaires pour accompagner les salles dans cette transition délicate. L’enjeu est ici de communiquer auprès des spectateurs qui seraient réticents à se retrouver dans un espace confiné et dans une certaine promiscuité, et faire passer le message que « les salles sont des endroits sûrs ». Si le fait de ne pas connaître la date de sortie de crise empêche pour le moment de mettre en place des actions concrètes de communication, Richard Patry se veut optimiste : « Je veux croire que les gens auront envie de vivre normalement. »
Répondre aux difficultés financières
Face aux nombreuses difficultés financières que la crise impose aux salles, la Fédération appelle les exploitants à se saisir des mesures gouvernementales mises en place pour les entreprises. Le chômage partiel, le décalage de remboursement d’emprunts et les avances de trésorerie peuvent ainsi permettre de gagner du temps pour préparer la sortie de crise. Pour Richard Patry, il est important de solliciter le moins possible le CNC afin de garder un maximum de trésorerie pour l’après et s’efforcer de préserver le secteur. En plus de l’élargissement des aides sectorielles voté par le CNC le 1er avril, pour les salles, les distributeurs et les producteurs qui auraient utilisé tous les dispositifs et qui seraient toujours en situation très critique, l’ensemble de la profession demande unanimement la création d’un fonds supplémentaire du CNC. L’objectif principal est de préserver les ressources collectives « pour en conserver un maximum à la reprise » et ne pas « obérer l’avenir » : « L’argent du compte de soutien, c’est notre argent ; il est préférable de se tourner vers l’argent de l’État que celui de la profession, car nous en aurons besoin pour relancer l’activité », estime Richard Patry. Dans cette période difficile, le président de la Fédération rappelle l’engagement de l’organisation auprès de ses adhérents : « Les salles sont bien là et prêtes à revenir. Nous sommes à vos côtés pour vous aider et nous sortirons plus forts de la crise. »
La rencontre, animée par Julien Marcel, directeur général de The Boxoffice Company, et Marion Delique, rédactrice en chef de Boxoffice Pro, est disponible en replay.
Partager cet article