Sorti le 25 janvier par Apollo et toujours vigoureux pour le Printemps du cinéma, Pattie et la colère de Poséidon cumule à ce jour 811 000 entrées dans les cinémas français et a été vendu dans plus de 50 pays. Jolie carrière pour un film d’animation fabriqué dans les studios toulousains TAT, dont nous avons rencontré l’un des fondateurs.
Un film d’animation sur fond de mythologie grecque, qui mixe aventure et humour en s’adressant à petits et grands : Pattie et la colère de Poséidon est à ce jour le plus gros succès en salles du studio TAT, et a été particulièrement bien accompagné par la Région Occitanie. Une aventure que l’on doit d’abord à ses auteurs-réalisateurs, David Alaux, Éric et Jean-François Tosti, trois amis d’enfance dont les initiales ont donné le nom au studio, qu’ils ont fondé en 2000. La structure regroupe une société de production et un studio d’animation 3D, qui emploie 250 personnes dans ses locaux de 1 800 m2, en plein centre de Toulouse, où les films sont entièrement fabriqués.
Le succès est arrivé en 2011 avec la série télé Les As de la jungle, qui a donné lieu à plusieurs saisons et un premier long métrage de cinéma, sorti par SND en 2017 (695 000 entrées en France). Ont suivi Terra Willy en 2019 (Bac, 135 000 entrées), Pil en 2021 (SND, 475 000 entrées), Pattie et la colère de Poséidon cette année et deux nouveaux sont dans les tuyaux : Les As de la jungle 2 – Opération tour du monde, attendu en salles le 16 août prochain sous bannière SND, et Pets on a Train, qui sortira en 2025 chez Apollo.
En parallèle, TAT fabrique la série animée Astérix de Netflix, réalisée par Alain Chabat et produite par Alain Goldman (Légende Films) en collaboration avec les éditions Albert René, qui sera diffusée en 2024.
Entretien avec Jean-François Tosti, l’un des trois créateurs de Pattie
Que représente pour vous le succès de Pattie ?
Nous sommes très contents. Nous avions commencé au cinéma avec un succès, celui des As de la jungle ; la suite a donc été plus compliquée. Après Terra Willy, nous nous sommes rattrapés avec Pil, et Pattie a montré qu’avec une création originale, nous pouvions faire encore mieux qu’avec une adaptation de notre série phare.
Après le Moyen-âge avec Pil, Pattie et la colère de Poséidon s’inscrit dans la Grèce antique. Comment est né le projet ?
David Alaux avait particulièrement envie de travailler sur l’univers de la mythologie grecque qui le passionne depuis toujours, et qui a été peu exploitée en animation familiale. Mais surtout, pour nous trois qui avons fondé le studio, ce sont les films d’aventure comme Jason et les Argonautes avec ses effets spéciaux, découverts à la télé quand nous étions enfants, qui nous ont donné envie de faire du cinéma. Pattie, sur lequel nous avons commencé à travailler il y a cinq ans, rend hommage à tout cela.
Des sujets originaux qui s’adressent au grand public : est-ce une volonté délibérée et y a-t-il une recette ?
Nous avons clairement la volonté de faire les films les plus populaires possibles, au meilleur sens du terme : pour nous adresser à toute la famille, passer des messages positifs au plus grand nombre. Cela correspond à ce qu’on aime. Nous avons commencé par la télévision avec, déjà, cette volonté, en nous concentrant beaucoup sur l’écriture, qui est souvent une faiblesse du cinéma d’animation. David Alaux, mon frère Éric et moi avons un sens de l’écriture plus anglo-saxon qu’européen. Mais si nous avons écrit cinq longs tous les trois, nous travaillons aussi avec d’autres auteurs, comme Julien Fournet pour Pil, et nous ouvrons de plus en plus à d’autres collaborations.
En plus du cinéma, vous travaillez toujours pour la télé et aujourd’hui pour Netflix. Avec quelle liberté et quelle indépendance ?
Pour la télé, nous avons la confiance des diffuseurs et la chance d’être libres : il se trouve que ce qu’on a envie de faire correspond aux attentes du public. Avec Netflix, pour nous qui étions jusqu’ici auteurs-producteurs, c’est une commande, soit de la prestation. Mais là encore, si les gens de Netflix sont venus nous chercher, c’est qu’ils aiment notre travail. C’était très tentant ! Et nous disposons d’un budget conséquent pour faire quelque chose de qualité, ce qui est quand même très agréable.
On sait le temps que prend la réalisation d’un film d’animation : vous avez pourtant décidé de produire un long métrage par an pour la salle…
Oui, car nous avançons toujours sur trois projets en parallèle. L’animation, c’est long, mais c’est un travail très séquentiel : entre deux étapes, les équipes peuvent donc travailler en rotation sur trois productions. Certes c’est sportif ! En particulier cette année : en ayant un peu décalé la date de Pattie puis avancé celle des As 2, les deux films seront sortis à six mois d’intervalle. Mais le suivant, Pets on a Train – qui aura sans doute un titre français – arrivera un an et demi plus tard.
Quel budget pour Pattie ?
10 millions d’euros. C’est peu, mais notre force est de pouvoir faire un film en contrôlant tout de A à Z, chez nous. Le fait d’être en province permet aussi beaucoup d’économies. Reste que, par rapport aux productions américaines, ce budget serré représente pas mal de sacrifices. Bien sûr, nous espérons augmenter nos budgets pour travailler plus confortablement.
Comment choisissez-vous le distributeur, et s’engage-t-il dès la production ?
Plus encore que le financement d’un film en général, ce qui valide et légitime la production d’un projet, pour nous, c’est de trouver un bon distributeur, ce qui donne un sens et une existence au film. Après plusieurs collaborations, nous pouvons désormais vraiment choisir des distributeurs qui ont fait leurs preuves sur l’animation, comme SND et Apollo. Ce dernier s’est engagé dès le début du projet de Pattie, comme il l’a fait sur Pets on a Train. Je suis par ailleurs très admiratif du travail des équipes de programmation, qui appellent les cinémas tous les lundis. Des gens qui sont rarement nommés, mais qui permettent à nos films de vivre en salle, et d’y rester longtemps.
Et quelles sont vos relations avec les exploitants ?
C’est aussi l’un des maillons clés : ce sont les exploitants qui doivent être séduits en premier par un film. Paradoxalement, leur métier est de montrer les films, mais ils connaissent peu la façon dont on les fabrique. Il est important pour nous de les rencontrer, de leur expliquer les enjeux. Nous organisons ainsi des visites de nos studios, principalement pour les exploitants de la région, y compris ceux qui représentent les gros circuits. Pattie est encore en salle et devrait y rester encore.
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