Netflix, crise économique, politique patrimoniale : Nathanaël Karmitz était le grand témoin du MIFC

©Yann Vidal pour Boxoffice Pro

Le président du directoire de MK2 était invité à s’exprimer sur la stratégie du groupe et l’actualité du secteur en qualité de Grand Témoin du Marché international du film classique du Festival Lumière à Lyon. Extraits.

L’accord avec Netflix pour les films de Truffaut, Lynch…

Au printemps, alors que les spectateurs sont contraints de rester chez eux en raison du confinement, MK2 a officialisé un accord avec Netflix pour la diffusion sur la plateforme d’une partie de son catalogue, comprenant Lynch, Truffaut ou encore Dolan. Un deal portant sur une cinquantaine de titres pour un an et de manière non exclusive. « L’important n’est pas d’avoir vendu ces films à Netflix mais que la plateforme a changé de position concernant le patrimoine, pour lequel elle ne manifestait aucun intérêt par le passé. Cet accord est le signe d’un vrai changement de politique. Notre métier est de transmettre ce type de cinéma et si la plus grande plateforme mondiale y contribue, on ne peut que s’en réjouir », a expliqué Nathanaël Karmitz, qui a précisé que, sous la pression populaire, le partenariat a été élargi au Québec. Cette opération montre également la puissance marketing de la plateforme, le président du directoire de MK2 rappelant que son groupe avait conclu le même type d’accord avec Amazon Prime deux ans auparavant sans bénéficier d’autant de publicité. « Ce deal ne m’empêche toutefois pas de rester critique à l’égard de Netflix et de ne pas adhérer à l’ensemble de sa politique. Il ne faut pas se leurrer : cet accord intervient dans un contexte où la plateforme négocie ses obligations d’investissements dans les productions françaises et européennes. »

Contexte compliqué avec la crise du cinéma américain

Le léger frémissement accompagnant le sortie de Tenet n’aura pas duré. La fréquentation peine à redécoller, toujours amputée des productions américaines qui représentent 40 % de part de marché. Pour Nathanaël Karmitz, si « en France nous sommes moins dépendants qu’ailleurs, nous sommes victimes en Europe et dans le monde de la crise que traverse le cinéma américain », faisant ainsi allusion aux décisions des studios de reporter leurs sorties ou de les proposer sur d’autres supports, pour sauver les coûts de production. Il a ainsi regretté que la question de l’indépendance culturelle en Europe ne soit pas davantage étudiée. « A-t-on vocation à rester un fournisseur de grands talents ou devient-on également, et nous en avons les moyens, producteur de blockbusters ? On le voit avec la Chine, qui est aujourd’hui le seul marché à être reparti car non dépendant de l’industrie américaine tout en développant de grosses productions locales. C’est le moment de réagir pour faire en sorte que cette situation ne se reproduise pas, et d’être présent pour le public qui, on le sent, a envie de culture et de cinéma. »

Une politique patrimoniale maison toujours forte

Il y a un an, MK2 annonçait une collaboration poussée avec Carlotta Films autour des films de patrimoine, via notamment l’édition physique d’une partie du catalogue. Ce partenariat, comme ceux avec d’autres éditeurs, est essentiel pour le réseau Karmitz : « Nous étions un groupe intégré par le passé, à la fois producteur, distributeur, exploitant et éditeur, pour maîtriser l’ensemble de la vie d’un film. Mais c’était devenu trop risqué économiquement, d’où l’abandon de nos activités de distribution et d’édition. Le choix de faire confiance à des partenaires extérieurs était donc naturel car nous avons la même mission, et il était plus bénéfique de renforcer les partenaires existants plutôt que de se concurrencer. » Deux grandes opérations animeront ainsi la saison patrimoniale de MK2. D’abord la ressortie 4K, le 25 novembre, de cinq Chabrol (L’Enfer, La Cérémonie, Rien ne va plus, Merci pour le chocolat et La Fleur du mal) avec Carlotta, via le programme Suspense au féminin. « C’est le bon moment pour remettre en avant le travail de Claude Chabrol, dans un contexte de crise sociale. C’est un cinéma d’auteur à la française, tout en étant populaire avec des têtes d’affiche, et des films de genre », a indiqué Nathanaël Karmitz. En mars 2021, le groupe proposera également une rétrospective de l’œuvre d’Abbas Kiarostami, « fruit de dix années de travail pour restaurer les œuvres ». Outre une exposition au Centre Pompidou à Paris, ses films ressortiront en salles sous bannière Carlotta tandis que Potemkine éditera les DVD et Blu-ray. Ces opérations d’ampleur seront coordonnées par Rosalie Varda, arrivée chez MK2 en avril dernier. Enfin, toujours dans sa logique de transmettre et de proposer une offre patrimoniale éclectique, le groupe va pérenniser à partir de fin novembre sa plateforme MK2 Curiosity, initiée pendant le confinement et qui mettait à l’honneur chaque semaine cinq curiosités de son catalogue.

Avancée des chantiers de salles

Le président du directoire de MK2 a profité de sa keynote pour évoquer les différents chantiers liés à son activité d’exploitant. Après avoir rouvert son cinéma parisien à Nation dans un écrin flambant neuf fin 2019, le groupe dévoilera en fin d’année l’hôtel agencé dans les derniers étages du bâtiment. « L’hôtel Paradiso comporte 36 chambres, chacune dotée d’un écran de deux mètres de base avec un accès à un catalogue très fourni, ainsi qu’un cinéma en plein air sur le toit. » En parallèle, le groupe poursuit son projet de cinéma à Schiltigheim, en périphérie strasbourgeoise, en collaboration avec Stéphane Libs, exploitant des Cinémas Stars en centre-ville. Le MK2 Fischer (neuf salles) sera implanté dans l’ancienne brasserie du même nom et s’inscrit dans un vaste projet de réhabilitation. « Nous voyons Strasbourg comme la capitale de l’Europe, avec donc l’envie de créer un vrai lieu pour le cinéma européen. »

©Yann Vidal pour Boxoffice Pro

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