L’Omnia de Rouen rallume sa façade

© Marion Delique

Après deux ans de travaux, le cinéma art et essai normand renoue aujourd’hui avec son public. Un challenge de rénovation pour le cinéma du groupe Noé, qui retrouve sa façade historique et une salle supplémentaire.

Le projet était très ambitieux. Mené par l’architecte Gilbert Long, il aura fallu deux ans pour reconstruire totalement le site de centre ville et donner naissance à huit salles, soit une de plus qu’auparavant, faire renaître la façade vitrée originelle – qui avait été détruite – et faire éclore un ciné café à l’étage. L’Omnia restructuré, agrandi, embelli, est désormais totalement accessible. 

Le cinéma de la rue de la République est né en 1950. En 2009, Gaumont, alors propriétaire, a souhaité se concentrer sur la construction de son cinéma de Grand Quevilly, en périphérie. Afin de conserver l’activité cinématographique en centre-ville, la mairie a alors racheté le fond de commerce et lancé un appel à DSP pour une activité art et essai. « À l’époque, j’étais directeur du cinéma UGC de Saint-Sever à Rouen et Richard Patry m’a proposé de nous associer pour cette DSP. Notre projet retenu, nous avons créé une filiale du groupe Noé, à parts égales », raconte Hervé Aguillard. Les deux associés ont rouvert le cinéma le 1er septembre 2010 en lui redonnant son nom d’origine, l’Omnia.

« À cette époque, le site, déjà vieillissant, n’avait pas été rénové depuis 1990. Mais nous avons attendu le renouvellement de la DSP afin de présenter un projet de rénovation et de mise en accessibilité à la Ville. » En 2018, l’ensemble des partenaires financiers arrivent à boucler le budget qui s’élève finalement à 7,375 M€. La Ville a contribué à hauteur de 28 %, la Région Normandie de 26 %, la Métropole Rouen Normandie de 25 % et le CNC de 21 %. « Le projet a également bénéficié d’une aide sélective de 800 000 €, ce qui représente un montant exceptionnel en pleine crise sanitaire. » Les travaux sont lancés en mai 2020.

Certes, le chantier a connu nombre de déconvenues et a demandé une année supplémentaire de délai. « Le désamiantage a été plus long que prévu. De plus, nous nous sommes aperçu que casser les murs fragilisait le bâtiment ». Il a fallu six mois de plus pour consolider les fondations. Pendant les deux années de fermeture, la Ville a permis à Noé Cinéma Rouen d’ouvrir un lieu de projection au sein d’un bâtiment municipal. « Nous avons transformé quatre salles de réunion en salles de cinéma en investissant 50 000 €. Nous avons réussi à attirer 100 000 spectateurs pendant cette période, malgré la crise », rappelle Hervé Aguillard.

© Marion Delique

Aujourd’hui, le hall du nouvel Omnia est agrandi et totalement refait, accompagné de bois clair et ferronnerie autour des escaliers et rambardes. Les spectateurs seront accueillis via deux comptoirs de part et d’autre ; pas de bornes, mais priorité au contact humain. Pour les rafraîchissements et les consommations, il faudra découvrir le ciné café aux allures de club cosy à l’étage, éclairé par la grande façade vitrée. Quant aux salles, les volumes des trois plus grandes sur l’avant du bâtiment ont pu être conservés, offrant des capacités confortables s’échelonnant entre 170 à 490 fauteuils. L’arrière du site, qui abritait auparavant les quatre autres salles, a totalement été détruite et reconstruite avec en prime une huitième salle intimiste de 17 places. « Nous sommes les champions de la diversité et nous voulons que tous les films art et essai puissent être diffusés à Rouen ! Cette huitième salle nous ouvre davantage de possibilités. » 

En effet, le cinéma détient les labels art et essai Jeune Public, Patrimoine/Répertoire et Recherche et Découverte et il est membre du réseau Europa Cinemas. La programmation et l’animation sont opérées par Jean-Marc Delacruz spécifiquement. « L’Omnia a une vocation artistique et va le rester. C’est notre ADN : la défense du cinéma d’auteur, l’accueil de festivals, d’équipes de films, de débats…  notre public va retrouver tout cela. Mais aujourd’hui, nous avons un super équipement qui va nous permettre de l’accueillir dans de meilleures conditions », affirme Hervé Aguillard. Ici, pas de salle premium ni de gadgets. « Je suis un vrai cinéphile. Pour moi, il faut projeter un bon film, sur un bel écran, avec des fauteuils clubs confortables qui offrent un bon rapport à l’écran. Je ne suis pas fan des trucs qui bougent, du moins ce n’est pas ce que je cherche dans une salle d’art et essai. »

Le cinéma rouennais avait réalisé 260 000 entrées en 2019. Son objectif est d’atteindre les 300 000 billets, au bout d’un an. « Nous avons la capacité de réaliser 320 000, mais restons humbles et raisonnables », conclut l’exploitant.

© Marion Delique
© Marion Delique