Premiers films, un p’tit truc en plus ?

La Pampa d’Antoine Chevrollier ©Agat Films

En 2024, la fréquentation des premiers films d’initiative française a atteint son plus haut niveau depuis ces 20 dernières années. Pourtant, derrière le record, la situation est bien plus contrastée.

Vingt Dieux de Louise Courvoisier (945 000 entrées), La Pampa d’Antoine Chevrollier (200 000 entrées), Le Royaume de Julien Colonna (155 000 entrées)… Ces derniers mois ont été riches en éclosion de nouveaux talents sur les grands écrans. Mais si l’année 2024 affiche un record de 15,6 millions d’entrées sur les premiers films français, c’est, bien entendu, grâce à Un p’tit truc en plus. Pendant ce temps-là, la moitié de ces premiers films aura réalisé moins de 27 000 entrées, alors que leur médiane se situait à 35 000 avant crise sanitaire. 

Pour autant, la comédie d’Artus, devenue la championne de la fréquentation 2024 (10,8 millions de tickets), n’a pas été facile à financer, comme l’a décrit son producteur Thierry Wong de Ciné Nominé lors de la table ronde du CNC dédiée aux premiers films le 18 mai à Cannes : « Artus n’avait jamais réalisé, et il venait avec onze acteurs porteurs de handicap qui n’avaient jamais vu une caméra de leur vie… ce qui avait un côté inédit qui pouvait faire hésiter les financeurs, surtout les gros groupes. » Les producteurs se sont alors tournés vers un indépendant, Pan Distribution de Philippe Godeau, prêt à défendre le projet, sans pour autant s’engager sur un minimum garanti, qui sera dès lors rassemblé par neuf partenaires, dont Ciné Nominé. On connaît la suite de l’histoire…

Un marché face à ses réflexes

Cette année, le Festival de Cannes a fait son ouverture avec Partir un jour, un premier long métrage français. Mais avant cette consécration, Amélie Bonnin a également été confrontée à la « problématique du casting fort » pour accompagner la notoriété de Juliette Armanet. Une préoccupation qui ne provenait pas tant des producteurs que des distributeurs et des diffuseurs, mais face à laquelle la réalisatrice a finalement réussi à imposer sa vision : « On ne peut pas juste plaquer des noms connus, il faut trouver les bonnes personnalités pour embrasser les rôles. » Agathe Riedinger est, de son côté, heureuse d’avoir été préservée de cette contrainte pour son premier long métrage Diamant brut, « vu que pour la cohérence et l’authenticité du film, il me fallait une jeune comédienne, et qu’une tête d’affiche de 19 ans, ça n’existe pas. » De fait, pour la jeune réalisatrice, « les nouvelles représentations, ce sont des nouveaux visages. Et le public est content de voir des gens qui lui ressemblent ».

Pour autant, face à ces exemples de succès de fréquentation comme d’estime, la productrice Muriel Meynard (Agat Films – Ex nihilo) prévient : « Tout d’un coup, tout le monde a voulu faire son Vingt Dieux, sa Pampa, son Un p’tit truc en plus… Or c’est une fois, c’est magique, et il n’y a pas de recette pour ça ». Reste une constante pour les producteurs de premiers films face à leurs néo-réalisateurs, résumée par Anne-Dominique Toussaint (Les Films des Tournelles et ancienne présidente de la Commission de l’avance sur recettes du CNC) : « le plaisir de voir leur foi et leur désir. C’est là que je trouve ma vraie utilité de productrice. » 

Le 18 mai 2025 à Cannes, la première partie de la table ronde “Quel renouveau dans les premiers films français ?” du CNC a réuni, de gauche à droite : Agathe Riedinger (réalisatrice), Anne-Dominique Toussaint (productrice, Les Films des Tournelles), François Busnel (président de la commission Soutien au scénario du CNC) en tant que modérateur, Amélie Bonnin (réalisatrice), Muriel Meynard (productrice, Agat Films – Ex nihilo) et Thierry Wong (producteur et gérant, Ciné Nominé). © A.Algan/Boxoffice Pro
La Pampa d’Antoine Chevrollier ©Agat Films

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