Portrait exploitant : Romain Grosjean

Direction le sud-ouest, à la rencontre du directeur/programmateur des trois salles du Rex de Brive-la-Gaillarde. Un cinéma cousin du Grand Rex parisien et dont la façade va prochainement bénéficier d’un petit coup de peinture.

À quel moment avez-vous décidé de faire ce métier ? 
Je n’ai pas choisi le cinéma, le cinéma m’est tombé dessus. Je sortais d’études de tourisme et j’ai trouvé un stage aux Rencontres internationales du moyen métrage de Brive. Mon tuteur de stage, qui occupait un rôle au pôle régional d’éducation à l’image, partait : je l’ai remplacé et me suis formé en autodidacte. Je suis devenu le directeur du pôle en 2014, puis quand la ville de Brive a décidé de reprendre le Rex, elle m’a contacté pour en devenir le programmateur. C’est là que j’ai voulu faire ce métier.

Qu’est-ce qui vous séduit en premier dans une salle de cinéma ? 
La sensation lorsque l’on s’assoit dans un fauteuil juste avant que la lumière ne s’éteigne. Ce bref instant qui précède le basculement dans un autre monde, hors du temps. Un moment « sanctuaire » qu’on ne pourra pas nous enlever puisqu’on est dans le noir, avec seulement l’image et le son.

Que mettriez-vous dans le cinéma de vos rêves ?
Je suis charmé par la beauté des projecteurs 35 mm et des mécanismes argentiques. C’est une technique extraordinaire qui a accompagné l’histoire du cinéma. On a l’impression d’être dans une autre époque. C’est pourquoi je suis content d’être à Brive qui est un cinéma historique.

Votre plus grand moment de solitude dans votre cinéma ? 
Quand on a fait la projection de Sac la mort, en présence du réalisateur Emmanuel Parraud. Il y avait 6 personnes dans la salle pour un débat formidable. Mais j’ai été triste de ne pas voir plus de spectateurs et embarrassé pour le réalisateur qui s’était déplacé.

Votre spectateur le plus insolite ? 
J’ai un spectateur qui vient tous les jours, pieds nus, et voit tous les films.

Le spectateur qui vous met le plus en colère ? 
Un jour, un spectateur a répondu à un appel dans la salle devant le réalisateur. Comme ça, sans gêne. Une autre fois, nous avons projeté L’Empire des sens, présenté par la critique Marie-Anne Guérin, qui a évoqué la question du cinéma érotique et la manière d’utiliser les corps. Pendant toute la projection, un couple n’a pas arrêté de râler devant certaines scènes. Et pendant le débat, ce couple a critiqué la qualité de tournage. Il était aux antipodes de la salle, charmée par le film.

Le film que vous regrettez de ne pas avoir vu en salle quand il est sorti ?
Je n’ai jamais vu un film de Stanley Kubrick en salles. Seulement en DVD ou Blu-ray. 

Votre plaisir coupable ?
Borat de et avec Sacha Baron Cohen. Je ne le trouve pas si « naze » que ça : c’est un point de vue assez décalé et critique sur le monde occidental. Un film un peu trash à la manière de Bernie d’Albert Dupontel. 

La BO dont vous ne vous lassez pas ?
La musique de 2001 de Kubrick : elle me transporte, l’écriture musicale et sonore du film est folle. C’est limite un opéra. Et pour danser, les musiques de Tarantino. Toute la culture qu’il peut avoir de la musique contemporaine, toutes ses influences musicales qu’il insère dans ses films : c’est fabuleux chez lui.

Entre nous, quel est l’exploitant dont vous êtes fan ?
J’aime bien le discours sur le cinéma porté par Stéphane Goudet du Méliès de Montreuil.  J’ai forcément une pensée pour Bernard Duroux que j’ai remplacé à Brive et qui m’avait formé. Il a créé le Rex de toutes pièces, à convaincu la mairie de racheter le cinéma et d’en faire un lieu d’art et essai. 

Et quand tout est noir… quel film vous rend le plus heureux ?
To Be or Not To Be, c’est le film qui me remet de bonne humeur lors d’un coup de blues. Comme une béquille de vie. Il me rend heureux car c’est la victoire de l’art sur l’obscurantisme. C’est une formidable mise en abîme et une autocritique du théâtre ; une tromperie avec des dialogues fantastiques.

Bio express :

2009 : Premiers pas dans le cinéma via le festival du moyen métrage de Brive
2011 : Devient programmateur au Rex de Brive
2014 : Nommé directeur du pôle régional d’éducation aux images
2016 : Prend la direction du Rex

Les News